Le blog des éditions Libertalia

Le Roi Arthur dans CQFD

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Entretien avec William Blanc, paru dans CQFD, n° 151, février 2017.

Tous les chemins mènent à Camelot

Après Charles Martel et la bataille de Poitiers, livre coécrit avec Christophe Naudin, tu t’es attaqué au Roi Arthur, un mythe contemporain. Quel est l’enjeu de l’histoire critique et culturelle des mythes ?

Tout d’abord, comprendre que les mythes sont des constructions plastiques et que chacun peut y mettre le sens qu’il veut. C’est d’autant plus le cas avec les récits arthuriens et leur grande palette de personnages. En fait, le processus a commencé dès le Moyen Âge, au IXe siècle, lorsque la légende se crée dans les cours galloises, le roi Arthur est un des nombreux héros servant à se mobiliser contre les royaumes saxons voisins. Puis, au XIIe siècle, avec Geoffroi de Monmouth et Chrétien de Troyes, le mythe se christianise alors que l’Église s’affirme comme le groupe social dominant en Occident, au détriment de la chevalerie. C’est à ce moment-là qu’est inventée la Table ronde, allusion limpide au dernier souper de Jésus, mais aussi le Graal alors que les textes commencent à être rédigés dans les langues vernaculaires – c’est-à-dire autre que le latin – afin de pouvoir être lus et entendus par un public plus large (mais toujours noble). Ce mouvement culmine avec la rédaction, au début des années 1470, de la compilation de Thomas Malory, Le Morte Darthur, encore lu aujourd’hui dans les pays anglo-saxons. Il ne faut pas croire pour autant que le mythe est monolithique au Moyen Âge. On trouve des versions variant en fonction des origines géographiques ou sociales. Il y a ainsi un texte arthurien en hébreu produit au XIIIe siècle (dans lequel Arthur est déchristianisé), mais aussi des versions écossaises où Arthur est dépeint comme un usurpateur.
Bref, les interprétations des mythes sont en perpétuels changements et il n’y a pas une origine « chimiquement pure » de la légende de Camelot – tout comme il n’y a pas une origine « pure » des nations ou des idées politiques – qui se trouverait dans des « racines celtiques » largement réinventées au XIXe siècle. Un autre intérêt de l’histoire des légendes arthuriennes réside dans ses moyens de diffusion. Les récits arthuriens, y compris leurs versions les plus politiques, se propagent aujourd’hui par la culture populaire (cinéma, musique, BD, jeux vidéo), ce qui revient à dire que celle-ci, loin d’être un « sous-produit » à négliger, doit être au contraire être étudiée, ne serait-ce que dans un souci d’autodéfense intellectuelle.

Quelles ont été les grandes symboliques et politiques du mythe arthurien ?

Il y a des usages classiques, attendus, de la figure de personnages liés à un imaginaire médiévaliste. Ainsi, en Angleterre, au XIXe siècle, les chevaliers de la Table ronde servent de modèle à l’aristocratie, notamment dans les poèmes d’Alfred Tennyson. Le gentleman victorien s’imagine être un nouveau chevalier et, lorsqu’il part combattre dans les colonies, il n’est pas rare qu’il pense reproduire la geste des guerriers arthuriens allant évangéliser des terres barbares. L’un des principaux cercles impérialistes anglais fondés en 1909 – qui existe toujours, sous la forme d’un think tank consacré aux relations internationales – se nomme ainsi « la Table ronde ». Pareillement, lorsqu’il se rend en mission auprès des tribus bédouines en 1916, Lawrence d’Arabie emporte avec lui Le Morte Darthur de Malory.
Cette idéalisation de soi va de pair avec une idéalisation de la guerre, perçue comme un nouveau tournoi chevaleresque. Beaucoup de jeunes Britanniques partiront en 1914 la fleur au fusil, pensant revivre dans leurs combats les exploits de Lancelot. Inutile de dire que la réalité cruelle des combats des tranchées a sonné le glas de cette imagerie. La génération survivant à l’horreur de la Grande Guerre d’ailleurs imagine donc une légende arthurienne tout autre, en rejetant l’idée chevaleresque, comme JRR Tolkien par exemple, dont les héros, les hobbits, sont de véritables antiguerriers, mais aussi T.H. White. D’autres mettent l’accent sur l’imagerie du chevalier blessé dans un monde moderne trop brutal et cherchant à se soigner en busant l’eau du Graal, comme TS Eliot dans son long poème La Terre Gaste (1922).
La société victorienne, foncièrement misogyne, produit un mythe arthurien dans lequel les femmes sont accusées de tous les maux. Tennyson explique la destruction de Camelot à cause de l’infidélité de Guenièvre avec Lancelot, ou de la lubricité de Viviane, séduisant Merlin et provoquant sa chute.

