Le blog des éditions Libertalia

45 révolutions par minute, dans Ouest-France

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Ouest-France, 10-11 octobre 2015

Nuclear Device, c’était « nos Clash à nous »

« Nuclear Device, c’était une bande de gens qui se sont agrégés les uns aux autres, parce que c’était rassurant et qu’on se sentait tous révoltés. » Témoignage d’Aline, une copine. Nuclear Device, groupe punk rock né au Mans en 1982, a marqué une époque et pas mal de gens.
Dans un livre sorti la semaine dernière, 45 révolutions par minute, les musiciens se retrouvent vingt-six ans après la dissolution du groupe. Le bouquin, qui inclut un CD de 20 titres, se lit comme on écoute une conversation.
Les musiciens, les piliers comme ceux de passage, échangent leurs souvenirs entre eux ou avec leurs proches. Chacun avec ses mots. Ça sonne juste, vrai et cru. La discussion ne se limite pas à un retour sur les concerts ; elle se concentre sur la vie des musiciens, leur jeunesse, leurs engagements, leur envie d’alternatif. Le tout dans un contexte social et politique que des doubles pages rappellent de manière concise, année après année.
Le bouquin est dédié à André Lecouble, le père de Christian, batteur de Nuclear Device. Alors que son fils et ses copains d’école, les deux frères Carde, entreprennent à 18 ans de monter un groupe, ce monsieur aujourd’hui décédé les accompagne dans les salles de répèt, à la MJC d’Allonnes, leur donne des coups de main, les prend en photo. Il veille sur eux, tout en discrétion. Nous sommes en 1982, à l’époque d’AC/DC, des Clash, de Téléphone ou de Trust, des Stranglers (« Nuclear Device, ça vient d’eux ! »).
Christian, Pascal et Patrick Carde, fils d’enseignants et militants communistes, se mettent à jouer. La musique, ils connaissent. La technique, un peu moins. Mais ils ont des choses à dire. Rien de poétique, dira Pascal, plutôt du politique.
Les tournées, les conneries, les filles, les skins menaçants, le départ de Patrick et la mort annoncée du groupe… Ils racontent tout. Avec autodérision parfois, avec tendresse souvent, pour ces jeunes gens bourrés d’énergie, enivrés d’idéaux. Des fonceurs.
Christian est devenu Tian l’artiste plasticien, Pascal Carde et Chema (José Vega) ont créé leurs boîtes.

Florence Lambert

Interview de Nuclear Device dans Ouest-France

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Ouest-France (2 octobre 2015).

45 révolutions par minute raconte l’histoire de Nuclear Device, formé entre 1982 et 1989. Le livre-CD sort jeudi. Rencontre avec trois ex du groupe : Pascal, Chris et Chema.

Pourquoi ce livre aujourd’hui sur Nuclear Device, groupe qui n’existe plus depuis vingt-six ans et qui ne s’est jamais reformé ?
À l’origine, on nous a proposé de sortir une compilation de nos meilleurs morceaux. Nous étions d’accord, mais à la condition d’éditer un livret-CD, quelque chose qui raconterait notre histoire. Plus le temps a passé et plus le livret est devenu livre. On a pensé que cela pouvait intéresser du monde, peu de gens connaissaient notre histoire, finalement. Et on voulait parler de l’époque, du contexte musical du moment. Ce livre, c’est aussi une façon de tourner définitivement la page. Comme une postface. On a vécu un truc, on laisse une trace.

Qu’avait-elle de si intéressante, cette période ?
On a monté ce groupe de musique alors qu’on n’était pas vraiment musiciens, mais on avait envie de jouer ensemble. Nos parents étaient militants, syndiqués, communistes pour certains. Si t’avais envie de faire quelque chose, tu le faisais. On avait 18 ans, on avait beaucoup d’énergie à dépenser. Plein de choses à dire. Musicalement, au début, on savait jouer trois accords. Et les textes, écrits par Pascal et Chris, c’était plus du reportage que de la poésie. L’actualité nous faisait réagir.

Le CD reprend vos meilleurs morceaux ?
On a choisi en fonction de la qualité d’enregistrement, avec les morceaux live les plus exploitables. Et les plus emblématiques. On y a mis aussi deux morceaux du tout début, de nos balbutiements.

Le mouvement punk s’essoufflait. En quoi vous le revendiquiez ?
Le punk à l’époque, c’était d’un côté les Sex Pistols, de l’autre les Clash. Nous, on était Clash. On était des militants positifs, on n’était pas du tout dans le No future. On était quand même dans la provoc, on a fait des conneries en tournée, c’est vrai. Ça nous faisait marrer, comme des gamins, en fait. On n’arrivait sans doute pas à consumer sur scène toute l’énergie qu’on avait !

