Le blog des éditions Libertalia

La Légende de Victor Hugo, sur Mediapart

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension de La Légende de Victor Hugo publiée conjointement sur le blog patsy.blog.free.fr/ et sur Mediapart le 2 mars 2015.

Les artistes méritent rarement l’affection qu’on leur porte. Il en va ainsi de l’illustre Victor Hugo si l’on en croit Paul Lafargue qui lui règle son compte férocement dans deux articles publiés initialement dans La Revue socialiste en 1891, articles réunis en 2014 par les éditions Libertalia avec pour titre : « La Légende de Victor Hugo ».

De Paul Lafargue, on a souvent retenu deux choses : qu’il fut le beau-fils du grand Karl Marx ; qu’il fut le rédacteur d’une sulfureuse brochure qui fit grincer des dents bien des marxistes : Le Droit à la paresse. On en oublierait presque qu’il fut un militant de premier plan du socialisme français, et une belle plume, dans une période, il est vrai, qui n’en manquait pas.

La légende de Victor Hugo débute par le récit sarcastique des funérailles en grandes pompes, que dis-je, de la panthéonisation du grand homme, ce poète et écrivain hors du commun. J’emploie le terme « hors du commun » dans un double sens : pour souligner tout d’abord son aura d’artiste ; pour rappeler ensuite que le brave Victor se tenait fort loin de ce peuple dont il contait les aventures en se gardant bien de se mêler à lui.

Tout à sa fougue pamphlétaire, Paul Lafargue raille le Hugo politique, non point pour son ralliement tardif à l’idée républicaine, mais principalement parce qu’il voit dans le poète lyrique bisontin un opportuniste et un homme d’affaires ayant vendu sa plume à Louis XVIII en échange d’une pension le mettant à l’abri du besoin. Il rappelle opportunément qu’en juin 1848, le futur auteur des Misérables, de royaliste devient républicain, mais un républicain très droitier qui fait le coup de feu contre le peuple de Paris rêvant à une République sociale alliant le travail et le pain. Pour lui la République a les couleurs de l’ordre et du capitalisme, et elle se passe d’utopies émancipatrices.

Quand la République bourgeoise tombe entre les mains de Napoléon III en 1851, Hugo s’exile avec sa fortune en Angleterre, à Londres puis dans les îles anglo-normandes « afin de n’être pas navrés du spectacle de la misère » des autres exilés français comme le souligne, sarcastique, l’anarchiste Joseph Déjacque. Il n’y reviendra qu’avec la restauration de la République, troisième du nom, en 1870. La Commune de Paris en 1871 ? Bien trop radicale à son goût ! Hugo aime l’ordre, autrement dit le respect de la propriété. La justice sociale, il n’en a cure : comme l’écrit Lafargue, « l’égalité civile, qui conserve aux Rothschild leurs millions et leurs parcs, et aux pauvres leurs haillons et leurs poux, est la seule égalité que connaisse Hugo ». Il se méfie plus que tout des « rouges », de ceux qui veulent mettre le monde sens dessus-dessous, car du grand chambardement, il aurait tout à perdre. Hugo est un bourgeois républicain qui fait des phrases et se garde bien de s’exposer. Alors « que l’on se nourrit de pain et de viande, Hugo se repaît d’humanité et de fraternité », nous dit Lafargue.

Le 1er juin 1885, une foule immense de badauds et d’hugolâtres accompagna la dépouille du Grand homme dans sa dernière demeure. Deux ans plus tôt, le très fortuné Victor Hugo, peut-être atteint de crise mystique, avait ajouté à son testament ceci : « Je donne 5 000 francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetière dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les églises. Je demande une prière à toutes les âmes. Je crois en Dieu. » Doit-on voir dans ces quelques phrases la volonté de l’écrivain de s’acheter quelque indulgence avant de rencontrer le Tout-Puissant ? Allez savoir…

Christophe Patillon

La Petite Maison dans la zermi, dans Le Matricule des anges

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Chronique de La Petite Maison dans la zermi parue dans Le Matricule des anges , n° 160, février 2015

