Le blog des éditions Libertalia

Il y a cent ans mourait Jack London, le trimardeur des lettres

mardi 22 novembre 2016 :: Permalien

Né à San Francisco dans un milieu modeste en 1876, Jack London est l’un des principaux précurseurs d’Ernest Hemingway et de Jack Kerouac ; l’un des auteurs les plus lus au monde. Il incarne tour à tour le dernier écrivain de la Frontière, le chantre des grands espaces, le héraut révolutionnaire, le self made man à l’américaine, mais également, en ses dernières années, un certain type de bourgeois aigri, raciste et misogyne.
On lui attribue cette phrase, véritable credo romantique, qui éveille immédiatement l’imaginaire et donne envie de lever les voiles : « J’aimerais mieux être un superbe météore, chacun de mes atomes irradiant d’un magnifique éclat plutôt qu’une planète endormie. La fonction de l’homme est de vivre et non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie, je veux brûler tout mon temps. »
Ayant quitté l’école à l’âge de 14 ans pour subvenir aux besoins de sa famille, Jack London a fait tous les boulots : balayeur, vendeur de journaux, manutentionnaire dans une conserverie. Las de se faire exploiter, il devient pilleur d’huîtres, puis chasseur de têtes (voir Tales of the Fish Patrol), et enfin trimardeur. Répondant à l’appel du Grand Nord, il part au Klondike, y glane quelques pépites d’or, attrape le scorbut et revient surtout avec de belles histoires à raconter. Dès lors, Jack devient un professionnel des lettres. Pas toujours en esthète, mais en laborieux gars d’en bas qui se voudrait rapidement en haut de l’affiche. Chaque jour, il écrit mille mots. Il envoie ses nouvelles à la presse pour prépublication, avant d’être édité chez Macmillan, une grosse maison new-yorkaise. Les succès s’enchaînent : L’Appel de la forêt, Croc-Blanc, Martin Eden… Certaines de ses nouvelles sur le Grand Nord ou la boxe (il affectionne le genre court) sont plébiscitées par le public : Construire un feu ; L’Enjeu.
Jack London est aussi un militant. Il a rejoint le Socialist Labor Party en avril 1896. Il se présente aux municipales à Oakland, écrit des textes pour la presse ouvrière, et surtout un grand récit d’anticipation qui a marqué l’histoire de la littérature sociale : Le Talon de fer (The Iron Heel, 1908).
Dès 1905, se rêvant en gentleman farmer, l’homme engloutit ses droits d’auteur dans un domaine de plus en plus démesuré, à Glen Ellen, dans la vallée de Sonoma. Il y expérimente les techniques les plus modernes et se fait construire une maison gigantesque en pierre volcanique : la Wolf House. À l’été 1913, un incendie anéantit la construction somptueuse et brise définitivement le moral de l’écrivain. Sa vie n’est plus qu’un lent cheminement vers la mort. Il se réfugie dans l’alcool, écrit de mauvais récits (à l’exception notable de John Barleycorn) et meurt d’urémie le 22 novembre 1916, à 40 ans. Cent ans après, il est temps de le lire et le relire !

Nicolas Norrito

Benjamin Péret, sur le site À contretemps

lundi 21 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension de Benjamin Péret. L’astre noir du surréalisme (Barthélémy Schwartz) publiée en novembre 2016 sur le site À contretemps.

Péret, liberté couleur d’homme

La trajectoire de quelques surréalistes historiques le prouve assez : la littérature est bien, comme le nota Breton, l’ « un des plus tristes chemins qui mènent à tout », et d’abord au reniement des intentions premières. A contrario, celle, nettement anti-littéraire, qu’emprunta Benjamin Péret, son ami de toujours, ne le conduisit, pour son honneur et sans rien y gagner, qu’à maintenir infiniment vivante la flamme initiale du surréalisme. S’il est des héritages qu’il est préférable de liquider, celui que nous laissa l’intransigeant auteur de Je ne mange pas de ce pain-là constitue sans doute l’une des preuves les plus vivantes que la liberté peut avoir couleur d’homme. Péret n’eut d’attaches que celles qu’il se donna volontairement dans des sphères séparées où sa « frénésie de l’ombre » (Péret) trouva à s’employer sans mesure.

