Le blog des éditions Libertalia

Le Parti communiste français et le livre

vendredi 20 juin 2014 :: Permalien

Le Parti communiste français et le livre. Écrire et diffuser le politique en France au XXe siècle (1920-1992). Sous la direction de Jean-Numa Ducange, Julien Hage, Jean-Yves Mollier. Éditions universitaires de Dijon, 212 pages, 2014, 18 €.

Chronique parue dans CQFD, numéro du 15 juin 2014.

Le Parti communiste français et le livre

Il y a quelques années, à l’occasion d’un débat organisé sur L’Argent et les mots (La Fabrique, 2010), André Schiffrin faisait remarquer que les structures éditoriales partidaires et syndicales n’existent plus, ou peu s’en faut.
« J’ai connu l’époque où pas une grande réunion du Parti ne se tenait sans “table de littérature” offrant brochures et livres, et où chaque section se devait d’avoir sa petite armoire à livres », déclare le philosophe Lucien Sève, ancien responsable des Éditions sociales de 1970 à 1982, dans l’ouvrage collectif Le Parti communiste français et le livre. Écrire et diffuser le politique en France au XXe siècle (1920-1992).
On sait la place privilégiée – instrument d’émancipation, objet de formation continue – qu’a toujours détenue le livre au sein du mouvement ouvrier international. On connaît moins bien l’histoire de l’édition communiste en France, en particulier depuis 1968.
L’édition liée au PCF a d’abord été marquée par la figure de Boris Souvarine, animateur de la Bibliothèque communiste et de la Librairie de L’Humanité (qui publia jusqu’à 60 titres par an au cours des années 1920). Rapidement repris en main, ce secteur est ensuite divisé en deux entités : le Bureau d’édition, de diffusion et de publicité (BEDP) et les Éditions sociales internationales chargées de diffuser l’œuvre de Lénine, les romans agréés par Moscou, et les textes émanant de dirigeants majeurs (Fils du peuple, de Maurice Thorez, 1937).

Ce n’est qu’à la libération qu’une place essentielle est accordée au livre communiste : en sus des Éditions sociales (ES), une maison d’édition de littérature est constituée (Les Éditeurs français réunis), ainsi qu’une branche spécialisée dans le livre jeunesse (La Farandole). Mais surtout, le Parti se dote d’un réseau de librairies, les Librairies de la Renaissance, qui compte jusqu’à 40 enseignes à son apogée au milieu des années 1970, ainsi que d’une structure de diffusion, le Centre de diffusion du livre et de la presse (CDLP) qui fera faillite à l’orée des années 1980.

À la lecture des différents chapitres et des trois passionnants – mais techniques – entretiens qui constituent cet ouvrage, on est d’abord écrasé par le poids de la diffusion des ouvrages communistes. Alors premier parti de France, le PC, fort de ses relais municipaux et des nombreuses fêtes de l’Humanité départementales, vendait des dizaines de milliers d’exemplaires de la plupart des ouvrages dont il diligentait la fabrication. Pourtant, en dépit de la richesse d’une partie du catalogue, trois points cruciaux, à charge, sont à mentionner : 1) la plupart des acteurs majeurs et communistes du livre ne souhaitaient pas être publiés par les éditions liées au PCF. Louis Aragon animait une collection chez Gallimard, son éditeur ; Louis Althusser, Henri Lefebvre ou Michel Vovelle publiaient leurs travaux ailleurs ; Henri Alleg opta pour un éditeur « bourgeois » lorsqu’il rédigea La Question (Minuit, 1958). Pire encore : les dirigeants communistes, à commencer par Georges Marchais, publiaient chez Grasset. 2) On reste ensuite saisi par l’ampleur de la dette qu’accumulèrent ces structures auprès de leurs imprimeurs est-allemands. Au début des années 1980, Georges Gosnat, trésorier du PCF, négocie un moratoire sur les dettes, qui s’élèvent à l’équivalent de 40 millions d’euros ! Les tirages sont colossaux et la gestion calamiteuse. 3) Enfin, et cela transparaît particulièrement au cours des entretiens avec Lucien Sève et Claude Mazauric, deux anciens responsables des ES (membres du comité central du parti), la liberté éditoriale a de fortes limites. Les éditions du Parti sont chargées de relayer la ligne insufflée par les instances dirigeantes et les travaux les plus ambitieux, notamment la traduction intégrale de Marx, sont souvent considérés avec indifférence, voire avec dédain.
Tout ceci donne le sentiment d’une absence de réflexion globale sur la place du livre au sein du monde communiste. Il n’est donc guère étonnant que l’édifice se soit totalement effondré avec la fin du « communisme réel ». À ce jour, il n’existe plus de maisons d’édition intrinsèquement liées au PCF (mais des éditeurs proches comme Le Temps des cerises et La Dispute), et il ne reste que quatre des 40 librairies que compta le réseau La Renaissance-Messidor.

