Le blog des éditions Libertalia

Là où le feu et l’ours dans Yggdrasil

jeudi 24 juin 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Yggdrasil (juin 2021).

Là où le feu et l’ours ,
ou comment flotter en beauté ?

Deux ans après la parution de son essai, Corinne Morel-Darleux publie son premier roman jeunesse, dans lequel elle nous invite à suivre les pas de Violette, une jeune femme amnésique, et Têtard, l’ourson qu’elle a recueilli et avec lequel elle parcourt une steppe aride, austère, et souvent dangereuse. Ce territoire n’est pas vierge – on y découvre des habitant·es – humain·es ou non. Violette, Têtard et leurs compagnons partagent leur chemin jusqu’à une Oasis où elle s’installera, non sans poursuivre son errance – intérieure et, sans doute, spirituelle.
Tout au long du chemin, Violette donne à voir ce peut signifier la « dignité du présent » qui était au cœur du superbe essai de l’autrice, Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce. La force du récit tient notamment à ce que « tout est vrai » dans ce livre – ce que Corinne Morel-Darleux explique longuement dans le « glossaire » de l’ouvrage. Certains éléments de « vérité » sont évidents (le comportement de l’ourson, le réchauffement climatique), d’autres donnent une vraie ampleur au récit (les femmes du Rojava, où l’autrice se rend fréquemment, inspirent les « Mères savantes » de l’Oasis). Ainsi, Corinne Morel-Darleux propose une exploration sensible et touchante de la manière dont nous pourrions parvenir à flotter sans jamais renoncer à la beauté.

Le Vagabond des étoiles dans L’Obs

vendredi 18 juin 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans L’Obs du 10 au 16 juin 2021.

Jack London en prison

1915. Jack London, qui se sait mourant fait le récit d’un homme prisonnier des geôles de San Quentin (Californie), nommé Darrell Standing, condamné pour un crime qu’il n’a pas commis et dont la force d’esprit lui vaut la haine d’un surveillant, et la camisole de force. Jack reste ainsi London avec une plume trempée dans la plaie jusqu’à son dernier jour afin de montrer le sadisme qui s’exerce sans contrôle sur les membres des « classes dangereuses ». Pour échapper à son martyre, le reclus parvient à sortir de son corps compressé et ce vagabondage cérébral le mène dans ses vies antérieures. O la riche idée ! L’auteur de Martin Eden et de Grève générale déplie ainsi son œuvre inachevée, riche de tous les livres qui lui restent à écrire. Autre chose, encore : le reclus observe les mouches dans sa cellule et voit bien que chacune est un « individu à part entière », l’une indolente, l’autre nerveuse, une troisième très joueuse, une autre « maussade et renfrognée », et ceci un siècle avant la découverte de la personnalité des espèces, qui n’est pas le propre de l’homme. Le Vagabond des étoiles, le dernier roman de Jack London est, de loin, le plus surprenant.

Anne Crignon

Le Vagabond des étoiles sur BibliObs

vendredi 11 juin 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié sur sur BibliObs, le 10 juin 2021.

1914. Jack London se sait mourant et se lance dans le récit d’un homme prisonnier des geôles de San Quentin (Californie), nommé Darell Standing, condamné pour un crime qu’il n’a pas commis et dont la force d’esprit lui vaut la haine d’un surveillant et la camisole de force. Jack reste ainsi London jusqu’à son dernier souffle avec une plume trempée dans la plaie pour décrire le sadisme qui s’exerce sans contrôle sur les « classes dangereuses ». En compagnie des mouches, le reclus les observe et se dit que chacune est « un individu à part entière », l’une indolente, l’autre nerveuse, une troisième joueuse, une autre « maussade et renfrognée ». Comme souvent, l’auteur de Martin Eden a quelques trains d’avance car il écrit ceci un siècle avant la découverte de la personnalité propre des individus au sein d’une même espèce. Voici cet étonnant passage du Vagabond des étoiles, offert à nos lecteurs par les éditions Libertalia : www.nouvelobs.com/romans/20210610.OBS45090/jack-london-cette-fine-mouche.html

