Le blog des éditions Libertalia

Je vous écris de l’usine, dans Le Matricule des anges

vendredi 11 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Matricule des anges, n° 171, mars 2016.

Ni Dieu, ni maître, mais un patron, ou plutôt une patronne : l’usine. Une mangeuse de vie, une broyeuse d’humanité. Cette ogresse-là, Jean-Pierre Levaray l’a côtoyée, défiée, haïe, et malgré tout aimée puisqu’elle est à la fois la matrice et la matière de ses livres. Embauché à 18 ans, maintenant à la retraite, il fut ouvrier pendant plus de quarante ans dans la même usine d’engrais chimiques près de Rouen, un de ces monstres à bout de souffle que l’on fait tourner quand même, classé Seveso 2, c’est-à-dire à hauts risques.
Ouvrier, militant, Jean-Pierre Levaray est habité par une rage de témoigner, de se revendiquer de la classe ouvrière alors qu’on ne cesse d’entendre dire qu’elle n’existe plus. La bonne blague ! Jean-Pierre Lavaray qui a beaucoup lu Annie Ernaux raconte à la première personne, un je collectif, les accidents, la trouille, l’injustice, le désarroi mais aussi l’élan politique, solidaire, quelque chose de l’amitié. Il faut lire et faire lire Putain d’usine (L’Insomniaque, 2002 ; Agone, 2008), un récit d’autant plus poignant que le genre se fait rare en littérature.
Aujourd’hui, il publie Je vous écris de l’usine. Un recueil de textes publiés chaque mois et pendant dix ans dans CQFD, « mensuel de critique et d’expérimentation sociales ». Dix années de luttes, d’espoirs et de désespoirs sont ainsi retracées « à hauteur d’homme » comme dirait Marc Bernard. S’écoulent ainsi entre rires et révoltes des chroniques miroir de notre société, de notre folle mascarade politique. Décembre 2006 : « Quatre heures du matin, plus qu’une heure à tenir et la nuit sera terminée. » Janvier 2010 : « Dans l’usine c’est un mélange de tristesse et de colère. C’est le cinquième accident mortel pour cette année sur l’ensemble des sites français du groupe Total. » Juillet 2015 : « L’usine me sort par les yeux. Il est temps que je prenne la tangente. »
Le prochain ouvrage de Jean-Pierre Levaray paraîtra fin mai aux Éditions libertaires : Pour en finir avec l’usine. Est-ce possible ?

Trop classe ! dans Le Parisien

mercredi 9 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Trop classe ! dans Le Parisien du 2 mars 2016.

Dans la foule des quelque 10 000 instits de Seine-Saint-Denis, elle ne passe pas inaperçue. Véronique Decker est du genre à ruer dans les brancards. Après plus de trente ans de carrière, cette enseignante a décidé de raconter sa vie de maîtresse dans un livre Trop classe !, qui sort ce jeudi aux Editions Libertalia.

Elle esquive « le pathos et les gémissements » de rigueur sous la plume d’un « prof de banlieue ». La sienne est enthousiaste. « J’ai toujours beaucoup aimé enseigner dans le 9-3 ». Le décor est planté dès les premières lignes. « Je suis venue d’ailleurs mais j’ai choisi de rester ici, d’y vivre, d’y travailler et je voudrais témoigner des plaisirs d’enseigner que j’ai rencontrés. »

Pourtant, difficile de passer à côté des constats accablants qu’elle dresse dans ce livre. Véronique Decker est directrice de l’école Marie-Curie, à Bobigny, « au pied des tours et au cœur des problèmes » de la cité Karl-Marx, entre une avenue du même nom et le boulevard Lénine. « Tout cela, au début, me parlait d’un avenir social radieux », plaisante-t-elle. Ironie du sort, son école, avec la rénovation urbaine, a dû adopter une nouvelle adresse : « Émile Zola ». Il n’y avait pas besoin d’un tel nom pour se sentir, parfois, « directement renvoyé dans le XIXe siècle. »

Directrice d’une école à la pédagogie expérimentale
Dans son école, Véronique Decker a mis en place la pédagogie Freinet. Une méthode où les élèves apprennent « chacun à leur rythme », par « le tâtonnement expérimental » et dans la « coopération ». Par exemple, chaque classe se réunit une fois par semaine en « conseil » pour gérer des projets, des conflits ou encore l’argent de la « coopérative scolaire ». Le « grand conseil des délégués » réunit deux élèves de chaque classe qui viennent avec des propositions de projets collectifs et des critiques. « Une vraie petite République des enfants », décrit la directrice.