Quels sont les usages contemporains et inattendus de la légende arthurienne ?

On pourrait penser que le Moyen Âge sert d’époque de référence aux seuls courants réactionnaires. En fait, la gauche, et même l’extrême gauche, ont elles aussi rêvé de leur Moyen Âge, dans lequel le mythe de Camelot, notamment outre-Atlantique, occupe une place non négligeable avec des personnages comme Robin des Bois ou Jeanne d’Arc. Le roi Arthur est ainsi vu aux États-Unis à partir des années 1960 comme un jeune souverain à la fois pacifiste, luttant contre la violence des barons médiévaux, mais aussi démocratique, promouvant une Table ronde où n’importe qui pourrait s’asseoir, y compris les gens de conditions modestes. Cette image transparaît d’abord dans la série de roman The Once and Future King de T.H. White. Elle a été popularisée par la comédie musicale produite à Broadway Camelot (1960) puis par le dessin animé de Disney Merlin l’enchanteur (1963). On a alors fait le lien entre le jeune roi Arthur avec le président américain d’alors, John F. Kennedy, et ce d’autant plus facilement que sa veuve, une semaine après l’assassinat de son époux, compare explicitement ses années à la Maison Blanche au « bref instant de lumière » qu’a été le règne du souverain de la Table ronde.
Depuis, dans la gauche américaine, Camelot est devenu l’image d’un idéal perdu de la vague progressiste portant la lutte pour les droits civiques. Cette idée transparaît nettement dans la culture populaire, notamment dans les comics de superhéros avec par exemple les X-Men dans lequel les mutants en lutte pour leur liberté – à l’instar des Afro-Américains durant les années 1960 – sont régulièrement comparés à des chevaliers arthuriens. D’ailleurs, il n’est pas rare de voir aujourd’hui des « Table rondes » projetées à l’époque contemporaine ou dans le futur incluant soit des chevaliers extra-européens, soit des femmes guerrières, comme c’est le cas dans le comic-book Camelot 3000 (1982-1985). C’est une invention complète de la fin du XXe siècle, qui correspond à l’évolution des mœurs en Occident et aussi un moyen de promouvoir l’égalité dans la société. Après tout, si la Table ronde est ouverte à tous, si chacun est tient une place égale à celle de tous ces voisins, pourquoi est-ce qu’une femme afro-américaine n’aurait-elle pas le droit de s’y installer ?
Le mythe arthurien a aussi servi de critique écologique de la modernité, notamment à travers des figures comme la fée Morgane ou Merlin, vue comme des personnages qui tentent de sauvegarder des traditions celtiques (comprendre, la Nature) face au christianisme (donc, le monde moderne, industriel et technoscientifique). Cette imagerie a été largement diffusée par la contre-culture des années 1960, dans un mélange parfois très étonnant de prose féministe, de religion néopaïenne, mais aussi de militantisme écologiste radical. Aujourd’hui, cette rhétorique rime parfois avec quête de racines fantasmées et donc, de repli identitaire. Encore une fois, chaque époque produit des mythes qui font écho à ses angoisses les plus sombres, mais aussi parfois, à ces espoirs les plus lumineux.

LIEN VERS DES ÉMISSIONS AUDIOVISUELLES :
 France Culture, La Fabrique de l’Histoire, 16 janvier 2017
 Culture Prohibée, janvier 2017 (lien direct vers le mp3)

Propos recueillis par Matthieu Léonard

Le roi Arthur sur Elbakin.net

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

ELBAKIN, le 31 janvier 2017.

