Le blog des éditions Libertalia

Le Talon de fer, dans L’Humanité

mercredi 30 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans L’Humanité du 24 novembre 2016.

Jack London taille la route, format poche

La commémoration du centième anniversaire de la disparition de Jack London est l’occasion de la réédition, sous les heureux auspices de nouvelles traductions, de plusieurs de ses œuvres.

Les cinq publications qui marquent, cette année, en format poche, la commémoration du centenaire de la disparition de Jack London s’attachent toutes à proposer au lecteur une approche renouvelée de son style avec cinq traductions inédites se voulant au plus près de l’original.
À noter donc, L’Appel de la forêt, publié aux éditions Finitude, traduit par Jean-Pierre Martinet. Le texte, l’un des plus connus de Jack London évoquant les aventures de Buck, chien retournant à la vie sauvage pendant la ruée vers l’or, reprend l’élan et le souffle des équipées du Klondike sous la plume de l’auteur de Jérôme, roman du traducteur publié aux mêmes éditions. Le texte est accompagné par la traduction d’une nouvelle du Grand Nord tout à fait remarquable, allégorie saisissante de la lutte à mort des consciences décrite par le philosophe Hegel dans sa Phénoménologie de l’esprit. L’aventure cruelle d’un chien martyr de la ruée vers l’or est un chef-d’œuvre du romancier voyageur.
Autre texte du cycle du Grand Nord, Croc-Blanc, traduit par Stéphane Roques et publié aux éditions Phébus/Libretto. On retrouvera le récit devenu mythe évoquant, en miroir de l’Appel de la forêt, la découverte de la vie « civilisée » par un chien-loup recueilli par une tribu d’Indiens. Une traduction qui fait ressentir la puissance suggestive de Jack London et sa capacité d’évocation des puissances élémentaires de la vie.
À signaler également, L’Invasion sans pareille, ouvrage traduit et préfacé par Thierry Beauchamp et publié aux Éditions du Sonneur. Ce récit d’anticipation – une des dimensions de l’écriture de Jack London souvent moins connue du grand public – développe le thème du « péril jaune » et permet de se saisir de certains arrière-plans des critiques du développement de la Chine contemporaine, Jack London explorant le phantasme civilisationnel de l’hégémonie occidentale jusqu’à son point de paroxysme nihiliste.

Le Talon de fer , un récit d’anticipation accompagné d’un important appareil critique
La publication du Talon de fer, aux éditions Libertalia, est à souligner. L’ouvrage – un récit d’anticipation également – évoque l’émergence d’un mouvement révolutionnaire inédit dans l’histoire qui préfigure la révolution d’Octobre, mais aussi la violence de la réaction fasciste du capitalisme. L’ouvrage, traduit par Philippe Mortimer, est accompagné d’un important appareil critique, ainsi que d’un cahier iconographique reproduisant, entre autres, plusieurs pages du manuscrit original, de même que la lettre de Léon Trotski à Joan London datée de 1937.

Autre ouvrage publié en format de poche accompagnant l’édition des œuvres de Jack London à la « Bibliothèque de la Pléiade » en cette rentrée (voir L’Humanité du jeudi 13 octobre), Martin Eden, traduit par Jean-Philippe Jaworski.

Jérôme Skalski

Benjamin Péret, dans Le Monde

mercredi 30 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Monde, du 25 novembre 2016.

Une biographie consacrée à Benjamin Péret (1899-1959), l’un des principaux acteurs des mouvements d’avant-garde du XXe siècle, de Dada au surréalisme.