Astre noir et encre violette…

Le livre de Barthélémy Schwartz s’attache à évoquer la parabole très atypique de cet « astre noir » du surréalisme. « Astre noir », nous dit-il, parce que sa colère de vivre, essentielle composante de son être, ne pouvait, à terme, que contrarier le désir de reconnaissance culturelle dont était porteur le mouvement surréaliste. Autrement dit, sa force de dynamitage, son irrespect, son goût de l’outrance, son attirance même pour la marginalité devaient, par force, l’éloigner du « centre » de la galaxie surréaliste, situation que, par ailleurs, il ne convoita jamais malgré la très vive amitié que lui témoignait Breton, son grand magnétiseur. Au vrai, « astre noir » ou pas, Péret l’extrémiste avait peu d’appétence pour les rituels et quelque don pour alterner les solitudes et les fraternités. En fait, il était d’ailleurs, et on peut admettre qu’il s’y trouvait toujours mieux.

Il est possible, comme l’avance l’auteur de ce livre, qu’une certaine « insolence de classe » (p. 17) à fonction contrariante se soit manifestée, chez lui, dès le début, et avec quelques conséquences négatives (pour lui), vis-à-vis des bien-nés du dadaïsme et futurs surréalistes qu’il fréquenta à son arrivée à Paris. Dans le lot et en retour, quelques-uns d’entre eux le tinrent, en effet, à l’écart. Comme une pièce rapportée qui dérange le bel ordonnancement des convenances admises. Pas sûr, cela dit, que l’appartenance « de classe » y fût pour quelque chose. La différence venait plus probablement d’ailleurs : d’un ton volontairement abrupt, d’une violence rarement contenue, d’un refus du compromis, d’un maximalisme assumé. Benjamin avait l’insolence à fleur de peau, le caractère difficile et le goût de l’invective. Et depuis toujours.

Né à Rezé, près de Nantes, le 4 juillet 1899, d’un père petit fonctionnaire, qui mourut jeune, et d’une mère issue de la haute bourgeoisie, que les siens répudièrent pour mésalliance et qui finit bigote et vendeuse de magasin, le jeune Benjamin manifesta très tôt un goût prononcé pour les espiègleries. Porté par le vent d’Ouest de ses premières révoltes, il conchia la famille – qui finit elle-même par le rayer de son existence –, voua, pour des raisons qui demeurent inconnues, une haine inextinguible aux curés. Aux militaires aussi, mais là on comprend mieux : sa mère l’avait placé comme enfant de troupe. Dada fut sa planche de salut et le surréalisme sa délivrance. Au sens propre, c’est-à-dire en vivant cette double aventure comme une véritable expérience de libération. Intensément et sans limites.

Le reste, c’est l’histoire commune des origines du surréalisme des premiers temps. L’écriture automatique, d’abord, que Péret fut probablement le seul de la bande à prendre au sérieux et à pratiquer avec constance et naturel. Sur ce point, essentiel, Barthélémy Schwartz apporte des précisions, des témoignages aussi qui tous s’emploient à décrire l’urgence qu’éprouvait Péret quand jaillissait l’image et qu’il s’agissait, pour lui, de la transcrire très vite et sans rature de sa fine écriture à l’encre violette. Pour l’auteur de Je sublime, note Schwartz, l’automatisme relevait surtout « d’un moyen de désinhiber sa pensée et de contourner les contraintes sociales qui interdisaient l’appropriation libre, et par tous, des ressources inexplorées du langage » (p. 37). Ce mode, il ne s’en déprendra jamais ; il en fera même sa marque poétique, une marque qui ne retint pas toujours l’attention en son temps, mais qui fait révélation, pour qui s’y plonge aujourd’hui, d’une poésie à nulle autre pareille par ses rapprochements étranges, son bestiaire, son mélange de mots à visa et de mots sans-papier, sa jubilante prédisposition au paroxysme expressif, sa totale liberté. Si « toute poésie est poésie parce qu’elle échappe à l’explication » (Michel Carrouges), celle de Péret – dont Barthélémy Schwartz a raison de recommander sa lecture à haute voix et « en prenant un ton narquois et insolent » (p. 64) – se dérobe à toute comparaison. Elle buissonne dans les charbons ardents des premiers jours qu’aucune prise d’âge ne transforme en cendres. C’est son miracle. La « petite anthologie » réunie en fin d’ouvrage (pp. 255-313) en fait preuve, et sacrément concluante.