Réédité en 2014, La Petite Maison dans la zermi se dote d’une nouvelle préface déroulant les sept années qui se sont écoulées depuis la première édition. Thierry Pelletier, écrivain et travailleur social « poussé par la nécessité », a continué à écumer foyers d’accueil médicalisés et centres thérapeutiques… et rares sont les taules qui ne prennent pas « les “usagers” pour des jambons, de la chair à subventions ». C’est que Thierry Pelletier n’est pas un « gardien de pauvres » comme les autres, lui est résolument du côté de « cette belle tribu de fêlés ». Alors, que ceux qui attendent des discours pontifiants sur la misère, sur ces gens-là, tournent les talons fissa. Dans ce carnet de bord défile en format court – orné d’une illustration par nouvelle – le monde des racaillous, des survêts, des lascars, qui lors des grands froids s’accolent sous le toit de la Petite maison dans la zermi. Écrite dans une langue qui transperce tout, qui embrasse et dézingue, déshabille ceux qui se croient bien vêtus – Ah les boy-scouts rutilants partant à la pêche au SDF récalcitrant ! –, La Petite Maison… rhabille d’humanité ceux qui n’ont rien d’autre à présenter. Parce qu’il sait Thierry Pelletier. Il gère le quotidien, les repas, les bagarres (quelques-unes), la détresse (beaucoup), le rire (énorme). Il sert les hôtes de la maison directement à table, les couche quand ils sont trop bourrés, un sourire en coin quand « ils reviennent tous farauds après une énième gardave, l’accident de travail du racaillou ». Une présence bienveillante mais dénuée d’angélisme, incarnée par cette langue rock et rabelaisienne à la fois, que ce « fils du peuple » partage avec les toxicos et les gens de la rue. Alors, bien que l’on puisse en attendant lire sur son blog ses chroniques de saisonnier de la galère, on attend un tome II aux couleurs du camping d’Oléron, où il travaillait cet été… comme vigile de nuit.

Virginie Mailles Viard

Même pas drôle – le PDF en téléchargement libre

lundi 13 avril 2015 :: Permalien

Paru en septembre 2010, Même pas drôle, le livre de Sébastien Fontenelle sur l’itinéraire de Philippe Val au cours de la première décennie du siècle XXI n’a guère perdu sa pertinence.
En cette période de temps sombre et de confusion politique, où tout – y compris le pire – semble possible, nous avons choisi, en accord avec l’auteur, de rendre le PDF public. Puisse-t-il contribuer à éveiller un nouvel esprit critique.

Téléchargez librement le livre au format PDF (385,8 ko).

Trop jeunes pour mourir, dans Les Cahiers d’alter

mardi 3 février 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Chronique parue dans Les cahiers d’alter n° 75, 26 janvier 2015.

Cent ans après la boucherie organisée par les États pour servir les intérêts capitalistes et impérialistes, des parutions ou rééditions méritent notre attention, comme Les Cahiers de guerre de Louis Barthas, tonnelier (1914-1918). Trop jeunes pour mourir – ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914) est, lui, indispensable. L’histoire de la Fédération communiste anarchiste, composée de jeunes ouvriers révolutionnaires, est le fil rouge, mais c’est tout le mouvement social de ces années qui est retracé : les grèves des PTT en 1909, des cheminots en 1910, du Bâtiment en 1911, mais aussi l’internationalisme, la lutte contre l’antisémitisme et les groupes réactionnaires, l’évolution (pas toujours brillante) des organisations révolutionnaires, la répression, les débats dans la CGT. Le syndicalisme est au cœur de l’histoire racontée par G. Davranche, et au cœur de l’Histoire. Sans chercher à tout propos un parallèle avec aujourd’hui, des faits, des analyses et des choix politiques y trouvent un écho incontestable. Il serait sot de ne pas en tenir compte. Les militants et (quelques) militantes de l’époque sont confronté-es à des débats essentiels : rapports du syndicalisme révolutionnaire avec les partis politiques aspirant à gérer la société, facilité à multiplier les appels à la grève générale au lieu de la construire, place des femmes ou des immigré-es dans le mouvement syndical, construction de mouvements de masse ne devant pas signifier abandon des principes, propension à se cacher derrière eux au risque de commenter l’actualité sans peser dessus, etc. La perte de repères et l’absence d’autonomie conduira la CGT à oublier ses engagements antimilitaristes et internationalistes ; de fait, le syndicalisme se fondra dans un mouvement « socialiste » (ne dirait-on pas « citoyen » aujourd’hui ?) tiré par les partisans du changement par les élections… 543 pages ? Oui, et le style, les précisions ou anecdotes fondées sur une documentation exceptionnelle, les liens avec le contexte contemporain en rendent la lecture d’une grande facilité.