Rares sont aujourd’hui les gens qui ne connaissent pas le nom d’Arthur. Souverain mythique de Camelot, il est à l’origine de nombreux romans de fantasy (mais pas que). Mais saviez-vous par exemple qu’Arthur a inspiré le mouvement du scoutisme, ou encore des groupes comme Led Zeppelin ? Loin de l’image parfois poussiéreuse que peut avoir la légende de la Table ronde, William Blanc nous livre ici un ouvrage qui montre qu’au contraire, la figure arthurienne est plus que jamais au cœur de notre imaginaire collectif.
Après quelques dizaines de pages qui nous permettent de recontextualiser l’évolution du mythe arthurien du Moyen Âge au XIXe siècle, on rentre dans le vif du sujet avec l’étude du roman de Mark Twain, Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur, paru en 1889. Cette œuvre satirique, censée marquer le passage de flambeau d’une vieille Angleterre victorienne à une jeune Amérique dynamique, a connu un grand succès, et a permis de remettre le personnage d’Arthur sur le devant de la scène culturelle. Cette idée de transmission de l’idéal arthurien du Royaume-Uni aux États-Unis se retrouve encore aujourd’hui dans la culture populaire (William Blanc présente l’exemple des films X-Men et de l’acteur Patrick Stewart). On découvre à travers ces pages la présence diffuse de l’arthuriana dans la culture américaine, notamment à travers la comédie musicale Camelot, et sa célèbre réplique : «  Don’t let it be forgot / That once there was a spot / For one brief shining moment / That was known as Camelot ! » Camelot qui sera par la suite associé aux années Kennedy.
William Blanc dresse un large panorama de tout ce qui, directement ou indirectement, est influencé par la légende du Roi Arthur. Cinéma, littérature, jeux vidéo, politique, comics, jeux de rôle, musique, et bien d’autres domaines, sont encore aujourd’hui influencés par l’arthuriana. L’auteur aborde des œuvres connues des lecteurs de fantasy, comme par exemple les écrits de JRR Tolkien ou ceux de Marion Zimmer Bradley. Mais tout l’intérêt de l’ouvrage réside justement dans le fait qu’il nous fait découvrir des œuvres méconnues, ou des aspects arthuriens de certaines qui n’apparaissent pas de prime abord. Ainsi donc, on apprend que George Romero s’est fendu d’un Knightriders reprenant les codes arthuriens pour mieux dénoncer les travers de l’Amérique de son temps, que de nombreux super-héros ont déjà eu affaire à des incarnations de personnages issus du mythe de Camelot (voir s’y sont rendus), ou que Marlon Brando dans Apocalypse Now est une incarnation du Roi pêcheur.
Certains trouveront surement à redire sur quelques affirmations, mais l’érudition dont fait preuve William Blanc rend son propos crédible, d’autant plus que de nombreuses sources sont citées et que les notes de bas de pages explicatives foisonnent (sans jamais sortir le lecteur de son immersion, tant le texte est prenant).
Enfin, il convient de finir par quelques mots sur le livre en même. Richement illustré (84 illustrations diverses allant de la gravure médiévale à la planche de comics, en passant par les affiches ou les captures d’images de films), épais (576 pages), il est doté d’un index riche, qui permettra de s’y replonger aisément. À titre personnel, il va servir de base pour la construction de cours de français…
Si tout cela ne vous convint pas de foncer chez votre libraire, sachez qu’il ne vous en comptera que 20 €. Quand on voit le prix de certains ouvrages d’une qualité bien inférieure, on appréciera d’autant plus la démarche des éditions Libertalia.
Un ouvrage que tout amateur du mythe arthurien et de pop-culture se doit d’avoir lu !

Gilthanas

le Roi Arthur dans AAARG

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

AAARG, n° 7, janvier-février 2017.

Arthur, la légende mondialisée

Alors que le tournage du film tiré de la série Kaamelott d’Alexandre Astier se prépare, l’historien William Blanc livre une somme passionnante sur la construction du mythe arthurien depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui. Évoquée pour la première fois par le moine Nennius au IXe siècle, la légende a été développée par Geoffroy de Monmouth au XIe siècle avant d’être popularisée au XIIe et XIIIe siècle et transformée par l’idéal courtois des romans de Chrétien de Troyes par exemple. Il n’y a aucune preuve qu’Arthur n’ait jamais existé. Éclipsée à l’époque moderne, l’arthuriana revient en force à partir du XIXe siècle, en Angleterre, comme en Amérique, lorsque Mark Twain invente Hank Morgan, dans son roman Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur (1889), qui traduit par l’intrusion anachronique d’un Américain du futur la démocratisation d’un mythe et d’un idéal. Miroir des époques et des lieux, le mythe a servi de socle à l’univers de la fantasy ou au western puis submergé l’imaginaire contemporain à travers la littérature, la musique, le cinéma, les bandes dessinées ou encore les jeux vidéo. Depuis la création des scouts, la lutte contre les nazis, l’exploitation touristique de la légende au château de Tintagel ou encore dans la forêt de Brocéliande, au fil des siècles, la Table ronde s’ouvre comme par enchantement aux présidents américains, accueille les héros de Fitzgerald ou de Steinbeck, les bikers de Romero, le rappeur Jay Z. La fresque tourbillonne en références et cuisine la geste arthurienne à toutes les sauces, de la plus conservatrice à la plus subversive, comme dans la parodie des Monty Python. Les romans nationaux redessinent ainsi les contours de personnages transformés. Du souverain idéal au roi pêcheur, autour d’Arthur, Merlin le démoniaque devient le magicien pédagogue à l’image de Gandalf chez Tolkien, quand la revanche féministe redistribue les rôles de Morgane, Viviane ou Guenièvre. Les adaptations au Japon et le succès de Kaamelott en France témoignent encore de la vitalité d’un mythe devenu international, fondateur des paradigmes occidentaux dans sa version mondialisée. Édifiant.

