Le blog des éditions Libertalia

Charles Martel et la bataille de Poitiers sur le site La Rotative

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Charles Martel et la bataille de Poitiers sur le site La Rotative (avril 2015)

Charles Martel et la bataille de Poitiers : des flammes de l’enfer au triomphe à l’extrême droite

Le bandeau du blog de Vox populi, le mouvement d’extrême droite identitaire de Tours, affichait fièrement une peinture représentant la bataille de Poitiers, au-dessus du slogan « Défends la terre de tes pères ». En octobre 2012, des militants du groupuscule Génération identitaire envahissaient le chantier d’une mosquée à Poitiers pour y dérouler une banderole proclamant : « 732 Génération Identitaire ».
La bataille qui s’est déroulée en 732 (ou 733) entre les troupes franques de Charles Martel et l’armée arabo-berbère d’Abd al-Rahmân est devenu un outil de propagande pour l’extrême droite européenne qui y voit un symbole de la résistance contre « l’invasion musulmane » (parfois qualifiée de « grand remplacement »). D’où l’intérêt du livre publié aux éditions Libertalia intitulé Charles Martel et la bataille de Poitiers : de l’histoire au mythe identitaire. Les auteurs, William Blanc et Christophe Naudin, y étudient la manière dont s’est construit ce mythe.
Replaçant la bataille dans un contexte historique large, l’ouvrage retrace le parcours des conquêtes islamiques, de Médine au Maghreb et à l’Espagne, ainsi que les rapports entre les différentes forces en présence. Battant en brèche l’idée d’une alliance de la chrétienté contre une invasion musulmane, les auteurs évoquent notamment les accords passés entre Sarrasins et « autochtones », en Aquitaine ou en Provence.
Si Charles Martel a bien battu les troupes d’Abd al-Rahmân entre Tours et Poitiers – les anglo-saxons parlent plutôt de la « bataille de Tours » (battle of Tours) que de la bataille de Poitiers –, l’événement n’a pas eu la portée que certains voudraient lui prêter. Ce n’est pas le choc de civilisations que croit y voire Samuel Huntington. Les Sarrasins ne repasseront les Pyrénées qu’en 759, après la prise de Narbonne, et ce conflit n’empêchera pas le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, de développer des relations avec Sulaymân, qui contrôle Barcelone et Gérone, mais aussi avec le califat abbasside basé à Bagdad.
« Les pouvoirs, franc, omeyyade ou simplement locaux (gouverneurs en sécession dans les Pyrénées d’un côté, Provençaux de l’autre) n’ont pas hésité à nouer des relations commerciales, diplomatiques, voire des alliances, où le facteur religieux n’a que peu d’importance. Le conflit n’était pas permanent. Évidemment, d’un côté comme de l’autre, victoire comme défaite étaient vues comme des signes de la volonté de Dieu. Mais l’affrontement n’a pas été une guerre sainte […]. Difficile, dès lors, de considérer la bataille de Poitiers comme l’une des étapes majeures d’un affrontement séculaire, de toute façon fantasmé, entre Islam et chrétienté. »
Après l’évocation de la bataille, les auteurs retracent la mémoire de l’événement à travers les siècles. Loin d’être considéré comme un héros, Charles Martel a pendant longtemps été vu par les sources ecclésiastiques comme un tyran ayant pillé les biens de l’Église pour les distribuer à ses soldats. Un extrait d’un manuscrit reproduit dans le livre le représente d’ailleurs brûlant dans les flammes de l’enfer. L’image de Charles Martel comme sauveur de la chrétienté en prend un sacré coup.
La mémoire officielle et la mémoire populaire sont scrupuleusement scrutées par Blanc et Naudin, qui reviennent en détail sur la manière dont le guerrier franc sera célébré – ou non – jusqu’au XXe siècle. Les changements dynastiques et les guerres seront propices à la convocation de Charles Martel, qui fait figure de résistant à l’envahisseur.
L’idée selon laquelle la bataille de Poitiers aurait été un affrontement à caractère religieux ou civilisationnel, même si elle apparaît notamment sous la plume de Chateaubriand, est plutôt récente. Elle sera reprise par l’extrême droite française au début des années 2000, suite à la guerre au Kosovo :
« Au cours des années 2000, la figure de Charles Martel va être utilisée le plus souvent dans un contexte de conflit interne à l’extrême-droite, généralement par les courants les plus durs de cette famille politique afin de se distinguer […] dans la surenchère islamophobe. »
Pour arriver, en janvier 2015, au hashtag #JeSuisCharlieMartel utilisé par les militants d’extrême droite sur le réseau Twitter, et repris par Jean-Marie Le Pen.

Entrer en pédagogie Freinet, sur ToutEduc

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

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Recension d’Entrer en pédagogie Freinet, site ToutEduc, 13 avril 2015.