Nicolas Norrito

Des Basques en guerre

vendredi 20 juin 2014 :: Permalien

Chronique de Guerre à l’État publié dans Alternative libertaire, juin 2014.

Des Basques en guerre

Au début des années 1980, l’État espagnol passe à la deuxième étape de sa « transition démocratique », la période où s’installent vraiment les nouvelles forces capitalistes, avec l’arrivée des socialistes au pouvoir. Mais c’est aussi la période où les bases des luttes et des activités politiques se mettent en place au Pays basque, en particulier en Hegoalde (Pays basque sud). Mais ici, en parlant des différentes luttes et outils militants apparaissant à cette période et toujours présents actuellement, l’auteur parle des luttes autonomes et libertaires, dans une région où sévit la répression des États espagnol et français pour l’Iparralde (Pays basque nord), et où tout est encore a reconstruire politiquement après les années franquistes, ultra-nationalistes et ultra-conservatrices. La répression continue pour tout ce qui est régionalistę, en particulier au Pays basque (avec l’apparition des Groupes antiterroristes de libération).
Le livre fait un bon état des lieux des différents mouvements autonomes et libertaires de ces années-là, des différentes luttes menées. D’ailleurs, chaque chapitre parle d’un thème bien précis, de luttes ou d’outils militants variés (fanzines, processions athées, squats, antimilitarisme, etc.). Le tout finissant par des documents d’archives, de simples articles jusqu’aux bandes dessinées ou caricatures. Ce qui est aussi très intéressant à relever, c’est comment l’auteur montre une confrontation, non seulement avec les États espagnol et français, mais aussi avec le Parti nationaliste basque (PNV), conservateur et contrôlant la police locale (Ertzainza), et une gauche abertzale qui veut être hégémonique sur les luttes progressistes. Pour finir, je dirais qu’il explique pas mal de spécificités des dynamiques politiques au Pays basque, par exemple sur les gaztetxes (foyers déjeunes autogérés), ou le mouvement de libération des prisonniers politiques basques

Otxoa, AL Montpellier

« Mes principes guerriers me l’interdisent »

mardi 17 juin 2014 :: Permalien

C’est l’un des textes les plus forts sur la guerre d’Espagne.
Écrit par Mika Etchebéhère (1902-1992), une femme qui dirigea une colonne du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) en 1936-1937.
On y croise des minoritaires, des anarcho-syndicalistes et des marxistes antistaliniens, tous habités par la conviction d’imminents lendemains qui chantent.
Rédigé en langue française par une internationaliste argentine qui a fini ses jours à Paris, ce livre vient d’être réédité par les éditions Milena, qui signent là leur premier ouvrage.
La première édition date de 1975, le livre avait alors été publié par Denoël. Puis il a été republié en format poche par Actes Sud en 1999, dans la collection « Babel Révolutions », sans le moindre appareil critique.
C’est un livre que Libertalia aurait rêvé de rééditer.
Mais c’est pour nous une grande joie que de le voir si joliment traité.
Outre des photos inédites et une lettre de Julio Cortázar en fac-similé, l’ouvrage est vendu avec un intéressant documentaire de 80 minutes (réalisé en 2013 par Fitot Pochat et Javier Olivera.) — Disponible sur notre librairie en ligne.
En voici un extrait. Bonne lecture !