Dévorante politique…

Breton s’inquiétait, en 1942, alors qu’il était à New York et Péret à Mexico, du temps, bien trop important à ses yeux, que son ami Benjamin consacrait – en militant révolutionnaire, de surcroît – à la dévorante politique. Pour Breton, la cause était entendue depuis longtemps : il n’y avait à attendre d’elle que « déception » et « arbitraire » [1]. Pour Péret, en revanche, la politique ne pouvait « laisser qui que ce soit d’entre nous indifférent » [2]. Cette question de l’implication politique de Péret occupe une part d’autant plus importante de ce livre [3] que, comme le note opportunément Barthélémy Schwartz, « pour Péret, l’objet à abattre, c’était le cœur même de la société existante, l’exploitation par le travail et les idéologies qui déguisent le malheur en bien-être, empêchant l’appropriation par tous de la vraie vie » (p. 38).

Communiste avant les autres (début 1926), Péret était sur le point de quitter le parti quand ses amis surréalistes, certains d’entre eux du moins – dont Breton – décidèrent d’y entrer, un an plus tard. À cette date, il avait déjà fait le tour de la question et s’apprêtait à aborder d’autres rivages, ceux de l’Opposition de gauche (trotskiste) pour être précis, mais déjà sur une base critique. Au fond, le « mousquetaire Péret » (Victor Castre) était surtout marxiste, ce qu’il demeura sa vie durant, mais pas commodément homme de parti.

Tout est dit ou presque, désormais, sur les rapports étranges que les membres du groupe surréaliste qui adhérèrent au parti en 1927 prétendirent établir avec les communistes [4]. Ils étaient bien fondés, comme le souligne Barthélémy Schwartz, sur l’idée, évidemment improductive, d’une séparation « des domaines respectifs de compétences (aux surréalistes les choix culturels, aux “révolutionnaires professionnels” les choix politiques » (p. 111), la ligne générale en somme. Cette aspiration à une telle séparation des tâches fondant une possible complémentarité ne pouvait, évidemment, se solder que par une course à l’échec que l’inévitable échec confirma dans les grandes largeurs. Devenu, dès lors, l’avant-garde de leurs propres illusions, les surréalistes anciennement ralliés s’en retournèrent à leur domaine de prédilection, celui des choses de l’esprit où les voyants sont censés voir ce que le commun ne peut qu’ignorer. Changer la vie (leur vie) se révélait plus facile que transformer le monde, surtout d’un même mouvement.

« C’est ici qu’apparaît, en creux, indique Barthélémy Schwartz, l’originalité de Benjamin Péret au sein du surréalisme » (p. 115) : son aptitude à « dépass[er] la problématique surréaliste de la spécialisation intellectuels/militants […] en devenant lui-même doublement spécialiste, à la fois de l’expression poétique et de la révolution sociale » (p. 119). La manière de le dire n’est pas forcément la plus heureuse, mais elle vise juste. Péret, comme militant, ne fit jamais valoir sa qualité de surréaliste et, par un juste retour des choses, n’accepta jamais, comme surréaliste, l’idée de poésie militante. C’eût été, dans les deux cas, pour lui, incongru et déshonorant. Il vécut donc, séparément et avec la même intensité, ses « vies parallèles », complémentaires ou discordantes, de poète et de militant politique.

Cette méthode du « décalage » n’est pas propre, cela dit, comme le rappelle Barthélémy Schwartz, à ces deux domaines d’activités. Elle participe, chez Péret, d’une prédisposition générale à cloisonner sa vie, à apparaître ou à disparaître au gré de ses passions d’un instant, amoureuses le plus souvent. C’est ainsi, par exemple, que son départ pour le Brésil, en 1929, avec la cantatrice Elsie Houston – qu’il venait d’épouser – ne fut pas claironné. Il voulait la suivre et l’aurait suivie au bout du monde. Sans comptes à rendre ni permissions à demander. Il n’y a rien, chez lui, du dilettante, du picoreur : quand il s’engage, en poésie, en politique, en amour, c’est toujours pour de vrai, à fond, sans mollesse. Même si son être profond doit en pâtir. Car rien ne saurait attendre de ce qui presse. Et tout presse pour Péret, surtout quand la révolution s’en mêle.

