Le blog des éditions Libertalia

Une culture du viol à la française dans Axelle mag

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Axelle mag (septembre 2019)

En pleine tornade #MeToo aux États-Unis, la voix de l’actrice Isabelle Adjani s’est élevée pour dénoncer le fait qu’en France, « c’est autrement sournois. En France il y a les trois G : galanterie, grivoiserie, goujaterie. Glisser de l’une à l’autre jusqu’à la violence en prétextant le jeu de la séduction est une des armes de l’arsenal de défense des prédateurs et des harceleurs. » Cette idée d’une « séduction à la française » qui serait une passerelle vers les violences sexuelles, l’érotisation et la sublimation des violences dans la culture hexagonale est creusée par Valérie Rey-Robert dans son premier ouvrage. Son essai très documenté revient sur l’histoire du concept de « culture du viol », un terme apparu dans les années 1970 aux États-Unis, et sur la réalité des violences sexuelles en France. Car la défense de la séduction comme pan de l’identité nationale française, face à la puritaine Amérique, est très vite opposée à celles qui osent parler. La militante féministe, également connue sous le pseudo « Crêpe Georgette », prolonge dans son livre, à travers de nombreux exemples, ses réflexions développées depuis quelques années sur son blog (www.crepegeorgette.com) : Le problème de la « culture française », de l’éloge bleu-blanc-rouge du libertinage et de la galanterie… Valérie Rey-Robert s’en prend à l’amour courtois, qui cache des rapports de domination, et aux libertins (rarement appelés pour ce qu’ils sont : des violeurs), ces traditions très « cocorico » convoquées encore aujourd’hui, dans la d défense de DSK par exemple. Valérie Rey-Robert nous donne aussi des pistes pour déconstruire les stéréotypes de genre et la domination masculine afin de repenser nos rapports amoureux et mettre fin à l’impunité.

(F.D.)

Pour une école publique émancipatrice dans L’École des parents

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans L’École des parents, octobre-novembre-décembre 2019

Coup de cœur :
Pour une école publique émancipatrice

Véronique Decker a été institutrice puis directrice d’une école élémentaire pendant trente ans dans un quartier populaire de Bobigny (93). Au moment de prendre sa retraite, cette militante Freinet a écrit 69 billets courts et vivants, comme un patchwork d’anecdotes racontant son quotidien. Très vite, le lecteur est happé par sa foi en la pédagogie coopérative, l’empathie qui illumine ces pages et l’incroyable énergie qu’elle déploie pour ses élèves, souvent cabossés par la vie. Véronique Decker ne cache pas non plus son impuissance, ni ses larmes lorsqu’elle assiste à une cérémonie en hommage à Mélisa, une petite fille bulgare de 7 ans, morte dans l’incendie de son bidonville : « Année après année, je sens toujours cette désolation. Intacte. »
Elle pleure, mais rit aussi, avec les enfants et ses collègues. Et fait preuve d’une saine colère face aux recommandations absurdes de son ministère : pour améliorer les performances d’un enfant, il faut surtout qu’il ait bien mangé, bien dormi, qu’il n’ait pas mal aux dents et qu’il se sente en sécurité́ dans sa famille et la société́. Elle éreinte un manuel de lecture : y a-t-il vraiment « des gens qui croient qu’on peut enseigner la lecture avec des textes aussi ridicules, alors qu’il est possible de s’appuyer sur des écrits réels, qui ont du sens pour les enfants » ? Et rappelle chacun à son devoir, comme cette jeune enseignante : « La grève, c’est un travail ; si on le fait bien, il porte ses fruits. » L’intitulé de l’un de ses billets, « Jamais face aux élèves, toujours à leurs côtés », résume parfaitement son engagement. On aimerait glisser ce livre, bouleversant, dans les cartables des apprentis enseignants et le poser discrètement sur un bureau du ministère de l’Éducation nationale.

Anne Lamy

Grèves et joie pure dans Le Combat syndicaliste

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Combat syndicaliste, novembre 2019.

Ça va grèver !

Les occupations d’usines en 36 opèrent un retournement du rapport au lieu de travail, débarrassé des mises en rivalités entre ouvrier·es, des pressions pour manque de productivité et des cycles abrutissants. La grève transforme les lieux en espace de maîtrise collective de son temps, un embryon de contrôle ouvrier. Trois articles rédigés quand la philosophe se fait embaucher en 1934 dans des usines de métallurgie. Une écriture, limpide, sans effets littéraires, claire, ressentie dans ses tripes.