Un jeune enseignant souhaite « entrer en pédagogie Freinet » sans expériences pédagogique : « Mettez en place la coopération entre les enfants, prenez en compte la parole de tous et de chacun avec des temps réservés […] et instituez le droit à l’erreur » et « participez aux projets » de vos collègues. Ce sont les premiers conseils que donne Catherine Chabrun, coordinatrice du Nouvel Éducateur, la revue de l’Institut coopératif de l’École moderne (ICEM-pédagogie Freinet) dans un petit livre de 120 pages qui rappelle tous les apports dus à ce mouvement depuis les débuts du dernier siècle jusqu’à aujourd’hui : « classe coopérative », « texte libre », « correspondance », « fichiers »… La liste n’est pas exhaustive.
L’auteure, sans acrimonie, regrette : « Si l’Éducation nationale reconnaît l’ICEM-Freinet comme une “association complémentaire” qui “apporte son concours à l’enseignement public”, le mouvement n’est pas pour autant sollicité dans les lieux de formation. » Et elle s’interroge sur le paradoxe d’une pédagogie qui a « laissé des traces dans le système éducatif français » mais ne peut « ne serait-ce que se présenter aux futurs enseignants ». Et d’ailleurs, « la généralisation d’une pédagogie qui prône la coopération, la participation de tous aux décisions, le partage du pouvoir est-elle envisageable dans une société où la compétition est au centre de toutes les politiques et où la hiérarchie a tant de pouvoir ? Bien sûr que non ».
L’ouvrage, cependant, n’est pas un brûlot, il est essentiellement pédagogique même si « société » et « école » n’y sont jamais vraiment séparés tout comme d’ailleurs « utopie » et « réalités », des concepts maintenus « en tension » dans le but évident de convaincre des enseignants « qui ne se satisfont pas de l’École telle qu’elle est, et souhaitent la transformer au quotidien ».
Il s’agit en effet d’un ouvrage « militant » qui préfère évoquer des situations et faire témoigner des enseignants, avec leurs choix et aussi leurs doutes plutôt qu’asséner ; il s’agit aussi assurément d’un ouvrage politique dans ce sens que Célestin Freinet résume lui-même au mieux : « On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’École. Un régime autoritaire à l’École ne saurait être formateur de citoyens démocrates. »

Entrer en pédagogie Freinet, dans L’Humanité

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Entrer en pédagogie Freinet dans L’Humanité, 17 avril 2015

Changer l’école pour changer la société

Rédactrice en chef au Nouvel Educateur, revue du mouvement Freinet, blogueuse sur Mediapart, Catherine Chabrun livre dans une récente parution de la collection « N’autre école » un véritable manifeste en faveur de cette pédagogie de l’émancipation. Correspondances, textes libres, journaux scolaires, conseils coopératifs, travail individualisé, temps de parole, créations libres et mathématiques… elle y rappelle par des témoignages et des citations tout ce que ce mouvement peut avoir de subversif pour une politique d’éducation néolibérale qui n’a de cesse de dégrader l’école publique et d’accroître le tri social et les relégations. Cette éducation populaire s’y révèle liée à une éthique coopérative et à un fort engagement politique. C’est à ce titre qu’est rappelé l’itinéraire du fondateur, Célestin Freinet, notamment son engagement syndical. Cet essai bref et percutant devrait intéresser bien plus que les enseignants : c’est la société tout entière qui est invitée à entrer en pédagogie Freinet pour se transformer.

Nicolas Mathey

Comment peut-on être anarchiste ? sur Dissidences

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension de Comment peut-on être anarchiste ? sur Dissidences, avril 2015.