Dans le labyrinthe espagnol

Le 2 août 1936, Benjamin arrive dans Barcelone insurgée avec une délégation du Parti ouvrier internationaliste (POI) et du Bureau du mouvement pour la IVe Internationale. Il y est accompagné de Jean Rous et de Pierre Sabas. Ses amis surréalistes, en revanche, n’ont pas été prévenus de sa décision. Il a juste confié, par lettre, à Breton qu’il souhaitait « participer à la musique » [5]. Dans son cas, la démarche ne relève pas du tourisme révolutionnaire : il rejoint l’Espagne avec le désir de prendre part, d’être de la fête, d’en découdre et, éventuellement, d’y mourir « dans l’air glaçant qui s’avance en parade » [6]. Dans une lettre du 11 août à son amie Marcelle Ferry, sa conviction est faite : « Je vais rester ici jusqu’au bout. » Un bout impossible à prévoir.

Barthélémy Schwartz décrit sans emphase cet instant éphémère où, dans l’effondrement d’un monde, s’inaugure un nouvel espace-temps de l’espérance et de l’imaginaire. Cette sobriété déroutera sûrement certains lecteurs que l’Espagne en révolution porte naturellement au lyrisme. Elle tient, d’après nous, au fait qu’attaché à suivre les pas de Péret, surréaliste et trotskiste en terre d’Espagne, son biographe tente de restituer, au plus près de ses propres convictions (celles de l’auteur), le dédoublement qu’y éprouva son personnage. Car le décalage est ici majuscule entre le fait que Péret vit, en cette terre de promesse, ce que, comme poète surréaliste, il voulait voir – des églises incendiées, des curés fascisants passés par les armes, une ferveur révolutionnaire inégalée, tout ce qu’il aimait en somme – et ce que, comme militant trotskiste, il ne voulait pas voir, à savoir que les partisans de Trotski n’avaient, en Espagne, d’existence qu’infinitésimale, y compris au sein du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) auquel il avait naturellement adhéré. Dans cette permanente dualité entre la naturelle sympathie que Péret ressentit pour une révolution sociale en marche – même de façon bancale – et ses incessantes critiques ou considérations sectaires de « bolchevik-léniniste », on ressent un écart pour le coup intriguant, réellement dérangeant et qui brouille l’image d’un personnage dont il faut bien admettre, contre Barthélémy Schwartz, que les qualités d’intransigeance qu’il manifesta, comme poète surréaliste, se muèrent, pour ce qu’il en est du labyrinthe espagnol, en surréel aveuglement.

C’est notamment le cas quand, écrivant à Breton le 5 septembre 1936, Péret estime, alors qu’il lui suffit d’ouvrir la fenêtre pour que se dissipent ses illusions, que « le rapport entre eux [les anarchistes] et nous [le POUM en Catalogne] est de 3 à 1, ce qui n’est pas excessif et dans les circonstances actuelles peut facilement changer ». Ou encore quand, dans la même missive, il assure, alors que la contre-offensive restauratrice était déjà en marche, que les staliniens n’auront jamais le pouvoir de « saboter la révolution ». On pourrait encore pointer, à titre d’exemple, son incapacité à saisir en quoi cette « pagaille anarchiste » qui le choqua tant, contribua, pour beaucoup, à faire sauter, du jour au lendemain, presque tous les verrous de l’oppression. Et s’étonner, en parallèle, qu’il n’accordât pas la moindre importance à ce qu’il fallait d’abord voir : le grand mouvement de collectivisation et de gestion directe des terres et des usines qui naquit précisément de cette « pagaille ». Drôle d’aveuglement, vraiment, sur lequel Barthélémy Schwartz demeure étrangement peu loquace. Comme si son évidente sympathie pour Benjamin le privait de tout jugement critique sur les difficultés du très bolchevik Péret à saisir, malgré son appartenance au POUM, la singularité même de la révolution espagnole, à savoir son inscription dans un imaginaire totalement étranger au marxisme-léninisme. Pour le coup, on préférera toujours la manière d’Orwell, celle d’un homme qui apprit de l’événement et dont l’événement modifia le cadre de pensée, à celle d’un Péret qui partit d’Espagne comme il y était venu, avec ses mêmes convictions inentamées de trotskiste orthodoxe.