Nicolas, Interco Nantes

Véronique Decker dans Le Café pédagogique

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Café pédagogique, 3 juillet 2019.

Véronique Decker :
une retraite bien méritée !

Moment champagne ce soir à l’école Marie Curie de Bobigny (93). Après trente-sept années d’enseignement, Véronique Decker s’apprête à tourner la page. Enseignante engagée, autrice de plusieurs livres, dont Trop classe, qui parlait du quotidien d’une enseignante de Seine-Saint-Denis, Véronique Decker a fait connaître le quotidien d’une enseignante de Seine-Saint-Denis, loin du cliché misérabiliste, mais tellement proche de ce que vivent au quotidien les enseignants de ce département le plus pauvre de France métropolitaine. Institutrice en 1983, elle devient directrice en 1994 à Bobigny, ville qu’elle ne quittera plus. Hier, mardi 2 juillet, elle a voulu dire au revoir à toutes ces personnes qui lui ont permis de vivre pleinement son métier : les élèves, les parents, les collègues, les amis et la famille. Même si elle a une petite pincée au cœur, c’est avec bonheur qu’elle s’apprête à entamer sa nouvelle carrière de retraitée. « Je ne suis pas triste, je suis contente. Je suis contente car j’ai le sentiment d’avoir travaillé du mieux que je pouvais. J’ai le sentiment d’avoir fait au mieux ce que j’avais à faire. Alors je ne ressens pas vraiment de tristesse. J’ai eu la chance d’exercer un métier qui m’a beaucoup plu. »

« Boire un coup avec ceux qui boivent et ceux qui ne boivent pas, tous ensemble »

Ainsi, à partir de 18 heures, parents, anciens parents, élèves, anciens élèves, collègues, anciens collègues, amis, conjoint et enfants boiront un verre à la santé de la future retraitée. « Je voulais partager ce moment avec tous, les gens du quartier et ceux rencontrés au hasard de ma vie professionnelle. Avec ceux qui boivent, et ceux qui ne boivent pas, tous ensemble. J’ai prévu bière, jus, coca et vin. Je sais que les parents ont aussi prévu d’apporter des petites choses à manger. Tout ça me fait vraiment chaud au cœur. » Cette soirée, elle la prépare de longue date, invitant même son réseau twitter à la petite sauterie. Ses collègues directeurs et directrices ont eu le droit à leur pot de départ en avant-première, « j’ai fait un discours pour l’Amicale des directeurs (ndlr : groupement de directeurs exerçants à Bobigny) ».

