Le blog des éditions Libertalia

Manon Bouchareu sur Radio cartable

vendredi 3 juillet 2020 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Le 2 juillet 2020, Radio cartable, la radio des enfants des écoles d’Ivry, consacrait son émission à Ines voulait aller danser et à son autrice Manon Bouchareu.

Après les identitaires, des policiers « récupèrent » le Bataclan

lundi 29 juin 2020 :: Permalien

Je préfère écrire « des policiers », car ils n’étaient que 200 environ, mais c’est déjà trop, à manifester devant le Bataclan, aux alentours de 23h30, ce 26 juin 2020. J’espère seulement qu’ils ne sont pas représentatifs.
Presque cinq après, revoir ces images des gyrophares devant la salle de concert, et tout ce que ça peut faire remonter chez les gens, pas seulement les victimes, était-ce vraiment une bonne idée ?
Ces policiers prétendent protester contre la stigmatisation et les accusations de violences et de racisme. Je doute que ce choix de lieu soit le bon, et je crains pour eux l’effet boomerang.
La veille, les mêmes (?) avaient manifesté devant la Maison de la Radio, symbole pour le coup encore plus ambigu, intimidation à peine voilée contre la presse, les médias, et donc la liberté d’expression, celle notamment de critiquer la police, ses méthodes, ses membres, l’institution. Ces deux messages, encore plus que les manifestations devant l’Arc de Triomphe, ne donnent pas, de mon point de vue, une image de policiers républicains qui demanderaient seulement qu’on les respecte. Cela ressemble à un mélange de chantage et de menace qui validerait plutôt les inquiétudes que de plus en plus de gens ont envers la police. Même les plus compréhensifs. J’ose croire que, parmi les policiers qui ont participé à ces rassemblements, certains vont un peu réfléchir au signal qu’ils envoient finalement, et cesser de suivre les membres les plus radicaux dans leurs rangs, qui sont bien plus en mission politique qu’à revendiquer le respect de leur fonction…

Victime au Bataclan (et je ne parle qu’en mon nom), j’ai toujours refusé de tomber dans le « tout le monde déteste la police ». Je ne remercierai jamais assez les policiers du RAID qui m’ont sorti, avec mes camarades d’infortune, du cagibi à droite de la scène ; ceux de la BRI qui ont donné l’assaut ; le commissaire de la BAC et son chauffeur qui sont entrés dans la salle, ont tué un terroriste et permis de stopper le massacre… et tous les autres, qui sont intervenus sur tous les lieux des attentats, ont été traumatisés et la plupart du temps lâchés par leur hiérarchie. Je me souviendrai toujours de l’accueil des policiers de la PJ quand j’ai déposé plainte, ou de cet agent qui nous a raconté, les larmes aux yeux, lors de la remise des Médailles aux victimes, le moment où il est intervenu au Bataclan pour aider des gens blessés. Je n’oublie pas non plus les policiers victimes, qui n’étaient là qu’en tant que civils, pour assister à un concert ou boire une bière en terrasse.

Pourtant, je ne peux pas non plus fermer les yeux sur ce qui se passe dans les manifestations, notamment depuis Nuit debout et la loi Travail, et dans les quartiers populaires depuis bien plus longtemps encore. Je ne comprends pas, sincèrement, comment les policiers ne peuvent pas s’interroger sur la tournure des rapports entre eux et une partie de la population, de plus en plus nombreuse, vu que la violence devient la norme à présent à la moindre manifestation, et pas seulement du côté des manifestants les plus radicaux. Qu’ils aient en face, parfois, des éléments ultraviolents qui cherchent l’affrontement, certainement, mais est-ce le rôle de la police d’aller dans la surenchère, de tirer dans le tas (au flashball, à la grenade…), de blesser des gens qui, pour la plupart d’entre eux, n’ont pas commis d’actes violents ? Je ne comprends pas non plus que les policiers ne remettent pas en question leurs rapports aux habitants des quartiers populaires, et la place du racisme dans leurs rangs.