Il faudra, en effet, du temps pour que s’insinuent, chez Péret, les premiers doutes et plus encore pour que « l’astre noir du surréalisme » évolue, au côté de son camarade Grandizo Munis [7], figure du trotskisme ibéro-mexicain, vers des positions maximalistes « ultra-gauche », mais toujours léninistes. Ce qui, par ailleurs, ne changera rien à son rapport toujours distant à l’anarchisme dont la révolution espagnole, écrira-t-il en 1956, avait signé la « faillite » [8]. Étrange distance, au demeurant, quand on sait que Péret s’engagea, en novembre 1936, dans le bataillon Nestor-Makhno de la colonne Durruti, qui fut, comme nombre de structures syndicales de la Confédération nationale du travail (CNT) d’alors, de sûrs refuges pour les quelques trotskistes et les plus nombreux marxistes révolutionnaires du POUM pourchassés par la contre-révolution.

Pour Péret, le bout de l’aventure précéda de peu les événements de mai 37 et le triomphe de l’ordre nouveau stalino-républicain. Juste avant, il était rentré en France, avec Remedios Varo, peintre surréaliste proche des anarchistes, qu’il épousa lors de son futur exil mexicain.

Les mondes d’avant contre la « société barbare »

Péret ne fut pas un voyageur par goût des lointains, mais par nécessité. Du genre plutôt casanier, ce qui le poussait vers l’ailleurs avait toujours à voir avec l’impondérable : l’amour, la révolution ou l’urgence de sauver sa peau. Mais, quand on est curieux, le voyage a toujours cette vertu d’ouvrir l’esprit. Comme l’indique Barthélémy Schwartz, la découverte de la négritude au Brésil – où il séjourna de 1929 à 1931, puis retourna en 1955 – provoqua, chez lui, un authentique « choc poétique » (p. 96), une commotion de l’entendement – une « révélation » d’un inattendu, dit Péret. Dès lors, il s’intéressa de près, en poète ethnologue, aux religions africaines du Brésil et, plus particulièrement, aux curieux phénomènes de transe que le candomblé et la macumba étaient capables de susciter chez leurs adeptes. On pourrait s’étonner qu’un athée si radical que Péret ait pu se passionner à ce point pour ces étranges cérémonies auxquelles il fut, à son époque, l’un des rares Blancs d’Europe à pouvoir assister. Mais ce serait ignorer, d’une part, que les surréalistes s’adonnèrent eux-mêmes, avec une belle ardeur, un moment du moins, à des séances de sommeil hypnotique et, de l’autre, que ce qui, pour un rationaliste bas de plafond, ne pouvait s’apparenter qu’à une forme d’ignorance primitive, relevait, pour Péret, d’une manifestation clairement surréaliste d’un sauvage refus des codes de la modernité civilisationnelle.

Si ce point est important, et qu’il est traité avec la considération qu’il mérite par Barthélémy Schwartz, c’est que ce qui aurait pu n’être, chez Péret, qu’une inclinaison à l’exotisme, déclencha, au contraire, chez lui, un véritable intérêt, culturel et politique, pour les univers imaginaires des mondes d’avant, mais aussi une réflexion critique sur la supériorité supposée de l’homme moderne de la « société barbare ». Et de même qu’il le fit au Brésil pour la négritude, le Mexique – où il vécut de 1942 à 1948 – lui offrit l’occasion de réactiver, en l’approfondissant, l’attirance surréaliste d’Artaud et de Breton pour l’indianité. Il le fit avec une telle constance qu’il devint, sans doute, comme l’admit son ami Octavio Paz, l’un des plus subtils connaisseurs des mythes et légendes du Mexique d’avant la conquête espagnole, et en tira la matière d’un livre passionnant – Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique –, qui fut publié à titre posthume (Albin Michel, 1960) et fait encore aujourd’hui référence.

Très intimement liée à son propre goût pour le « merveilleux » surréaliste, l’attirance qu’éprouva Péret pour les cultures anciennes se situait, en outre, dans une perspective anti-progressiste renouant, comme le pointe Barthélémy Schwartz, avec la tradition du romantisme révolutionnaire anti-capitaliste. Pour lui, écrit-il, « il s’agissait de comprendre ce qu’il y avait de toujours vivant dans les sociétés primitives et en quoi les théories projetant une future société sans classes, sans exploitation, sans surtravail, sans État, sans marchandises et sans propriété privée, pourraient se ressourcer dans les expériences presque oubliées des sociétés anciennes » (p. 195). Avec le temps, cette facette de l’œuvre de Péret a sûrement gagné en pertinence tant le monde s’est barbarisé, en un demi-siècle, et tant semble obstruée, désormais, toute perspective réellement émancipatrice d’en changer les bases. On pourrait regretter que le positionnement matriciellement marxiste de Péret l’ait sans doute empêché d’imaginer que cette « société barbare » – décrite, par ses soins et en son temps, comme « tarifant le soleil et la mer » et réduisant le langage « à la langue dégénérée du “doit” et de “l’avoir” » [9] – poursuivrait sa course folle jusqu’à l’éradication pure et simple de toute humanité simplement décente. Personne n’est fondé, cela dit, à lui reprocher de ne pas avoir eu la perspicacité désespérée – et désespérante – d’un Günther Anders, et ce d’autant que son approche poético-utopique se situait aux antipodes du constat définitivement cauchemardesque de l’obsolescence de l’homme.