Un discours émouvant qui n’oublie personne

À 19h30, Véronique se saisit du micro et se lance dans un discours émouvant. Un discours qui ne débute pas comme tous les autres, encore une marque de fabrique de cette enseignante : ne pas faire comme tout le monde. « Ce discours sera interactif, car je vais vous demander de vous lever… d’applaudir… de siffler… de crier… On fait un premier essai pour voir si vous suivez les consignes : levez les mains… c’est bon. Applaudissez. Ok. Criez tous ensemble et lorsque je fermerai ma main, silence dans les rangs… ». Et elle n’oublie personne dans son discours.
Ceux qu’elle a punis : « Je ne vais pas les féliciter, car tout de même s’ils ont été punis, c’est sans doute qu’ils avaient dépassé les bornes de la correction, de la pudeur – je le dis souvent, tous les gros mots parlent de sexe et sont donc impudiques, du respect et des règles de travail coopératif. Mais ces élèves, qui s’énervent, qui contestent, qui refusent, qui s’impatientent, ce sont ceux qui nous obligent à réfléchir pour mieux enseigner, pour trouver des projets qui les engagent, pour constituer un collectif avec eux, alors qu’eux même ne veulent pas coopérer avec les autres. Tous m’ont amenée à réfléchir davantage, même si je rentrais chez moi bien fatiguée parfois de leur présence. »
Ceux qu’elle a aidés, et ils sont nombreux dans l’assistance. « Je voudrais que ceux que j’ai aidés pensent à moi chaque fois qu’ils regarderont les lignes des charges sociales sur leur fiche de paye. En premier, tâchez d’avoir un emploi, une fiche de paye, et battez-vous pour avoir un bon salaire. Puis regardez la différence entre le brut et le net. Une part du salaire est “ socialisée ” et au lieu d’aller sur votre compte en banque, elle va payer l’école, les hôpitaux, les maternités et… la retraite. Chaque fois qu’on vous dira que ce sont des charges, pensez qu’il s’agit d’un salaire, un salaire différé, réservé à ceux qui en ont besoin, comme les malades pour les indemnités de maladie, et que c’est la partie la plus juste du salaire. Défendez cette ligne qui est celle de la justice sociale et non une charge. Après avoir travaillé de 17 à 61 ans, sans arrêt, je vais pouvoir aboutir mes propres projets : vivre à la campagne, voyager l’hiver, cultiver mon jardin au printemps, cuisiner mes légumes. »
Elle ose aussi parler de ceux avec qui elle a été injuste. « Vous pouvez lever les deux bras et bouger les mains, je sais que j’ai été injuste de nombreuses fois. Parfois, je suis inattentive, souvent je suis débordée, et dans l’urgence, on fait souvent le pire. Pour bien travailler, il faut savoir prendre son temps, réfléchir, se relaxer. Souvent j’ai crié sans raison, et j’ai bafoué l’idée même que je me fais de l’éducation au respect d’autrui, pour laquelle il est indispensable que les adultes donnent l’exemple : ne jamais frapper, ne pas crier, prendre le temps d’un message clair qui permet de défendre son point de vue sans humilier la personne en face. »
Elle évoque aussi les classes transplantées, les élèves y ayant participé, leurs parents et les accompagnateurs. « Pendant vingt ans, nous avons fait de ces séjours un axe majeur de notre dispositif pédagogique, car pour devenir citoyen, il faut connaître le territoire sur lequel on a des droits politiques, et apprendre à l’apprécier. Je voudrais féliciter les parents qui ont eu peur parce que leur enfant est parti en classe transplantée, pour leur courage. Élever un enfant, ce n’est pas le protéger sans cesse, c’est lui apprendre la liberté, lui transmettre des savoirs et des valeurs qui le rendront capable de s’émanciper de sa maison. Parfois, cela demande des ruptures, et elles nous rendent tristes, en tant que parents. Je comprends que cela soit douloureux et j’ai toujours apprécié à sa juste valeur le courage des parents qui nous font une immense confiance en nous laissant partir avec les êtres qu’ils chérissent le plus au monde. »
Et bien entendu, elle parle des familles. « Je voudrais remercier les mamans, les papas, les grands-mères et les grands-pères qui nous accompagnent pour les sorties scolaires habillés tels qu’ils sont, qui donnent de l’argent à la coopérative scolaire, qui apportent des gâteaux pour les fêtes, qui viennent aux réunions, et qui soutiennent l’école publique chaque jour. L’école publique est notre bien commun. Défendre la qualité de l’école publique de notre pays, c’est défendre la démocratie et les droits sociaux des enfants. N’oubliez pas qu’avant l’école publique, gratuite et obligatoire pour tous les enfants, en France il y avait des petites servantes de 7 ans qui portaient des seaux dans les fermes et des petits ouvriers qui descendaient dans les mines à 8 ans et mouraient avant 12. Ce que nous avons gagné au XXe siècle peut être perdu au XXIe si vos enfants ne s’engagent pas à construire un monde meilleur, sans guerre, sans haine, avec une défense réelle de tous les êtres humains de la planète et la préservation de tous les écosystèmes. »
Et c’est non sans émotion qu’elle évoque ses collègues. « Je ne peux pas citer tous les enseignants et enseignantes qui ont travaillé dans cette école pendant ces années, et certaines et certains qui habitent désormais loin n’ont pas pu nous rejoindre. Mais avec elles, avec eux, j’ai eu une belle vie professionnelle et pédagogique, en raison de leur engagement constant et coopératif face au racisme, face aux dégradations de l’école publique, face aux inégalités entre les hommes et les femmes, pour un monde écologique et pour la justice sociale. Nous avons ensemble tenté de transmettre tout ce qui nous semblait important, pas seulement par des mots, mais par des actes réels, c’est le sens profond de la pédagogie du mouvement Freinet. J’ai toujours beaucoup aimé enseigner dans le 93 et je vous invite à venir boire un verre à ma santé, à ma longue retraite déjà pleine de projets. »
Une nouvelle vie attend Véronique dans le Limousin, dans le village vers lequel elle demandait sa mutation – qu’elle n’a heureusement pas eu – avant d’écrire son premier livre. Et comme on pouvait s’y attendre, ce ne sera pas si farniente que cela. Elle organisera des stages pour les élèves ayant des soucis avec l’écriture dans toutes ses dimensions, graphique et orthographique. Les enfants travailleront avec elle le matin, l’après-midi, ils seront avec des artisans du village. « Ils utiliseront leurs mains à des activités réelles : fabriquer des jeux en bois, faire de la poterie. » Véronique nous rassure aussi : « Je n’ai pas le projet de m’ennuyer. Mon compagnon et moi voulons prendre du temps pour soi, prendre du temps pour l’autre et partir en vacances. » Nous ne lui en espérons pas moins…
Bonne continuation Véronique et merci. Merci pour nous, enseignants du 93, pour nos élèves, pour les familles et tout simplement pour l’École.

