Le blog des éditions Libertalia

#MeTooThéâtre en entretien pour La Scène

mercredi 21 septembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans La Scène, automne 2022.

Un café avec…
le collectif #MeTooThéâtre

« Bientôt des États généraux des violences sexistes et sexuelles. »

Vous annoncez la publication d’un ouvrage produit par le collectif. Comment est-il né ?
Agathe Charnet : Nous avions fait un appel à textes pour le rassemblement du 7 octobre. Nous nous sommes rendu compte qu’ils avaient une vraie force et un sens lorsqu’ils étaient rassemblés. L’idée d’un ouvrage a émergé et les éditions Libertalia l’ont accueilli très rapidement.

Avez-vous le sentiment d’être écoutées ?
Sephora Haymann : C’est très partagé. Nous avons des alliés très forts, mais nous nous heurtons souvent à des résistances, souvent pour des raisons affichées comme étant humanistes, au détriment d’une autre forme de justice. Il y a là une opposition des morales que l’on retrouve d’ailleurs dans l’ouvrage. Je ne sais pas si le milieu est assez à l’écoute. En tout cas, il n’est pas assez conscientisé. Il reste beaucoup de travail. La question n’est pas de savoir si nous sommes suffisamment entendues, mais plutôt de savoir quand tout cela va bouger.

Les choses bougent réellement ?
Agathe Charnet : Quand on écoute qu’on lit Reine Prat, elle est assez catastrophée par la lenteur des évolutions. Tous les mouvements féministes le disent aujourd’hui. À ce rythme, il nous faudrait mille ans pour atteindre l’égalité salariale. Évidemment, les consciences changent. Mais, on le voit partout, aux Etats-Unis comme ailleurs, les mouvements de backlash, réactionnaires, se structurent. Les avancées existent, mais vraiment a minima.

La nouvelle génération de directeurs et directrices vous semble-t-elle plus sensible que celle de ces prédécesseurs ?
Sephora Haymann : La problématique est systémique, elle n’est pas personnelle. Les individus qui portent l’institution sont tributaires de celle-ci. Et l’institution porte en elle-même cette problématique structurelle. Au moment où l’on arrive dans l’institution, on se retrouve confrontés à un cahier des charges et donc à une structure intrinsèquement inégalitaire, d’un point de vue de la justice, des moyens accordés. Si on est presque à la parité pour les directions dans les CCN, les moyens de production octroyés aux femmes y restent bien inférieurs de 50% de ce qu’ils sont pour les hommes.
Agathe Charnet : Nous ne sommes pas dans une rupture avec l’institution. Nous-même sommes des artistes et faisons partie de l’écosystème théâtral. #MeTooThéâtre, ce n’est pas notre métier. C’est très important de la dire. Aujourd’hui, il nous faut réfléchir collectivement au sein de cet écosystème pour parvenir à le transformer. Notre priorité, ce sera le lancement cette saison des États généraux des violences sexuelles et sexistes au sein de l’institution, financés par l’institution. Nous sommes en lien avec plusieurs théâtres sur cela. Nous aimerions faire une journée pilote, puis en voir d’autres reprises et organisées en région. Toutes doivent s’y exprimer, quelle que soit sa place dans l’écosystème. Il nous faut des outils pour gérer ces situations. Nous n’en avons pas, et encore moins en compagnie.
Sephora Haymann : Nous envisageons aussi de monter un spectacle, avec le collectif, pour s’interroger sur l’endroit où se croisent l’artiste et le militantisme. À quel endroit est-ce efficient ? C’est un projet pour une échéance pas trop lointaine, probablement la saison prochaine. Il faut que notre réponse soit aussi artistique.

Propos recueillis par Cyrille Planson

Brève histoire de la concentration dans le monde du livre dans L’Humanité

jeudi 15 septembre 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans L’Humanité du 8 septembre 2022.