Nuclear Device s’est formé en 1982 et dissous en 1989. Comment a-t-il évolué en sept ans ?
Déjà, on a fait des progrès en tant que musiciens ! Il faut bien se remettre dans l’époque, avec nos morceaux. Si t’enlèves le contexte, ils n’étaient pas suffisamment bons. Notre objectif, c’était la scène. On était très bons sur scène : 50 % de musique, le reste d’énergie ! À la fin, on s’est retrouvé dans une espèce de contradiction. On pouvait professionnaliser notre démarche mais en même temps, ce n’était pas l’esprit du groupe. Ce n’était pas du « jemenfoutisme », on travaillait nos pochettes, nos décors, notre look. On faisait une vraie mise en scène, mais avec nos moyens.

Vous avez beaucoup tourné, en France et à l’étranger. Votre meilleur souvenir ?
Bourges avec 10 000 personnes, c’était impressionnant tout ce public ! Mais le meilleur, c’était peut-être Rome. C’était notre dernier concert, mais on ne le savait pas encore vraiment. Il y a eu aussi Nantes, on est passé derrière la Mano Negra : on s’est pris une sacrée claque ! Mais ça nous a bien motivés sur scène.

La presse locale parlait de vous comme de « gloires locales ». Et le public manceau ?
On était dans notre truc, pas super ouverts aux autres probablement. Du coup, ça a créé des jalousies. On ne passait pas notre temps à faire la fête, boire ou fumer. Si tu fais ça, t’es bon à rien. Nous, on avait des petits boulots et tous les week-ends, on répétait ou on partait en concert. On était tout le temps ensemble. C’était l’esprit famille. Nuclear Device s’est créé bien avant le groupe, on a formé une bande dès l’école primaire ! On a vécu des trucs hyper forts au moment où on se formait en tant qu’adultes.

À part des souvenirs, que reste-t-il du groupe aujourd’hui, chez chacun de vous ?
Christian : Le volontarisme, le faire soi-même que j’applique toujours dans mon travail. On a appris à être fort en groupe. Ce qui nous a permis ensuite d’être forts individuellement.
Chema : Le côté bagarreur, combattant, hargneux même.
Pascal : La rage qu’on avait à l’époque. Ce bouquin, c’est une volonté commune de faire quelque chose ensemble, trente ans après.

Recueilli par Florence Lambert

Charles Martel et la bataille de Poitiers, dans L’Histoire

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

L’Histoire , n° 417, novembre 2015

Poitiers, 732. Un mythe

La bataille de Poitiers, en 732 (ou 733), opposant les troupes arabo-berbères d’Abd al-Rahman aux Francs de Charles Martel (le grand-père de Charlemagne), est un événement de l’histoire de France capté aujourd’hui par l’extrême droite identitaire et le Front national dans leur rejet de l’islam. Les auteurs, de jeunes historiens, embrassent l’événement dans sa totalité, depuis la bataille elle-même jusqu’à son instrumentalisation la plus récente, en passant par le Grand Siècle et les Lumières.
Les conclusions sont sans appel. La bataille de Poitiers n’a pas été le choc que nombre d’auteurs ont imaginé. Dans les manuels d’enseignement de l’histoire, depuis le xixe siècle, la bataille n’est pas mise en avant et encore moins célébrée. Quant à Charles Martel, il n’a pas toujours été acclamé comme un sauveur de la chrétienté, loin de là… Et il est «  une figure au mieux mineure de l’histoire nationale scolaire ». Ce livre offre une vraie leçon d’histoire, dans toute sa complexité.

Ma Guerre d’Espagne à moi, dans Le Monde diplomatique

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Le Monde diplomatique, novembre 2015

Guerrières du verbe et de l’action

« Vous voulez ressembler aux Muses/Inspirez, mais n’écrivez pas. » La phrase est de Ponce-Denis Ecouchard-Lebrun, homme de lettres sous la Révolution. Sa consœur Constance Pipelet (1767-1845) lui répond en 1797 avec son Epître aux femmes, qui affirme que « différence n’est pas infériorité ». Les femmes qui entendent sortir de la minorité où on les tient lutteront pour s’exprimer ; par leurs écrits, elles communiqueront à leurs sœurs l’aspiration à des lendemains meilleurs. Et c’est dans le combat politique que se gagneront des batailles sans cesse renouvelées.

Louise Michel (1830-1905) fut féministe dans ses actes. Armée, elle transgresse l’assignation à son genre. Ses Mémoires inédits, soixante-dix feuilletons parus dans la presse et qui passaient pour perdus, retracent sa vie, de meetings en manifestations, de ses feuillets de prison à ses articles sur les pendus de Chicago. S’y affirme aussi combien, pour la « vierge rouge », admiratrice de Victor Hugo, la poésie eut de l’importance. Accusée d’appels à l’insurrection, elle compose des vers dans les ergastules (cachots) de la IIIe République. Radicale, au cours de ses tournées dans la vallée de l’Ondaine, aux portes de Saint-Etienne, elle prône la grève générale contre les grèves d’un jour. A Paris, où le souvenir de la Commune n’est pas éteint, elle entend son nom comme une rumeur : « Voilà les anarchistes, il faut fermer la halle, c’est pour voler la volaille avec Louise Michel qu’ils sont là. » Partisane de l’action directe, elle effraya les possédants jusqu’à sa mort. « La v’là. J’te dis que c’est pas elle. Je te dis que c’est elle. Elle n’a pas sa robe rouge. » Elle s’en moque et connaît sa légende. Elle n’oublie pas de rendre hommage à nombre de combattantes de son époque, comme Elise Roger ou Julie Longchamp, et convoque romantiquement les spectres, âmes des disparus.