Scolariser les enfants des bidonvilles
Dans ses classes, elle a dû scolariser les enfants des bidonvilles du coin. « Je n’ai pas choisi d’avoir des enfants roms dans mon école, précise-t-elle. Les campements se sont construits à Bobigny, plus qu’à Neuilly… » Normalement, la vie comme la racontait Zola, c’était fini, mais ces élèves sont arrivés « avec leur lot de misère, de rats qui mordent les bébés, de Cosette et de Fantine. »
Il y a eu Melisa, brûlée vive dans l’incendie du bidonville des Coquetiers, en février 2014, une expulsion, puis d’autres. À chacune, elle s’est battue « car ce n’est pas la peine d’enseigner la morale si l’on est indifférent aux drames de l’existence ». Véronique Decker a ouvert son école la nuit pour héberger des familles, appeler les médias. Salvi, 10 ans, a tout raconté devant les caméras : la traversée de l’Europe dans les bras de ses parents, l’enfance dans ces camps démantelés, une fois, deux fois, trois fois… Tenter en toutes circonstances de venir tout de même à l’école. Il y a eu des petites victoires et surtout, des échecs dramatiques.

« Je vais partir car ici les reculs sociaux sont d’une violence extrême », écrit-elle dans le dernier chapitre. À 58 ans, « et 167 trimestres », elle demande sa mutation dans une petite ville du Limousin. L’instit syndiquée en profite pour dénoncer « dix ans de régressions au sein de l’Éducation nationale : on manque de tout, de livres, d’enseignants, de subventions, de formation… » Et même, ces quatre ans de rénovation urbaine, « de bruit et de poussière » qui lui ont « abîmé la santé » sans rien réparer du tout, « comme si c’étaient les immeubles qui avaient des problèmes et pas les habitants ! » Alors, elle passe la main avec ce dernier message aux jeunes enseignants : « Syndiquez-vous, ne lâchez rien, formez des générations capables, enfin, de changer le monde ! »

Floriane Louison

Trop classe ! dans La Lettre de l’éducation du Monde

mercredi 9 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Par Luc Cédelle, dans Le Monde-La Lettre de l’éducation du 7 mars 2016.

Au pied des tours et au cœur des problèmes.

Véronique Decker, directrice d’école dans une commune de Seine-Saint-Denis, est un personnage attachant, à la fois totalement non représentatif et absolument représentatif. De la directrice ou de la maîtresse « moyenne », au cas où cet adjectif aurait un sens, elle ne saurait être représentative. Elle réunit en effet une série d’attributs qui, additionnés, font d’elle une super-minoritaire : pédagogie Freinet + militante Sud-éducation + exerçant en milieu réellement difficile + engagée dans la défense du droit à la scolarité des enfants roms. En même temps, sans avoir pris pour cela d’autre décision que celle de rester à son poste et d’agir au mieux, elle concentre sur ses épaules la quintessence des problèmes auxquels l’Éducation nationale doit faire face là où rien n’est acquis d’avance. Enfin, elle incarne aussi à merveille la figure du fonctionnaire à l’exact inverse de la caricature, c’est-à-dire passionnément épris de sa mission et rétif à la hiérarchie lorsque celle-ci manque de courage. Tournées avec faconde et humour (bien que certaines soient tristes à pleurer), ses chroniques de la vie quotidienne de son école sont absolument à lire si l’on veut comprendre quelque chose aux problématiques de l’enseignement dans les quartiers populaires les moins bien lotis.

Luc Cédelle

Je vous écris de l’usine dans Le Monde diplomatique

jeudi 3 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Je vous écris de l’usine dans Le Monde diplomatique (mars 2016).