« Sitôt la femme partie, je me dis que j’aurais dû l’accompagner jusqu’au métro, rester là, partager avec les miens cette nuit d’épouvante au lieu d’aller raconter notre guerre à un étranger, venu là seulement pour regarder cette terre ensanglantée. Puis les obus cessent. Des sirènes d’ambulances et de pompiers annoncent que la mort et le feu mordent le corps de la ville. Je n’irai pas au métro, je ne retournerai pas à la caserne, je tremble de froid et de terreur, je ne réussirais pas à dormir, j’irai voir le journaliste français.
“En voyant l’heure passer j’ai cru que tu ne viendrais pas, dit-il en venant à ma rencontre dans le hall de l’hôtel. J’ai demandé qu’on nous laisse de quoi souper, allons donc manger.”
Depuis le commencement de la guerre c’est la première fois que je vois des nappes blanches, des garçons comme en temps de paix, des gens assis autour de tables du passé, qui parlent et mangent comme avant les bombardements. Il y a quelques officiers et même de simples miliciens. Des planqués, diraient les nôtres, ou peut-être des gens qui ont de l’argent. Je suis sur le point de le demander au garçon qui vient nous servir, mais sans doute vaut-il mieux ne pas chercher à le savoir. De toute façon je ne pense pas revenir ici. Je suis gênée par les regards qui se fixent sur les trois étoiles que je porte accrochées à mon blouson de luxe.
“J’ai oublié d’ôter mes insignes, dis-je au journaliste. Ces messieurs doivent croire que je suis une capitaine à la gomme sortie de quelque ministère.
— On voit à ton visage que tu reviens du front, dit-il. Tu as la peau comme du cuir tanné et une sorte d’arrogance dans l’allure peu commune à l’arrière-garde. C’est naturel que ton orgueil de combattante te colle à la peau. De toute façon j’imagine que tu te moques de ce que les gens pensent de toi.
— Tu te trompes, j’en fais plus de cas que je ne le voudrais. C’est une faille de mon caractère, une faiblesse, si tu préfères. La plus légère manifestation de méfiance ou d’hostilité me blesse, pis encore, m’humilie comme une offense insupportable. Au fond je suis une faible femme sans défense. C’est la pure vérité, mais je ne devrais pas te l’avouer. Je parle plus qu’il ne le faut à cause de la chaleur et du vin, c’est sûr. Changeons de sujet. Demande-moi ce que tu as envie de savoir.
— Avant tout, dit l’homme en me regardant dans les yeux, savoir pourquoi tu te moques de moi.
— Tant pis pour toi si tu crois que je me moque. Tu pensais me voir réagir en homme. Tu as peine à croire que je suis vulnérable parce que ma situation au front, à la tête d’une compagnie d’hommes, contredit ce que les gens définissent comme féminin. Laissons donc cela, je n’ai pas envie d’en discuter davantage.
— Au risque de te gêner, je veux te demander une chose que je crois importante.
— Je sais, tu es comme tout le monde, tu veux savoir si cela ne me crée pas de problèmes de type, disons, sentimental ; si je n’ai pas à repousser des propositions, des insinuations ou des tentatives amoureuses. C’est bien cela ?
— Oui, c’est ce que je voulais dire.
— Alors je te réponds catégoriquement : jamais.
— En as-tu parlé quelquefois avec les miliciens ?
— Jamais. Ç’aurait été une erreur de ma part, et de plus une faiblesse. Pour eux je ne suis ni femme ni homme. Le climat qui s’est créé entre nous est né de ma conduite […].
— Maintenant une autre question, peut-être banale, qu’on t’aura posée souvent. Tu n’as jamais eu peur ?
— J’ai toujours eu peur, mais pas dans ma tête ni dans mes jambes : dans mon estomac, surtout au début d’un combat, quand éclatent les premiers obus, surtout les obus d’avions. Ils sont parfois pires que les coups de canon, surtout dans une tranchée, et l’avion jouit d’un prestige sinistre auquel il est difficile de se soustraire. Aux premiers jours de la guerre un seul avion ennemi survolant le terrain du combat suffisait à provoquer la débandade parmi les miliciens. C’est que nous n’avions rien, pas même des fusils en nombre suffisant. Maintenant c’est un peu mieux, grâce à l’Union soviétique, mais de rudes moments attendent la petite unité du POUM. La presse communiste attaque l’organisation. Ses calomnies sont un affront à nos combattants qui ont vu tomber tant de leurs compagnons dès les premiers jours de la guerre. Il est très douloureux de voir s’achever la fraternité qui est née avec le mouvement révolutionnaire, et de voir que la révolution elle-même perd du terrain.