A 14 ans, en Argentine, Mika Etchebéhère (1902-1992) est membre d’un groupe anarchiste baptisé « Louise Michel ». Entrée au Parti communiste, elle constitue des groupes de femmes dans les usines et dans les champs. Comme Louise Michel ou Rosa Luxemburg – dont l’assassinat, en 1919, fit perdre aux révolutionnaires, comme le souligne Chris Harman dans La Révolution allemande, leur « dirigeante la plus capable et la plus expérimentée » –, elle possède un grand talent d’oratrice, et c’est ce qui la fait connaître. Elle s’engage dans la guerre d’Espagne et devient officier dans la division de l’anarchiste Cipriano Mera. Dans Ma guerre d’Espagne à moi, elle raconte le front, où elle fut capitaine d’une colonne au sein du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), antistalinien. Enfin publié dans une belle édition critique, avec des photos inédites, son ouvrage, pendant idéal de l’Hommage à la Catalogne de George Orwell – qui fut lui-même aux côtés du POUM –, donne le point de vue d’une femme dans le monde guerrier des hommes et de leurs valeurs.

Monique Piton, ouvrière chez Lip en 1973, quand l’entreprise horlogère connaissait les joies de l’autogestion et de la lutte, raconte son combat avec verve et passion. Citant Louise Michel – « Il faut bien que la vérité monte des bouges, puisque d’en haut ne viennent que des mensonges » –, elle incarne cette voix d’en bas, la voix des femmes dans un conflit où elles eurent à lutter aussi contre leurs propres camarades. Son récit ne nous épargne pas le quotidien des travailleurs : sa vie personnelle, ses tracas financiers scandent l’histoire de la lutte autogestionnaire. Dans sa nouvelle postface à cette réédition, elle regrette que les délégués de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) qui menaient la lutte aient perpétué la domination qui condamne les femmes à un rôle subalterne. Si la formule « Du passé faisons table rase » n’a pas de sexe, c’est encore à elles de débarrasser la table.

Christophe Goby

Les Cahiers Armand Gatti, dans L’Humanité

jeudi 12 novembre 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans la chronique théâtre de Jean-Pierre Léonardini, L’Humanité, 21 septembre 2015

Toutes les racines de l’homme-arbre

Le numéro double 5/6 de la revue annuelle AG, cahiers Armand Gatti traite de ses rapports avec les arts : la peinture, la musique, la danse, le théâtre évidemment, le cinéma, sans omettre les arts dits martiaux, le kung-fu essentiellement, dont il use sur scène à la lumière du tao, jumelé chez lui à la théorie du quanta. L’ensemble de ce fort volume abondamment illustré de documents d’archives, conçu et réalisé avec un soin typographique digne d’éloge, constitue une somme magistrale sur l’aventure de création et de vie d’un stentor fraternel qui n’a jamais cessé d’être en mouvement à partir de ce qu’il nomme « la traversée des langages », au cours de laquelle il inclut dans son chant poétique – où se mêlent inextricablement le passé, le présent, le futur – la philosophie et la science, le tout sous le signe de l’expérience vécue, depuis sa naissance en passant par le maquis, les camps et, à travers le monde, tout ce qui, ici et là, a trait aux convulsions historiques, infiniment pensées et traduites selon un « principe d’espérance » d’ordre quasi prophétique.
Catherine Brun et Olivier Neveux, qui ont dirigé la publication, l’ouvrent avec un texte éclairant. « L’œuvre de Gatti nous importe », affirment-ils, car « elle n’ignore aucun des espaces de lutte de notre temps, de la Commune aux guérillas sud-américaines, du spartakisme à la révolution cubaine, des mouvements anarchistes russe à la Longue Marche, de la guerre d’Espagne à la mobilisation de l’IRA, de résistance en résistance, de catastrophe en catastrophe, aussi, toujours, inévitablement : c’est de cette fosse-là qu’elle vient, de cet enclos qu’elle sort ». Impossible de recenser dans le détail un massif de réflexions aussi important. On se borne à signaler quelques éléments. Par exemple, ce texte magnifique d’Hélène Chatelain, « L’insurrection de l’esprit », à partir de la figure du poète Vélimir Khlebnikov ; un entretien avec les frères Dardenne ; « Armand Gatti cinéaste », par Thomas Voltzenlogel ; « Armand Gatti, un portrait cubiste », par Marie-José Sirach ; « Pourquoi j’aime Gatti », par Daniel Bensaïd… La nomenclature n’est pas limitative. Chaque contribution ici enseigne, exalte, incite à l’amicalité et à la gratitude, à la haute échelle de Gatti.

Jean-Pierre Léonardini