Auteur de Putain d’usine (2002), qui rencontra un écho exceptionnel pour un témoignage ouvrier, Jean-Pierre Levaray a collaboré durant dix ans au mensuel CQFD. Il y a tenu jusqu’à son départ à la retraite, après quarante ans de travail dans l’industrie chimique, une chronique intitulée « Je vous écris de l’usine ». Il reprend ici l’intégralité de ces articles, qui permettent de comprendre le blues de la classe ouvrière et rendent de leur dignité aux sans-grade. Se mêlent le récit des jours et des nuits à l’usine, dans la réalité la plus prosaïque du travail posté ; les combats syndicaux, les grèves locales ou nationales ; les portraits, souvent bienveillants, parfois cruels, des collègues de travail et ceux, plus acides, de la hiérarchie et des cadres dirigeants ; la maladie omniprésente, et parfois le décès, des copains de boulot, à cause des ravages de l’amiante ; en 2001 la catastrophe d’AZF à Toulouse et ses suites, dans une usine similaire du même groupe ; et les manœuvres de Total pour se dédouaner face à l’opinion et à la justice. [CJ]

C.J.

Trop classe ! dans Le Café pédagogique

jeudi 3 mars 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Trop classe ! dans Le Café pédagogique.
 
C’est quoi enseigner en Seine Saint-Denis ? De nombreux livres catastrophes sont publiés. Le petit livre de Véronique Decker n’est pas optimiste. Mais il raconte trente années d’enseignement dans les quartiers populaires, quinze années de direction d’école à Bobigny, sans mépris et sans ressentiment pour les enfants et leurs parents. Pas de pitié non plus. Mais de la solidarité. De la classe, on vous dit...

« Pour parler de la banlieue sans jamais nommer les pauvres, les Arabes, les Noirs et les Roms qui composent désormais la classe sociale majoritaire en nombre d’habitants, l’État a dû inventer d’exquises circonvolutions de langage… Ainsi il y a des “quartiers”… Les antiracistes s’exclament “mais non ce n’est pas vrai ! il n’y a pas de territoires perdus !” Ben si. Il y a des quartiers où plus rien ne fonctionne bien et où on a perdu les services sociaux de l’État. »

Véronique Decker enseigne depuis trente ans à Bobigny. C’est ce chemin qu’elle raconte dans un petit livre bien écrit, en brossant un tableau composé de petites scènes vigoureuses, touchantes, drôles parfois, qui constituent au final un témoignage unique sur le métier d’enseignant dans le département le plus pauvre de métropole.

« J’ai toujours beaucoup aimé enseigner en Seine-Saint-Denis », écrit-elle. « Je sais, ce que je dis n’est pas à la mode. Il faut se plaindre de nos conditions de travail exceptionnellement dures, des racailles, de la République abandonnée… C’est vrai que c’est difficile, rugueux, complexe… Mais j’aime ces enfants-là. »

Alors Véronique Decker raconte son combat pour que les enfants roms soient scolarisés. Elle raconte aussi que la République est toujours là, notamment avec les conseils d’élèves de son école Freinet : « Les conseils d’élèves, lorsqu’ils disposent de véritables pouvoirs sont notre meilleure garantie de construire un avenir plus juste avec des enfants formés à une démocratie ancrée dans le sol. » C’est toute une philosophie et une pratique de l’école que son livre restitue par petites touches.

Mais quel est le fil ? Très clairement c’est la solidarité. L’ouvrage n’est pas un livre de plus sur la pédagogie Freinet. Ce n’est pas un brûlot syndical sur les revendications du personnel enseignant dans le 93. Trop classe ! est juste le récit d’une solidarité exigeante entre une enseignante et son quartier populaire. C’est juste le vécu d’une femme qui porte réellement des choix éthiques, avec courage mais sans se raconter d’histoires.

Trop classe ! est au croisement de ce qu’est le métier d’enseignant. Un engagement pour une école au service du peuple. Une aventure collective d’adultes. Un chemin personnel sans concessions. Une vie qui brûle.

François Jarraud