« La place de Péret était généralement située dans les notes de bas de page », écrit Barthélémy Schwartz à propos des histoires du surréalisme. Il s’est donc résolu à consacrer un livre à Benjamin Péret (1899-1959), initiative hautement louable. Et difficile. Car il faut s’attacher aux Péret successifs ou simultanés : le provocateur de Dada et le codirecteur de la revue La Révolution surréaliste en 1924, le poète de la colère politique et celui de la passion amoureuse, le militant qui a combattu le franquisme, l’anthropologue qui a étudié les religions indiennes d’Amérique latine, l’ami d’André Breton et d’Yves Tanguy, l’anticlérical féroce et l’antistalinien, l’écrivain célèbre qui gagnait mal sa vie comme correcteur. Lui-même cloisonnait ses activités. La police des États-Unis l’interdit de séjour sur le territoire américain, celle du Brésil l’expulsa du pays en 1931 et celle de la IIIe République mourante l’incarcéra en mai 1940. On lui doit l’une des réflexions les plus précises sur le mythe du « sauvage » dont le primitivisme s’est grisé au XXe siècle et les satires de son recueil Je ne mange pas de ce pain-là, paru en 1936, sonnent particulièrement haut aujourd’hui. Breton a défini le surréalisme ainsi : « C’est la beauté de Benjamin Péret écoutant prononcer les mots de famille, de religion et de patrie. »

Philippe Dagen

Le Maître insurgé dans Le Monde libertaire

mercredi 30 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Monde libertaire (décembre 2016).

Le Maître insurgé, tel est le titre choisi par un collectif d’auteurs pour évoquer Célestin Freinet et les articles qu’il rédigea pour divers journaux dont L’École émancipée et L’Éducateur prolétarien de 1920 à 1939. Évocation dans la huitième livraison de la collection N’Autre École chez Libertalia qui est le résultat d’un choix, sans doute difficile mais assumé, de textes du maître insurgé. En effet, le Freinet qui nous est présenté ici est, certes le Freinet pédagogue, celui de l’imprimerie à l’école, mais aussi et surtout le Freinet politique au sens où, avec bien d’autres à l’époque, il considérait qu’il n’était pas envisageable de mener à bien une révolution pédagogique sans révolution sociale tant les bouleversements souhaités étaient dialectiquement liés. Les auteurs soulignent en effet, qu’« avec le conseil d’élève, c’est la révolution dans l’organisation sociale de la classe » (p. 14) préfiguratrice à son sens de la révolution sociale plus généralement.
Parmi les nombreux extraits proposés, l’instituteur, longtemps proche du PC malgré une pensée et une pratique pédagogique peu orthodoxe, fut actif dans le tout premier syndicat des instituteurs syndicalistes révolutionnaires, soucieux de l’internationalisme en saluant « avec émotion la création de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE) » en 1921, en accueillant de jeunes réfugiés espagnols fuyant la violence et les représailles franquistes dans son école de Vence en 1935… ou encore, en lien avec les maîtres camarades des écoles libertaires de Hambourg.
Sa pensée pédagogique devait en effet surprendre voire dérouter certains tenants des pédagogies autoritaires et de la mise aux normes et au pas des enfants voulue par les institutions scolaires traditionnelles. Il se déclare fermement contre la pédagogie blanquiste déjà dénoncée par Albert Thierry. Pour lui, il faut cesser de bourrer le crâne des enfants, « nous avons trop vu, écrit-il, où cela nous a menés et où cela nous mène chaque jour. Et d’ailleurs que vous bourriez les crânes de rouge ou de blanc, c’est la même chose » (p. 38). Il ajoute : « Libérons-nous de tous les dogmes ; faisons l’école pour l’enfant. Éduquons-les en pensant, non que nous faisons des capitalistes ou des communistes [voire des anarchistes], mais en nous persuadant bien […] que nous avons la charge d’en faire des hommes […] ayant soif d’amour et de liberté et qui emploieront tous leurs efforts à se libérer » (p.40). À cette fin, il faut faire en sorte que l’école « soit une institution réelle et vivante, car la seule manière de se préparer à une tâche sociale est d’être engagé dans la vie sociale » (p. 49). Donc, plus d’école-caserne mais des écoles ouvertes sur la vie où le savoir peut prendre sens et où à chaque pas la connaissance doit être soumise à la pensée critique. Freinet affirme donc que « la formation de l’esprit critique de l’enfant doit être une de nos préoccupations capitales. Il s’agit de préparer l’enfant non pas à penser en série, à obéir servilement aux perfides suggestions des corrupteurs sociaux et aux ordres impérieux de ses maîtres, mais à réfléchir, à juger, à orienter ses efforts, à découvrir le mensonge, même lorsqu’il se cache sous les apparences hypocrites de l’humanité, de la charité, ou de la religion » (p.134) voire des pseudo-vérités et des pseudo-sciences, ajouterai-je.
Un agréable petit volume, bien fait, enrichi de quelques illustrations, facile à lire pour ceux et celles qui souhaitent mieux connaître le pédagogue. Il est à noter que les textes sont tous présentés et remis dans le contexte politique et syndical de la période où ils furent rédigés ce qui permet de mieux en appréhender la portée. À quand un second volume sur le Freinet d’après 1945, où il fut d’une certaine manière marginalisé par ses « amis » du PC, Langevin et Wallon, qui l’écartèrent de la réflexion sur la refonte de l’école qu’ils firent connaître dans leur célèbre rapport resté sans suite ?