— Mais en Espagne le Parti communiste n’est pas l’organisation la plus forte. Le Parti socialiste avec sa puissante UGT, la CNT-FAI avec ses masses anarchistes peuvent fort bien l’empêcher d’imposer sa loi et de détruire le POUM, en dépit des ordres de Moscou.
— Avant le 18 juillet, le Parti communiste, face aux autres organisations ouvrières, représentait peu de chose, presque rien. Mais trois jours après il s’est mis à encadrer les milices avec un sens de la discipline et de la propagande qui s’inspirait des méthodes de l’Internationale communiste. À ces premiers galons se sont ajoutés ceux qu’ont gagnés les avions russes luttant dans le ciel de Madrid contre l’aviation fasciste qui incendiait et assassinait la ville. Maintenant la Russie nous envoie des tanks, des canons, des mitrailleuses. La Russie est notre providence et son porte-drapeau le Parti communiste. Seulement, avec les armes soviétiques viennent les sinistres méthodes staliniennes, les fabricants de calomnies, les « tchékistes » qui obtiennent des « aveux »…
— Cela n’explique pas la soumission de toutes les autres organisations ouvrières qui ont pris les armes pour lutter contre le soulèvement fasciste.
— Elles ont pris les armes, oui, mais pas le gouvernement. Et remarque bien que je dis le gouvernement pas le pouvoir, parce qu’en réalité elles ont instauré un pouvoir révolutionnaire dans les premiers jours et même les premières semaines. Mais elles ont laissé le gouvernement entre les mains des mêmes politiciens bourgeois qui n’ont pas su faire face à la conspiration militaire (que tout le monde voyait venir) par peur de renforcer le courant révolutionnaire qui circulait dans tout le pays. Même au dernier moment le gouvernement a caché la gravité de la situation parce qu’il espérait pouvoir négocier avec les généraux soulevés et éviter de donner des armes aux travailleurs. Quand les travailleurs ont obtenu leurs premiers fusils ils ont oublié le gouvernement, préoccupés seulement par l’immédiat : étouffer les foyers fascistes, former les milices… Et le gouvernement n’a pu l’empêcher…
— C’est vrai, il ne l’a pas pu. Mais dix jours après il a essayé de prendre le contrôle des forces révolutionnaires en payant dix pesetas par jour chaque milicien. Je ne sais pas si tu as une idée de ce que représentait cette somme pour les ouvriers et les paysans qui n’avaient jamais gagné pareil salaire. Même dans notre colonne, qui comptait plusieurs militants politiques, nous ne sommes pas parvenus à faire repousser ces dix pesetas par nos miliciens. Les syndicats et les partis ont annulé en partie la manœuvre du gouvernement en exigeant que la paie des milices leur soit versée à eux pour qu’ils fassent, eux-mêmes, la distribution […]. En attendant, il n’y a d’autre solution que de continuer à combattre comme nous sommes et avec le peu que nous avons : peu d’armes, peu de cadres, peu de vêtements et très peu de science militaire. Je n’ai plus envie de parler. La journée a été longue, j’ai besoin de dormir, adieu.
— Tu pourrais rester dormir ici.
Ici, avec toi ?
Pourquoi pas ? Tes principes te l’interdisent ?
— Oui, mes principes guerriers me l’interdisent.
— Parce que tu crois que dans l’article que je vais écrire je vais dire que j’ai couché avec une capitaine qui commande des forces sur le front de Madrid ?
— Même si tu ne le dis pas, même si personne ne le sait, pas même mes miliciens, cela rabaisserait d’une certaine manière, salirait même la cause que je sers. Ne me regarde pas avec cet air de moquerie ou de pitié, ne crois pas que je me prenne pour Jeanne d’Arc ou que je m’impose une règle de vie monacale. Mon attitude n’a rien à voir avec la morale bourgeoise : elle concerne le personnage que j’incarne pour les miliciens de ma compagnie, pour tous ceux qui m’entourent et même pour toi.
Alors tu t’imagines que si tu passais la nuit avec moi, tu baisserais dans mon estime ?
— Je suis sûre que oui. Je n’ai pas la force cette nuit de t’expliquer par quels chemins tortueux l’image que tu emporterais de moi se banaliserait, s’abaisserait à la taille d’une aventure pittoresque dans l’Espagne rouge avec une capitaine que tu mets dans ton lit quand tu l’as décidé. Tu me répondras, je sais bien, que je donne une importance démesurée à quelque chose qui n’en a aucune, que je me donne à moi-même une fausse importance en voulant à tout prix que tu me prennes pour un être exceptionnel.
— J’espère au moins ne pas t’avoir offensée. La seule chose peut-être que tu puisses me reprocher c’est d’avoir voulu te traiter simplement comme une femme semblable aux autres femmes, en oubliant en effet que tu es exceptionnelle.”