Claude Guillon est un auteur que l’on connaît, sur Dissidences, principalement pour ses travaux sur la Révolution française (Notre patience est à bout. 1792-1793, les écrits des Enragés) et pour ses essais ayant parfois suscité la polémique (Suicide, mode d’emploi en 1982 avec Yves Le Bonniec). Avec ce nouveau livre, il propose une sélection de ses écrits couvrant la période débutant en 2000, faisant de la sorte suite à Pièces à conviction, qui concernait les années 1970-2000. Sont pris en compte aussi bien des articles pour la presse anarchiste que des tracts ou des billets diffusés en ligne, l’ensemble étant classé suivant une dizaine de thématiques. Le titre en aurait tout aussi bien pu être Comment peut-on être un intellectuel anarchiste ?, d’abord parce que c’est ainsi que Claude Guillon se définit, ensuite du fait qu’il propose sa vision personnelle de l’anarchisme, exposée par le biais d’une prose incisive, souvent drôle, parfois très intime.
Bien sûr, on retrouve tout au long de ces textes des caractéristiques fondatrices du mouvement libertaire tel qu’il s’est défini au fil du temps, y compris par la négative : une défense de l’alternative révolutionnaire et communiste, entendue comme société sans hiérarchie, « libre association d’individus libres » (p. 137), contre les « gauchistes » que sont pour lui les trotskistes ; un rejet, à travers l’exemple d’Action directe, de l’assassinat politique tel que le groupe le pratiqua, tout en se déclarant solidaire de leur libération face aux « appareils répressifs d’État » ; une exigence de radicalité enfin, opposé à tout réformisme, qu’il soit « petit-bourgeois » (le cas d’Attac et de ses animateurs, « bouffons du capital » p. 422) ou anarchiste, avec des figures comme celles de Noam Chomsky, en qui il voit le défenseur d’un « anarchisme d’État » (p. 30).
Mais s’il y a bien un axe que Claude Guillon privilégie par-dessus-tout, c’est la réflexion, la critique, y compris de fondamentaux présupposés, comme la position anarchiste sur les élections, qu’il rejette comme excessivement dogmatique au profit d’une analyse de chaque situation, tout en demeurant fidèle à l’analyse d’ensemble. De même, il adopte une position que l’on peut qualifier de nuancée sur les émeutes de 2005 (ni condamnation ni éloge aveugle), refuse dans les manifestations toute autorité sur les cortèges, même anarchistes, préconisant leur appréhension comme assemblée générale en actes et n’hésitant pas à prôner l’autodéfense. De son analyse de l’évolution géopolitique dans le prolongement des événements de septembre 2001, on retiendra, outre des développements sur les motivations économiques profondes des interventions étatsuniennes, la caractérisation de l’antiaméricanisme comme « l’internationalisme des imbéciles » (p. 301) et l’idée d’un état de guerre permanent, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Parmi les sujets abordés en détails, aux côtés d’une défense pleine d’empathie des sans-papiers et de leurs luttes (à travers l’exemple du centre de rétention administrative de Vincennes), ou des écrivains et des intermittents du spectacle eux aussi exploités, il y a celui du féminisme et plus largement la question des supposés besoins sexuels masculins, explication bien commode de certaines situations d’agression ou de viol, que Claude Guillon refuse de confondre avec le désir. Il se réclame d’ailleurs à plusieurs reprises de Fourier et de la construction d’une « nouvelle utopie amoureuse » contre « l’utopie de la rencontre amoureuse / romantique débouchant sur la formation du couple exclusif/hétérosexuel (la variante homosexuelle étant plus ou moins tolérée) » (p. 97) ; rejetant le « terrorisme normatif » imposé aux femmes, il en appelle également à l’élaboration d’une véritable théorie du genre, a contrario de ce qu’il considère comme une position défensive allant dans le sens de ses contempteurs. Les Femen, dans cette optique, sont critiquées en tant qu’elles s’inscrivent pleinement dans la société du spectacle tout en faisant preuve d’une amnésie historique sur les mouvements antérieurs de femmes, probablement une tendance de notre époque, et pas seulement un phénomène générationnel.
Un herbier anarchiste bien représentatif d’un électron libertaire, plutôt méfiant vis-à-vis des organisations, parfois féroce voire rapide (sur Onfray, vilipendé pour sa position au début de l’affaire Tarnac et qualifié d’intellectuel surplombant, mais dont il aurait été utile d’analyser les œuvres) ; un ensemble qui ne peut laisser indifférent, conclu par « Vous faites erreur, je ne suis pas Charlie » (utile mise en perspective rejetant en particulier toute idée d’union nationale), et dont le seul manque réside dans les éventuelles évolutions de Claude Guillon sur l’ensemble de sa vie militante.

Jean-Guillaume Lanuque

Comment peut-on être anarchiste ? dans CQFD

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension parue dans CQFD, avril 2015.

Comment peut-on être anarchiste ?

Né en 1952, Claude Guillon est militant et essayiste libertaire depuis plus de quarante ans. Proche de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) au tout début des années 1970, ami de May Picqueray et de Daniel Guérin, il a rédigé un premier livre important en 1979 : Ni vieux ni maîtres, guide à l’usage des 10-18 ans. Suivront le best-seller Suicide, mode d’emploi (1982) et nombre d’ouvrages sur la Révolution française (il est spécialiste des Enragés). Ces dernières années, Claude Guillon s’est fait plus rare. On a pu lire son analyse de l’arsenal sécuritaire et juridique (La Terrorisation démocratique, 2009) ou un important travail sur le corps et le genre (Je chante le corps critique, 2008). Il a surtout signé quelques articles solidement documentés dans la presse écrite et sur son blog. C’est donc avec ferveur qu’il faut saluer la publication quasi exhaustive de ses écrits des années 2000-2015 par les soutiers de Libertalia. Revus, complétés, agencés par thème (« Anarchisme », « Corps critique », « Déchets », « Droit à la mort », « Guerre sociale »), l’ensemble donne un percutant et volumineux ouvrage (448 pages). Mais attention, chez Guillon, à un moment ou à un autre, tout le monde en prend pour son grade, la moindre erreur de parcours est relevée et implacablement analysée. En revivant certains événements, notamment le Forum social libertaire (2003), on se dit que le bougre avait peut-être le tort d’avoir raison trop tôt. Une mention spéciale aux articles à charge sur les Femen et Michel Onfray. L’ensemble est un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté critique et du droit à jouir pleinement du quotidien. C’est probablement cela « être anarchiste ».

Jacques Collin