Hugues Lenoir

William Blanc et le roi Arthur sur Radio Libertaire

mardi 22 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —
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William Blanc était l’invité de l’émission Bulles Noires du 12 novembre 2016 sur Radio Libertaire autour de l’ouvrage Le Roi Arthur, un mythe contemporain.

Il y a cent ans mourait Jack London, le trimardeur des lettres

mardi 22 novembre 2016 :: Permalien

Né à San Francisco dans un milieu modeste en 1876, Jack London est l’un des principaux précurseurs d’Ernest Hemingway et de Jack Kerouac ; l’un des auteurs les plus lus au monde. Il incarne tour à tour le dernier écrivain de la Frontière, le chantre des grands espaces, le héraut révolutionnaire, le self made man à l’américaine, mais également, en ses dernières années, un certain type de bourgeois aigri, raciste et misogyne.
On lui attribue cette phrase, véritable credo romantique, qui éveille immédiatement l’imaginaire et donne envie de lever les voiles : « J’aimerais mieux être un superbe météore, chacun de mes atomes irradiant d’un magnifique éclat plutôt qu’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre et non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie, je veux brûler tout mon temps. »
Ayant quitté l’école à l’âge de 14 ans pour subvenir aux besoins de sa famille, Jack London a fait tous les boulots : balayeur, vendeur de journaux, manutentionnaire dans une conserverie. Las de se faire exploiter, il devient pilleur d’huîtres, puis chasseur de têtes (voir Tales of the Fish Patrol), et enfin trimardeur. Répondant à l’appel du Grand Nord, il part au Klondike, y glane quelques pépites d’or, attrape le scorbut et revient surtout avec de belles histoires à raconter. Dès lors, Jack devient un professionnel des lettres. Pas toujours en esthète, mais en laborieux gars d’en bas qui se voudrait rapidement en haut de l’affiche. Chaque jour, il écrit mille mots. Il envoie ses nouvelles à la presse pour prépublication, avant d’être édité chez Macmillan, une grosse maison new-yorkaise. Les succès s’enchaînent : L’Appel de la forêt, Croc-Blanc, Martin Eden… Certaines de ses nouvelles sur le Grand Nord ou la boxe (il affectionne le genre court) sont plébiscitées par le public : Construire un feu ; L’Enjeu.
Jack London est aussi un militant. Il a rejoint le Socialist Labor Party en avril 1896. Il se présente aux municipales à Oakland, écrit des textes pour la presse ouvrière, et surtout un grand récit d’anticipation qui a marqué l’histoire de la littérature sociale : Le Talon de fer (The Iron Heel, 1908).
Dès 1905, se rêvant en gentleman farmer, l’homme engloutit ses droits d’auteur dans un domaine de plus en plus démesuré, à Glen Ellen, dans la vallée de Sonoma. Il y expérimente les techniques les plus modernes et se fait construire une maison gigantesque en pierre volcanique : la Wolf House. À l’été 1913, un incendie anéantit la construction somptueuse et brise définitivement le moral de l’écrivain. Sa vie n’est plus qu’un lent cheminement vers la mort. Il se réfugie dans l’alcool, écrit de mauvais récits (à l’exception notable de John Barleycorn) et meurt d’urémie le 22 novembre 1916, à 40 ans. Cent ans après, il est temps de le lire et le relire !

Nicolas Norrito