Christian (SUD-Rail)

Les Rois du rock, dans Permafrost

lundi 2 février 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Chronique des Rois du rock, parue dans Permafrost n° 2.

Qu’on soit bien d’accord, on va pas se mettre à argoter dès qu’on parle du Paname des années 80. Thierry Pelletier le fera tout en délicatesse et bien mieux que nous tout du long de son recueil de souvenirs de jeunesse. Et puis, de toute manière, s’attarder sur ce maniement ciselé et bien envoyé de ce qui est la langue des rues parisiennes et banlieusardes depuis des siècles, ne ferait que nous faire tomber dans le folklore et passer à côté de l’essentiel du bouquin…
Parce qu’en fait, il nous raconte le rock’n’roll des petites frappes, les concerts inoubliables (ou pas), les bananes flamboyantes de toute la bande, les errances et les rencontres dans la rue, les bastons quasi toujours à la con, la tise et la came pour oublier la misère et le béton, les virées essentiellement entre « couilles », le rock’n’roll panamien d’il y a trente ans… En fait, rien de bien glorieux, comme il le dit lui-même : « Bête, je l’étais indéniablement, velléitaire également, très chiant surtout. Tout autant que le rock’n’roll, je nourrissais une appétence certaine pour le bordel, les états de conscience modifiée et j’étais fasciné par la violence. » Et il n’est pas le seul. Avec ses potes et ses bandes, ils écument les quartiers et les rades, alors que surveillance et répression ne sont pas aussi omniprésentes qu’aujourd’hui. Un Paris d’un autre temps, où une constellations de bandes de prolos rockers se croisent, se fédèrent ou se foutent sur la gueule. Toujours près à la stonba pour des pacotilles ou pour l’affirmation de soi, rien n’est bien clair pour les rockers du bitume. Pour ce qui est des meufs, ça semble pas toujours très net, à traîner qu’entre mâles et qu’entre « durs », machisme et virilisme arrivent rapido et semblent avoir du mal à être remis en question. Le rock’n’roll, c’est pour ceux qui en ont, quoi ! Peu politisés, ils peuvent paradoxalement aussi bien traîner avec les fachos qu’avec les chasseurs de skins, les autonomes ou les émeutiers du mouvement contre la loi Devacquet. « Peu importe finalement », c’est sans doute ce que se disent ces jeunes prolos : vivre vite, vivre intensément, et se serrer les coudes au sein de la petite communauté, être des bad boys et prendre une revanche avec la raïa, une revanche de classe, tenir la rue…
« Je reconnais les gens de ma classe à la façon qu’ils ont de se tenir à table. Ils sont peut-être capables de s’entretuer pour un plan came à 20 balles, mais il y a chez eux une façon de partager la bouffe que n’auront jamais des personnes plus aseptisées. […] Dans le bouquin j’évoque des personnages qui se comportent comme des vrais salopards. Qui tapaient tout le monde. Qui aimaient la violence. Et pourtant, ils faisaient preuve d’un vrai sens du partage quand on traînait ensemble. Au fond, je crois que se comporter en bourgeois, ce n’est pas tant fonction des revenus que de l’éducation. » (Extrait d’une interview donnée au canard Article 11, mars 2014.)
C’est là tout l’intérêt du livre. Même si la logique du crew, tout comme celle de la « famille », devient rapidement étouffante et mortelle, on prend plaisir à lire ce que Pelletier dépeint par petites touches au fil des pages : l’esprit de la communauté des rois de la galère et de la solidarités de la tribu des fêlés. Et comment cela est, de manière bien complexe et sans que ça ne soit jamais tout noir ou tout blanc, imbriqué, juxtaposé avec nombre de choses beaucoup plus cradingues.
La rue. Le rock. Pas de quoi mythifier, pas de quoi s’en vanter, mais c’était ainsi.