A. C.

Un hommage de Raoul Vaneigem à son ami Marc Tomsin

jeudi 10 juin 2021 :: Permalien

Cher Marc,

Tu n’as jamais fait partie, tu ne feras jamais partie des morts-vivants qui perpétuent la longue agonie du vieux monde. C’est pourquoi je m’adresse à toi au nom de cette vivacité qui ne t’a jamais quittée et qui continuera d’être présente parmi nous. Car légataires des insurgées et des insurgés du passé, nous jetons les bases d’une véritable internationale du genre humain. Choisir le parti pris de la vie est désormais le seul recours contre ceux qui sèment la mort sur la terre entière. C’est le combat que tu as choisi de mener et ton amitié rayonnante avait souvent plus d’efficacité que bien des diatribes. L’érudition et la vigilance de l’éditeur nous ont donné des écrits rares et percutants. L’infatigable responsable de la Voie du jaguar a préparé la venue imminente des zapatistes qui débarquent porteurs d’un monde nouveau dans la vieille Europe si acharnée à les réduire en esclavage. Dans toutes les festivités à venir il sera l’ombre du personnage absent.
Mais je ne veux pas verser dans l’oraison funèbre.
Marc était avant tout un ami. Cette magie intime que sont les affinités électives nous avait fait proches. J’ai beau savoir que la mort t’a cueilli dans l’exaltation de Rosa Nera redevenue libre, je n’en reste pas moins convaincu qu’aucune mort n’est heureuse.
Néanmoins, nous étions pour ainsi dire en conversation lors de cet étincellement de l’enthousiasme qui t’a frappé. J’aime à voir dans cette fulgurance – funèbre pour nous, joyeuse pour toi – un appel à ne jamais désespérer ni de sa propre existence ni du monde, si délabré qu’il nous paraisse.
Tu as toujours eu l’art de persuader sans donner de leçons. Merci Marc.

Raoul Vaneigem, 9 juin 2021.

May la réfractaire dans Le Canard enchaîné

mercredi 9 juin 2021 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Canard enchaîné du 9 juin 2021.

Le joli mois de May

« Je t’ai détestée tout de suite, lui dit sa mère, j’ai failli mourir en te mettant au monde… » Fessées quotidiennes, dureté, manque de tendresse : May Picqueray (1898-1983) en fut marquée à vie. « C’est bien la conduite maternelle qui a fait naître en moi cette révolte contre l’injustice qui ne m’a jamais quittée. » Encore fallait-il que cette révolte trouve un sens et une cohérence…
C’est en 1919, au Bouillon Bourdeau, place Saint-Michel, à Paris, que May Picqueray rencontre Dragui. Et que sa vie change. Elle a 21 ans, travaille depuis l’âge de 11 ans, a séjourné au Canada pendant deux ans pour veiller sur un enfant épileptique, l’a vu mourir, et mourir ses parents, est rentrée seule en France, s’est vite mariée, a quitté son mari trois semaines après (il se droguait, la battait), a failli mourir de la grippe espagnole, a eu un enfant mort-né…
Dragui est serbe, étudiant en médecine et anarchiste. Il l’emmène écouter Sébastien Faure. C’est sur un texte de ce dernier que s’ouvre cette autobiographie de May Picqueray, un texte qui « a guidé toute ma vie », dit-elle. Quatre pages qui résument la doctrine libertaire. Oui, « les anarchistes veulent organiser l’entente libre, l’aide fraternelle, l’accord harmonieux »…
D’une plume vive et chaleureuse, elle se raconte et raconte le siècle. Le groupe anar des XIIIe et Ve. Les cafés-concerts comme La Muse rouge – « On chantait beaucoup, dans les milieux anarchistes » –, où elle voit Pierre Dac faire ses débuts. Les meetings et les manifs, les compagnons de combat comme le pacifiste Louis Lecoin, « la joie de vivre et l’amitié », l’affaire Sacco et Vanzetti (elle envoie une grenade par la poste à l’ambassade des États-Unis), la soirée au Kremlin où Trotski lui demande une chanson (et la voilà qui chante Le Triomphe de l’anarchie de son pote Charles d’Avray), les prisonniers qu’elle fait évader du camp du Vernet, les barricades de Mai-68, la création du journal Le Libertaire, etc.
Ah, un détail : May Picqueray a été correctrice pendant un quart de siècle au Canard. Lequel s’en honore encore.

Jean-Luc Porquet