À travers son intérêt jamais démenti pour les mondes d’avant, on peut imaginer que Péret chercha à trouver ce « point de convergence » qu’Octavio Paz désigne comme la poésie même, celle qui « affirme qu’entre le passé fourmillant et le futur dépeuplé, la poésie est le présent » [10]. Cette poésie, qui chez Péret s’accorde finalement assez bien à cette tradition orale des Indiens de la forêt amazonienne qu’il percevait comme « chrysalide d’où peut sortir, après un certain nombre de générations, le papillon de la légende » [11]. Ou la légende du papillon, son battement d’ailes et le reste : l’hypothèse révolution à jamais renouvelée comme mémoire d’une prophétie toujours à réinventer.

Benjamin ou la vie même

Du temps que les surréalistes entraient au Panthéon de la subversion admise ou/et se laissaient prendre dans les filets de la reconnaissance littéraire, Péret errait, comme âme solidairement mélancolique et fraternelle, dans le Paris des années 1950, guettant, ici, l’évidence de l’instant vécu et, là, le merveilleux d’une ville d’avant sa destruction marchande. À Paris comme ailleurs dans la dèche, il composait, puis jetait au vent de ses impulsions, des plaquettes de poésie aux titres énigmatiques ou sulfureux. Sans autre désir que de se laisser porter par le courant intérieur de ses réminiscences ou de ses révoltes. Avec quelque aptitude, il faut le reconnaître, pour le refus de parvenir. Quand les dettes s’accumulaient, le poète s’adressait au Syndicat des correcteurs, où il avait été admis en 1932, pour qu’il lui fournisse quelques « services » [12]. À la nuit tombée, il complotait, en « militant isolé » (Guy Prévan), avec quelques irréductibles en mal d’aurore convaincus d’œuvrer pour la révolution mondiale.

Telle fut la dernière ligne oblique de cet incandescent du surréalisme, marginal par vocation et fidèle par conviction. Fidèle à son éveilleur, André Breton ; à l’énergie perdue des anciennes insurrections ; à l’Amour Sublime ; à son propre imaginaire ; à l’idée qu’il se faisait de la vie même ; aux Indiens du Mexique, dont il traduisit, en 1955, pour Denoël, Le Livre de Chilam Balam, de Chumayel, texte sacré des Mayas du Yucatan. Marginal et fidèle, telle fut, en somme, sa manière d’être sans trêve, mais séparément, surréaliste et militant révolutionnaire. Jusqu’à son dernier souffle, le 24 septembre 1959, et sans avoir jamais goûté au pain des reniements.

* * * * *

Addenda.– En avril 1993, l’Association des amis de Benjamin Péret [13] organisa, au Centre Pompidou, une soirée « Pour Benjamin Péret ». Cette manifestation fut physiquement empêchée par un groupe de perturbateurs incapables de voir autre chose dans cet acte d’amitié et d’hommage au poète qu’une forme de récupération institutionnelle. Au lendemain de l’incident, les « Amis de Péret » publièrent une mise au point qui, par les échos qu’elle éveille aujourd’hui sur d’autres terrains, mérite d’être rappelée : « En dépit du terrorisme infantile d’une corvée d’intégristes post-surréalistes auquel le fondamentalisme liberticide tient lieu de raison de vivre, la liberté et la poésie, exemplairement incarnées par Péret, continueront à défier ceux qui, de droite comme de gauche, s’entremettent dans les coulisses pour les bâillonner. »

Freddy GOMEZ

[1Lettre à Benjamin Péret, 4 janvier 1942.

[2Lettre à André Breton, 12 janvier 1942

[3Sur cette thématique, le lecteur se reportera avec profit à l’opuscule concis mais fouillé de Guy Prévan, Péret Benjamin, révolutionnaire permanent, Syllepse, « Les archipels du surréalisme, 1999.