Lilia Ben Hamouda

Plutôt couler en beauté dans Le Monde libertaire

mardi 12 novembre 2019 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde libertaire (novembre 2019)

C’est à partir de la redécouverte du récit d’un homme courageux, le navigateur Bernard Moitessier, qui courut en 1969 la toute première course de vitesse en solitaire, que Corinne Morel Darleux nous livre ses réflexions. Cet exemple inspirant qui traverse tout le livre lui permet d’interroger le refus de parvenir, la dignité et les formes de simplicité volontaire, choisie et non subie, dans une perspective anticapitaliste. Car « pour que la pauvreté subie se transforme en frugalité choisie, il y a besoin de choix individuels, mais aussi d’organisation collective ».
Mais « pour qu’il y ait refus, il faut qu’il y ait possibilité » ; elle en appelle à une relecture de l’anarchiste Charles Auguste Bontemps pour s’orienter vers le fondement politique de l’émancipation humaine : « celui de transformer ses difficultés individuelles en une force collective ».
Écartant avec force ceux et celles qui cultivent leur écologie profonde ou leur potager tout en se désintéressant des nécessités de transformer le monde, l’auteure, adepte de l’écosocialisme postulant que l’écologie est incompatible avec le capitalisme, questionne l’acte isolé autant que l’incarnation du combat politique. En s’appuyant sur son propre vécu, la réflexion de Corinne Morel Darleux atteint une sincérité et une franchise comme on en lit peu. Interrogeant tour à tour le sujet de nos identités, de nos choix intimes, de nos fuites et de nos courages devant l’adversité, elle nous fait profiter d’une authentique réflexion politique. Et c’est passionnant, et c’est rare de simplicité. Romain Gary, Emma Goldman, Stig Dagerman, Françoise Héritier… servent son propos.
Pour faire face à l’effondrement qui vient dans une perspective politique et anticapitaliste, l’auteure nous propose une sorte d’éthique du présent pour le futur et considère que si la prise de conscience s’accélère, « nous avons besoin de renforts ». Un nécessaire nouveau récit collectif peut se construire à partir d’une nouvelle culture qui doit frapper les imaginaires ; d’une découverte des temps simples qui aident à s’approprier ce que nous devons défendre de l’effondrement ; d’un questionnement sur « la hiérarchisation des peines du monde » … Mais ce cheminement proposé doit servir les constructions collectives, sociales, politiques : car « appliqué à l’hypothèse de l’effondrement, le pari consiste non pas à croire mais à agir : nous avons tout à y gagner ». L’auteure nous assure que ce n’est pas au plus fort de l’urgence que l’on doit agir, mais avant, pour mieux construire l’après.
Ce livre est à mettre entre toutes les mains. C’est un travail qui participe à reconstruire une nouvelle éthique pour aujourd’hui, un rapport critique au monde capitaliste et qui propose, sans pessimisme, des pistes pour de nouvelles constructions. Il est d’autant plus intéressant que l’auteure, en rupture de ban avec La France Insoumise, élue au Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, a manifestement dans ses bagages une culture politique qui puise dans des courants et des auteurs que nous connaissons bien au Monde Libertaire. Elle témoigne elle aussi, d’une sorte de redécouverte de l’éthique et des œuvres constitutives de la pensée et de l’agir des anarchistes. Mais l’auteure de Plutôt couler… fait preuve d’un courage certain à franchir le Rubicon idéologique en faisant un de ces pas de côté qu’elle affectionne tant. Et si La rose et le réséda l’inspire, il reste à savoir si on retrouve ce souci dans les engagements de beaucoup de ceux et celles qui pensent que le Capitalisme nous mène à l’effondrement, et que le combattre est une nécessité encore plus vitale.

Daniel (Nîmes)