Spécialiste de l’édition, du livre et de la lecture, l’historien Jean-Yves Mollier est l’auteur de nombreux ouvrages depuis trois décennies. Il poursuit son travail de lanceur d’alerte sur les évolutions les plus récentes en les inscrivant dans la trajectoire de la modernité éditoriale. « Puisque le contrôle de la parole semble bien inclus dans le projet de Vincent Bolloré de posséder à la fois le numéro un de l’édition, Hachette, qui pèse 2,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires et Editis, qui a dépassé 800 millions en 2021, il est nécessaire de remonter à l’origine des phénomènes de concentration pour y mettre à nu les logiques qui sous-tendent cette stratégie. »

Pierre Chaillan

Brève histoire de la concentration dans le monde du livre dans Livres Hebdo

samedi 27 août 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Livres Hebdo n° 23, septembre 2022.

Tout savoir sur les mouvements de concentration dans l’édition

Jean-Yves Mollier, historien de l’édition.
Tandis que Vivendi poursuit son offre publique d’achat (OPA) sur Lagardère et prépare la cession d’Editis, Jean-Yves Mollier dresse une Brève histoire de la concentration dans le monde du livre (Libertalia, 8 septembre). Tout en retraçant les phénomènes de concentration, il montre le caractère économique et financier de ces mouvements, qui permettent des réductions de coûts ou encore un contrôle des œuvres, mais aussi les ambitions politiques et idéologiques des oligarques, qui les accompagnent systématiquement.

C.L.

Correcteurs et correctrices dans Le Monde diplomatique

jeudi 25 août 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans Le Monde diplomatique (août 2022).

L’auteur, alors « rouleur » en presse parisienne et secrétaire délégué des correcteurs au syndicat du Livre CGT, décrit les précaires conditions d’exercice de sa profession. L’ouvrage commence, après un lexique bienvenu, par une actualisation des statuts dont dépendent les correcteurs et correctrices notamment dans l’édition et la presse. Très vite, un constat s’impose : ubérisation et « tâcheronisation » du travail dégradent aussi bien ce métier qu’elles diminuent la qualité des journaux et des ouvrages. Dans un second temps, plusieurs revendications sont proposées dans le but d’enrichir, de valoriser et rendre visible cette profession, d’améliorer ses conditions d’exercice tout en étant à l’écoute des évolutions de la langue et du numérique (écriture inclusive, presse en ligne). Et, afin de s’emparer de ces combats pluriels, sont énumérés de nombreux outils et lieux de lutte, avec un accent particulier sur le microentrepreneuriat, grandement dévoyé et mettant à mal l’avenir du métier. Une invitation au rassemblement en vue de défendre une profession méconnue mais capitale pour le lectorat.

Marguerite Lafage

Léo Frankel dans les Cahiers d’histoire

jeudi 25 août 2022 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans les Cahiers d’histoire (numéro 153, 2022).