[4On notera, au passage, que les surréalistes tentèrent, trente ans plus tard – Péret compris – d’établir avec la Fédération communiste libertaire (FCL) le même type de rapports : à chacun sa spécialité. Féconde sur le plan de leur contribution au Libertaire, cette collaboration ne préluda à aucun dépassement des positions acquises.

[5Lettre à André Breton du 29 juillet 1936

[6Benjamin Péret, Dernier malheur, dernière chance, Fontaine, « L’âge d’or », 1946.

[7Grandizo Munis (1912-1989), de son vrai nom Manuel Fernández Grandizo y Martínez, exerça, comme dirigeant trotskiste, une forte influence sur Benjamin Péret. À la différence de Péret, Munis refusa de rejoindre le POUM, formation procédant de la fusion de la Gauche communiste (trotskiste) et du Bloc ouvrier et paysan. Il fonda, en novembre 1936, la Section bolchevik-léniniste (trotskiste), fédérant deux groupes – Le soviet et La voix léniniste, dont il fut le principal protagoniste et dans lequel milita Péret. Postérieurement à la guerre d’Espagne, leur évolution – du trotskisme à l’ « ultra-gauche » plutôt bordiguiste – sera parallèle. Avec l’étroite collaboration de Péret, Munis rédigea, dans les années 1950, deux textes – Les syndicats contre la classe ouvrière et Pour un second Manifeste communiste – qui connurent un certain succès dans les milieux « ultra-gauche », et même au-delà pour le premier. Le livre le plus connu de Grandizo Munis reste Jalones de derrota, promesa de victoria – Mexico, Lucha Obrera, 1948 –, dont il existe une traduction française : Leçons d’une défaite, promesse de victoire, Science marxiste, 2006.

[8Lettre à Georges Fontenis, 15 août 1956.

[9Benjamin Péret, Anthologie…, op. cit., pp. 10-11.

[10Octavio Paz, Point de convergence, Gallimard, 1976.

[11Lettre de Benjamin Péret à Grandizo Munis, 22 mars 1956

[12Sur la base d’une lettre adressée à Jehan Mayoux – 11 septembre 1957 – où Péret se plaint « d’avoir droit aux plus sales boîtes », Barthélémy Schwartz en conclut que Péret n’aurait pas reçu, de la part du Syndicat des correcteurs, le traitement qu’il méritait. Il « n’a bénéficié, écrit-il, ni d’un emploi pérenne ni d’une relative aisance sociale ». On doute, d’une part, que Péret ait aspiré à ce genre de pérennité et l’on sait, par ailleurs, par Guy Prévan, que, « d’une saison l’autre, [Benjamin] aura ouvré non seulement au J0 [Journal officiel], mais également au Petit Journal, au Matin, au Journal des débats, à Paris-Soir et à La Vie financière » [Guy Prévan, op. cit., p. 38], ce qui n’est pas si mal. Pour le reste, il est évidemment probable que Péret ait connu des « sales boîtes », mais, outre que tel était le sort commun de tous les adhérents du Syndicat des correcteurs, les archives du Syndicat attestent que Péret en était démissionnaire depuis 1941 [Yves Blondeau, Le Syndicat des correcteurs de Paris et de la région parisienne 1881-1973, Syndicat des correcteurs, 1973, p. 370]. Il est possible qu’il y ait réadhéré plus tard, mais il est plus vraisemblable que, sans en être membre à l’époque dont nous parlons, et parce qu’il était Péret, le Syndicat des correcteurs mit un point d’honneur à le dépanner comme il pouvait quand il en manifesta la nécessité. Moins admissible, en revanche, paraît l’évident désintérêt que lui manifestèrent, dans ces temps de vache maigre, ses amis surréalistes, dont certains vivaient, eux, dans une aisance non relative.