Quand j’écoute certains policiers et policières, je n’entends quasiment jamais le moindre doute, la moindre interrogation. Sur leurs méthodes, leur formation, sur les raisons de la dégradation de leur image (dont le sentiment d’impunité pour chaque « bavure »), les ordres qu’ils suivent toujours aveuglément. Je rêve de policiers qui, comme aux Etats-Unis ces derniers temps, mettent genou à terre (ou autre symbole moins connoté religieusement) pour dire qu’il est intolérable de mourir lors d’une interpellation, même quand on s’est débattu, qu’on a insulté les agents, et même, oui, quand on est un voyou. Que la police dite républicaine ce n’est pas ça.
Mais je rêve, en effet. La France n’est pas le pays où un chef de la police va démissionner, critiquer face caméra le pouvoir, y compris quand celui-ci va donner des ordres contraires aux valeurs républicaines que les policiers sont censés défendre. L’histoire de la police française, sa culture (?), montre en fait l’inverse… Les déclarations des responsables actuels de la police le confirment.
Je suis donc inquiet de ces mouvements, je l’espère minoritaires, de policiers qui manient la menace et le chantage à l’émotion, mais qui, pour un certain nombre d’entre eux, ont sans doute un agenda politique qui n’a pas grand chose à voir avec la paix qu’ils sont censés « garder », mais plutôt avec un ordre qui n’aurait plus grand chose de républicain. Car rappelons-nous que les derniers à avoir utilisé le Bataclan comme symbole pour manifester étaient Génération identitaire.

Christophe Naudin

Je n’aime pas la police de mon pays en téléchargement libre

mardi 16 juin 2020 :: Permalien

Téléchargez Je n’aime pas le police de mon pays, Maurice Rajsfus (format PDF)

Un hommage public à Maurice Rajsfus aura lieu en région parisienne d’ici une grosse quinzaine de jours. On vous tiendra au courant.

Voici – en libre accès permanent – les fichiers ePub (345 ko) et PDF (zip 3 mo) de Je n’aime pas la police de mon pays (2012).

Maurice Rajsfus

samedi 13 juin 2020 :: Permalien

Maurice Rajsfus vient de nous quitter après une lutte inégale de six semaines contre la maladie.
Nous poursuivrons ses combats pour la justice et l’émancipation.
Ami, ta rage n’est pas perdue !

Entretien avec Louis Janover. Acte final

mercredi 10 juin 2020 :: Permalien

« C’est toujours à Rosa Luxemburg, à Maximilien Rubel ou à Paul Mattick, qu’il faut se référer pour recomposer une généalogie de la révolte libérée des faux-semblants de la subversion. »