Il est deux heures du matin quand j’arrive à la caserne. Derrière la porte entrouverte, dans le large hall, en plus des deux miliciens de garde, je vois assis par terre et fumant trois de nos vieux et quatre ou cinq jeunes.
“Que se passe-t-il, pourquoi êtes-vous réveillés ?
— Rien, on t’attendait. On croyait même que tu ne viendrais pas dormir, tu aurais pu…”
Les voix deviennent indécises, comme gênées, cherchant une explication difficile à exprimer. Je ne recueille pas la méfiance, je ne revendique pas une indépendance parfaitement naturelle et qu’il leur en coûterait de discuter.
“Si j’avais pensé ne pas rentrer dormir, dis-je seulement, j’aurais averti avant de m’en aller. Et si quelque chose de grave s’était produit vous saviez bien que j’avais rendez-vous avec le journaliste à l’Hôtel Gran Vía.”
Ni eux ni moi ne faisons allusion au motif qui aurait pu me faire dormir ailleurs qu’à la caserne. Hypocrisie ? Je dirais précaution. Entre eux et moi il existe un terrain commun, la lutte, la solidarité, la dure loi du combat. Au-delà il y a une zone obscure où nous nous mouvons, eux et moi, à pas prudents, comme si nous marchions au bord d’un puits mal fermé. Ce qui dort ou s’agite dans les eaux de ce puits nous concerne eux et moi, mais par un accord tacite nous ne regardons pas à l’intérieur du puits. Cela n’est pas nécessaire non plus. L’essentiel est clair entre nous. Si j’étais restée dormir avec le journaliste français quelque chose se serait troublé. L’homme ne pouvait le comprendre parce qu’il n’est pas espagnol.
La voix du vieux Servando coupe un silence qui dure plus qu’il ne le faut :
“Ne va pas croire que nous t’épions. Tu es tout à fait libre de faire ce que bon te semble. Nous sommes restés debout parce qu’un ordre aurait pu arriver et qu’il aurait fallu aller te chercher.
— Bien sûr, je le sais. Eh bien, bonne nuit à tous. Heureusement qu’aucun ordre n’est arrivé, nous avons besoin de nous reposer. Espérons qu’on nous laissera tranquilles quelques jours.” »