Lucie Servin

Le Roi Arthur sur Actusf.com

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Actusf.com, novembre 2016.

Ce gros livre joliment illustré est l’œuvre d’un jeune historien spécialisé dans les représentations du Moyen Âge : William Blanc, qui anime le magazine en ligne Histoire et images médiévales, a consacré un ouvrage à Charles Martel et prend régulièrement la parole pour s’opposer aux réécritures abusives du « roman national ». Historique et politique, érudit, mais toujours accessible, c’est le ton de l’ouvrage, que j’ai dévoré d’une traite – l’arthuriana est un de mes sujets favoris –, et d’avoir déjà travaillé sur ces corpus m’a permis d’apprécier la valeur des chapitres consacrés plus particulièrement à la fantasy, comme celui sur les représentations genrées, sorcières ou femmes guerrières, ou encore celui sur « Excalibur. Merlin contre-attaque », qui étudie l’inflexion de la réception contemporaine de la légende arthurienne, plus axée sur le merveilleux. Sans viser une exhaustivité sans doute impossible à atteindre, l’ouvrage couvre tout de même un nombre d’exemples assez hallucinant, en particulier des films, des BD, des comics, et, de façon originale, puise aussi du côté de la musique populaire, chansons, albums, comme participant à une culture commune définissant une époque. Il permet au passage d’explorer des pans entiers d’histoire socioculturelle, sur plus d’un siècle, dans le monde anglophone surtout (Angleterre et États-Unis chaque fois distingués comme deux contextes bien différents), mais pas seulement. William Blanc rend chaque fois compte des œuvres à travers le message qu’elles portent et transmettent : il les replace dans leur histoire politique et sociale immédiate, et lit les évolutions de la matière arthurienne à cette aune. Si de mon point de vue littéraire c’est négliger un peu l’intertextualité (la façon dont les textes s’influencent les uns les autres, parfois à long terme), j’avoue que les analyses produites sont toujours très convaincantes ! Plus précieux encore, cet ouvrage m’a donné envie de revoir ou de dénicher moult merveilles et bizarreries, du KnightRiders de Romero et ses chevaliers-motards au Wizards de Ralph Bakshi (celui du dessin animé du Seigneur des anneaux) en passant, entre autres, par une trilogie de films espagnols sur des templiers-zombies – faites l’essai, vous y découvrirez sans aucun doute votre bonheur de curieux.

Anne Besson

Le Roi Arthur dans ZOO

jeudi 6 avril 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans ZOO, n° 63 janvier-février 2017.

« Un pavé dans le mythe. »

Dans un épais ouvrage, l’historien William Blanc revient sur la naissance du mythe du roi Arthur et de ses modulations successives. Il montre comment, depuis douze siècles, diverses factions ont pu l’accommoder. Constatant que le mythe a perduré grâce à sa récupération par l’imaginaire américain pour ensuite rayonner sur le globe entier, il analyse avec précision le rôle symbolique que joue la cour d’Arthur dans la culture populaire aux États-Unis. Cinéma, séries télé, pop musique et évidemment bandes dessinées, rien n’échappe à son esprit analytique et précis. Cette mise en perspective transversale et érudite, servie par un style alerte, s’avère stimulante pour tout curieux. Les amateurs de comics qui cherchent à approfondir leur passion devraient se jeter dessus.

Vladimir Lecointre