Au-delà
de l’avant-garde perdue

Pour Schlegel, les historiens sont les prophètes du passé. Les poètes sont les prophètes de l’utopie, les véritables utopistes, qui annulent du passé, de l’avenir et du présent tout ce qui mérite non pas de rester dans la mémoire, mais de donner telle forme à la mémoire. La poésie peut seule en donner la mesure et le ton ; elle fait appel à une sensibilité qui jamais ne vieillit et gagne avec le temps en profondeur sans avoir besoin d’un appel au nouveau. Ainsi le dit Roger Gilbert-Lecomte : « La Morale comme la Poésie est un mode nécessaire de connaissance (de soi-connaissance aussi bien que celle du monde), une condition d’attitude propre à la connaissance. »
Rimbaud le martèle : En attendant, demandons aux poètes du nouveau, – idées et formes. Tous les habiles croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande : – ce n’est pas cela ! Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Mais alors que Rimbaud sait trouver le mot pour écrire ce qu’est le nouveau, il ne dit rien de plus de Verlaine : Un vrai poète, voilà !
En ce sens, la poésie n’a aucune intonation prophétique ; elle est sentiment sans cesse élargi du vécu, une mémoire sans rapport aux valeurs de modernité ou de nouveauté, quand bien même elle parle au passé, à l’avenir et au présent. Elle éveille une forme de révolte qui n’a rien perdu au cours des siècles, et même s’approfondit. Qu’est Villon ? Un vrai poète, voilà ! Qu’avait-il donc qui ne vieillit en rien, et reste vivant et actuel en tout ?
Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que chez les poètes qui peuvent être les plus éloignés en apparence on trouve une note en complète assonance avec cet esprit de critique sociale. Shakespeare, Shelley, Heine, Hölderlin, Georg Büchner, Rousseau, Gérard de Nerval, Aloysius Bertrand, Corbière, Verlaine, Rimbaud, Péguy, Jules Laforgue, Maeterlinck, Apollinaire, René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte, Antonin Artaud — leurs écrits font preuve d’une sensibilité sans âge, ils n’ont ni avant ni après, ce qui fait qu’on peut les lire en oubliant tout de l’histoire et du temps. Dans leur œuvre, ils se libèrent des vérités du moment, et les éléments de culture qu’ils mettent au jour opposent au conformisme de l’instant une vibration révolutionnaire, leur position politique en altère trop souvent la lisibilité et la transparence, mais sans les effacer. Cette langue est devenue inintelligible à nos contemporains, et ils la relèguent dans un passé, une distance quasi immémoriale, même quand ils en reconnaissent les vertus et la proximité, mais pour en faire l’objet de recherches savantes dominées par les grilles de lecture de la spécialisation.
Ces courants, qui se ressourcent dans les aspirations utopiques de leur temps, nous mènent à une extrémité du langage où ils se rejoignent tous, et aucune de ces voix ne se confond. Et le temps recompose la manière dont elles se distinguent et se répondent, sans changer la tonalité de chacune.
Front noir a été ce rayon qui s’est glissé dans l’interstice que l’écart entre le surréalisme et l’Internationale situationniste laissait entrapercevoir. Se réclamer de l’art ne l’enfermait pas dans la catégorie d’artiste. De même, rendre Marx au socialisme des conseils et reconnaître l’importance, et le lien dialectique, de cette pensée critique avec l’œuvre de Maximilien Rubel, voilà qui remettait à sa place toute la logomachie marxiste et ses dérivés. Ce rappel est une nécessité historique à l’heure où on ne compte plus les théoriciens qui voient dans Marx et le marxisme l’horizon dépassé du siècle ? Nous en sommes là, mais c’est toujours à Rosa Luxemburg, à Maximilien Rubel ou à Paul Mattick, qu’il faut se référer pour recomposer une généalogie de la révolte libérée des faux-semblants de la subversion ; c’est dans la poésie, dans la constellation du romantisme nervalien, dans la Révolution surréaliste, dans le Grand Jeu, chez Benjamin Fondane et chez Antonin Artaud, que la pensée critique redécouvre le mode nécessaire de connaissance, de soi-connaissance aussi bien que celle du monde, une condition d’attitude propre à la connaissance. Tous les fils s’entrecroisent, et entre surréaliste et situationniste où se trouve le fil conducteur ? Nous sommes en état de recherche permanente et qui peut trancher ? Seule la poésie sait garder la juste mesure. Nous avons tenté de nouer quelques-uns de ces fils dans notre livre, La Généalogie d’une révolte. Nerval, Lautréamont, paru chez Klincksieck, dans la collection « Critique de la politique », fondée par Miguel Abensour pour garder vivante cette mémoire.
Et pour ne pas se perdre dans les noms et les mots il faut se rappeler ce que dit Heine dans De l’Allemagne, quand il évoque à propos de Schelling « une école à la manière des anciens poètes, une école poétique où personne n’est soumis à aucune discipline déterminée, mais où chacun obéit à l’esprit et le révèle à sa manière ». Poésie s’écrit ce nom.

Louis Janover, mai 2020