Tenir la rue, lu par Gérard Delteil dans L’Anticapitaliste

mardi 17 juin 2014 :: Permalien

Dans L’Anticapitaliste, le journal du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), le romancier et militant Gérard Delteil propose une intéressante recension de l’ouvrage de Matthias Bouchenot.
C’est d’ailleurs Gérard Delteil qui animera le débat qui se déroulera à la librairie La Brèche (Paris 12e) ce jeudi 19 juin à 19 heures.
Si vous ne pouvez y être, ne manquez pas son dernier (et excellent) roman Les Années rouge et noir, une fiction qui emprunte grandement à la vie du sinistre Georges Albertini (1911-1983), passé de la Collaboration aux cabinets ministériels de G. Pompidou (nous y reviendrons).

Tenir la rue. L’autodéfense socialiste

La violence des affrontements qui opposèrent pendant la période de l’entre-deux-guerres les organisations fascistes et les partis ouvriers a souvent été occultée. La mémoire collective n’a généralement retenu que les émeutes fascistes de 1934 et la victoire du Front populaire en 1936. Matthias Bouchenot s’est penché sur les organisations mises sur pied par la SFIO et le PC pour riposter aux agressions d’une extrême droite alors puissante et encouragée par la prise de pouvoir des Chemises noires de Mussolini en Italie en 1922, puis par les nazis en Allemagne en 1933. La question se posait donc de savoir si l’Hexagone ne risquait pas de subir le même sort et comment faire face à cette menace. Les socialistes comme les communistes constituèrent donc des groupes d’autodéfense qui firent l’objet d’âpres discussions et polémiques au sein de ces partis. Alors que les dirigeants réformistes de la SFIO ne voulaient leur donner qu’un rôle purement défensif, pour protéger les manifestations, meetings, diffusions, les tendances les plus radicales, dont celles qui devaient former le PSOP de Marceau Pivert ou rejoindre le mouvement trotskiste, entendaient former des embryons de milices ouvrières susceptibles, non seulement de rendre coup pour coup aux fascistes, mais de préparer la prise de pouvoir révolutionnaire. Léon Blum, avant de parvenir au gouvernement en juin 1936, faisait partie des dirigeants socialistes qui préconisaient un rôle offensif et même révolutionnaire pour ces milices ! Ce qui n’empêcha la police du gouvernement de Front populaire de tirer sur les manifestants qui voulaient interdire un meeting du Parti social français à Clichy le 16 mars 1937, faisant cinq morts, dont une jeune militante des TPPS, et 300 blessés…
Les Jeunes Gardes socialistes, les TPPS (Toujours prêts pour servir) liés à l’aile gauche de la SFIO et les Groupes de défense antifasciste du PC ne formeront jamais de véritables milices ouvrières, mais parviendront à interdire les quartiers populaires aux fascistes et même à les mettre en échec au Quartier latin où ils faisaient la loi dans plusieurs facultés à coups de canne plombée.
Au moment où l’extrême droite relève la tête en Europe, ces expériences méritent réflexion. Le livre de Matthias Bouchenot nous apporte une informations particulièrement riche, non seulement sur la politique et l’idéologie mais sur la composition sociale de ces organisations, ce qui permet, entre autres, de constater que le Parti socialiste d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec la SFIO des années 1930. Reste une question que Bouchenot ne soulève pas : suffit-il de créer des organisations de type paramilitaire pour vaincre le fascisme ? Or l’expérience a montré qu’il fallait aussi avoir une alternative politique à proposer à la classe ouvrière et à la petite bourgeoisie, notamment en Allemagne et en Autriche où les milices social-démocrates qui faisaient défiler des dizaines de milliers de militants en uniforme n’ont pu empêcher la victoire du nazisme…

Gérard Delteil

Sur la pensée critique, émancipatrice et altermondialiste de John Holloway

mercredi 11 juin 2014 :: Permalien

Le séminaire de recherche libertaire et militante ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation) a consacré sa huitième séance à John Holloway (Changer le monde sans prendre le pouvoir, Crack Capitalism. 33 thèses contre le Capital) autour du thème « Sur la pensée critique, émancipatrice et altermondialiste de John Holloway »

Vidéos de Thierry Le Roy, Télé Sud Est.

Intervention
d’Hervé Guyon

Intervention
de Philippe Corcuff

Intervention
de John Holloway