Historien du mouvement ouvrier et plus particulièrement de ses composantes révolutionnaires, Julien Chuzeville s’était jusqu’à présent davantage consacré aux années de la Première Guerre mondiale et à celles qui l’avaient immédiatement suivie. Un de ses premiers livres portait sur Fernand Loriot, « le fondateur oublié du Parti communiste » (L’Harmattan, 2012). Il revient aujourd’hui au genre biographique avec ce volume voué à Léo Frankel (1844-1896), un des membres de la Commune de Paris, à la fois souvent cité en raison de sa proximité relevée avec Karl Marx et finalement plutôt méconnu.
La biographie de Julien Chuzeville se révèle sérieuse, documentée, voire minutieuse, tout en restant de taille raisonnable. L’édition est soignée, sobre et élégante, comme sait le faire Libertalia. L’étude biographique proprement dite représente la majorité de l’ouvrage, mais elle est complétée d’un choix de textes, articles, discours et lettres, puis d’un rapide dossier iconographique, d’une bibliographie et d’un index.
Juif hongrois d’origine, issu d’un milieu cultivé et relativement aisé (son père est médecin), germanophone, le jeune Léo Frankel devient ouvrier d’art dans l’orfèvrerie, vite détaché de la religion et même, selon ses dires, de tout sentiment d’appartenance à une patrie particulière. Il parle plusieurs langues et, selon les aléas de l’existence, vit en France, en Allemagne, en Angleterre ou dans l’empire habsbourgeois de sa naissance, devenu en 1867 l’Autriche-Hongrie. Il aime lire, doté d’un caractère plutôt réservé et fait souvent preuve de modestie, tout en étant décidé à se battre pour une société où le travail serait souverain. Il devient tôt militant, notamment dans le cadre de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Il participe à des réunions et écrit beaucoup d’articles, devenant ainsi journaliste et de fait responsable politique.
Sa notoriété aujourd’hui tient beaucoup à son élection le 26 mars 1871 comme membre de la Commune. Celle-ci a lieu dans le 13e arrondissement de Paris, alors qu’il habite le 11e, mais ces déplacements de candidature sont alors fréquents (et le sont restés). Bien entendu, le plus remarquable est que son élection soit validée alors qu’il est de nationalité étrangère. Le texte de la commission qui le propose, admirable de logique et de concision, est reproduit en page 43 : en somme, disposant de la confiance de ses mandants, Léo Frankel se voit reconnu dans tous les droits d’un citoyen de la République universelle. Il prend ou reçoit d’importantes responsabilités, animant la commission du travail où, avec mesure, il défend un point de vue « de classe » conforme aux orientations de l’AIT. Siégeant fin avril à la commission exécutive, il fait figure de « ministre » de la Commune avant de voir son rôle réduit en raison de son appartenance à la minorité hostile au tournant autoritaire pris par la Commune. Ce qu’écrit son biographe sur ce moment historique pourrait être médité. La Commune fut un formidable moment d’avenir et d’anticipation qu’il conviendrait aujourd’hui de ne pas trop mythifier, au rebours de ce que propose parfois une histoire devenue bien sentimentale. Cette rigueur méthodique d’analyse escomptée ne perdrait d’ailleurs rien à s’étendre à l’ensemble du corps politique et social.
Comme d’autres, Frankel échappe à la répression. Il parvient à se réfugier en Suisse, puis en Angleterre. Il intègre le conseil général de l’AIT et participe à sa direction. Proche de Marx, il sait néanmoins conserver son indépendance d’esprit. Il rejoint la Hongrie en 1875 et y milite activement, subissant une répression qui se durcit avec un emprisonnement (1881-1883) très éprouvant pour sa santé. Il vit ensuite à Vienne, puis rejoint la France en 1889. La position qu’il occupe sur le plan politique est originale. Toujours lié à Engels et aux marxistes historiques, il se tient toutefois à l’écart du groupement guesdiste qu’anime aussi Paul Lafargue, un des gendres de Marx. Il se montre particulièrement attaché à l’unité des socialistes, souhaitant même y inclure les possibilistes. Sa pratique politique fait un peu penser à celle du jeune Jaurès. Il collabore à La Bataille de Lissagaray. Ce choix qui étonne un peu son biographe, songeant à ses démêlés passés avec ce journaliste incommode et franc-tireur, se conçoit pourtant aisément : Lissagaray est le premier qui réussit à fédérer une bonne partie des socialistes au sein de sa rédaction. La fonction est reprise en 1893 par La Petite République de Sembat et Millerand, au sein de laquelle Frankel se retrouve aussi occasionnellement. Dans le même état d’esprit, il participe en 1893 à la fondation du Syndicat des journalistes socialistes avec Jaclard, Longuet et quelques autres anciens de la Commune, mais aussi Briand, Millerand, Pelloutier, Guesde et Maurice Sarraut. Il est aussi l’administrateur de L’Ère nouvelle (1893-1894), essai de revue marxiste qui tente de concurrencer La Revue socialiste de Malon. Âgé de 52 ans, il meurt le 29 mars 1896 à Paris, à l’hôpital Lariboisière, d’une pneumonie d’origine tuberculeuse. Dans son testament, il avait désigné comme exécuteurs testamentaires Charles Longuet, gendre de Marx, mais assez indépendant d’esprit, ainsi qu’Édouard Vaillant, avec qui les choix avaient aussi parfois divergé (sous la Commune et dans l’AIT notamment). En somme, ouvrier d’art, intellectuel et militant, Léo Frankel s’était montré intellectuellement marxiste et politiquement attaché à l’union des socialistes comme à tout ce qui faisait avancer la République sociale. Un personnage assurément attachant, qui bénéficie désormais de cette belle et solide biographie.

Référence électronique
Gilles Candar, « Julien Chuzeville, Léo Frankel, communard sans frontières », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 153 | 2022, mis en ligne le 14 août 2022, URL.

Gilles Candar