[13On indiquera, pour mémoire, que l’Association des amis de Benjamin Péret, fondée en 1963, a publié, aux éditions José Corti, les Œuvres complètes de Benjamin Péret. Tome 1 : [Poésie], 1969, 316 p. Portrait de Péret par André Masson. Préface d’André Breton (Anthologie de l’humour noir, 1950). Tome 2 : [Poésie], 1971, 336 p. Collage de Péret en frontispice. Préface de Pierre Naville (1925). Tome 3 : [Contes), 1979, 300 p. Collage de Péret en frontispice. Portrait de Péret par Oscar Dominguez. Préface d’Octavio Paz (1959). Tome 4 : [Contes - Œuvres en collaboration], 1987, 300 p. Préface de Robert Sabatier (Histoire de la poésie française, 1982). Tome 5 : [Textes politiques], 1989, 388 p., Préface de Guy Prévan, notes et chronologie de Gérard Roche. Tome 6 : [Les Amériques… et autres lieux - Le Cinématographe - Les Arts plastiques], 1992, 381 p. Préface de Jean-Louis Bédouin. Tome 7 : [Le Déshonneur des poètes - Textes divers - Correspondance - Bibliographie], 1995, 594 p. Préface de Jean Schuster. https://www.benjamin-peret.org/l-association-des-amis-de-benjamin-peret.html

Le Talon de fer, dans le Canard enchaîné

jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Canard enchaîné du mercredi 9 novembre 2016.

Chante-moi une berceuse

Du prodigieux Jack London (1876-1916), trois éditeurs republient dans des traductions différentes Le Talon de fer, grand classique de la révolte.

Cou de taureau et muscles saillants, parole ardente et peur de rien, le jeune révolutionnaire Ernest Everhard sidère l’assemblée des Philomates, un club de la bonne société californienne, qui l’a invité pour se distraire à ses dépens. Il leur dresse leur terrible portrait, disant avoir trouvé chez eux, les maîtres du pays, « un égoïsme et un manque de cœur monstrueux, ainsi qu’un matérialisme vulgaire, mis en pratique avec une insatiable avidité ».
Il leur montre et démontre qu’ils ont si mal géré la société que leur règne touche à sa fin. Il leur annonce la révolution, au nom du million et demi d’ouvriers américains devenus socialistes (et, à l’époque, le mot « socialiste » a tout son sens) : « Nous voulons nous emparer des rênes du pouvoir et prendre en main les destinées du genre humain. Regardez-les, nos mains : elles sont fermes et fortes ! Nous allons nous emparer de vos États, de vos palais et de toutes vos richesses ! »
Tandis que plusieurs Philomathes éructent leur haine et leur colère, l’un d’eux, M. Wickson, prend tranquillement la parole : « Quand vous tendrez ces mains puissantes, dont vous êtes si fiers, vers nos palais et nos richesses, nous vous montrerons ce qu’est vraiment la force. Vous l’aurez, votre réponse, mais elle se fera à coups de canons, dans le crépitement des mitrailleuses et sous une grêle d’éclats d’obus. Vous autres révolutionnaires, nous vous écraserons sous notre talon et nous piétinerons votre visage. » Et c’est ce qui va arriver : le talon de fer s’abattra sur le héros et ses amis…
Jack London a écrit ce roman en 1906, juste après que la première révolution russe a été noyée dans le sang. Il est hanté par cet échec. Il le devine : malgré leur apparence civilisée de démocrates respectables, les capitalistes n’hésiteront pas, eux non plus, à recourir à la force pour garder le pouvoir. Il voit venir le fascisme bien avant les fascismes. Il voit comment, issus de la concurrence, les trusts (aujourd’hui appelés « multinationales ») tuent la concurrence, accaparent le pouvoir, façonnent une nouvelle oligarchie. Il décrit ce que seront les sociétés totalitaires : les médias sous contrôle absolu ; les « castes syndicales » achetées pour étouffer toute rébellion ouvrière ; la classe moyenne réduite au rang de nouveau prolétariat…
Emporté par ses visions, lui, d’ordinaire si grand conteur, livre certes là un roman mal fichu. Héros à peine silhouettés ; longues harangues idéologiques ; panorama géopolitique destiné à dénoncer l’impasse du réformisme ; le tout se terminant par le palpitant et terrifiant récit de la Révolution écrasée, et l’évocation d’une Résistance avant l’heure, avec traques, exécutions, massacres… Malgré ses faiblesses, ce livre d’anticipation politique (écrit bien avant les deux autres classiques que sont Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, et 1984, de George Orwell) subjugue : à le lire, on ne cesse de trouver des concordances avec notre époque, des éclairages troublants, de nouveaux questionnements. Et cela fait un siècle que ça dure…
Nicolas Norrito, l’éditeur de Libertalia, a rassemblé dans l’appareil critique les préfaces de toutes les éditions successives, d’Anatole France (1923) à Bernard Clavel (1967) en passant par Trotski (1937), tandis que la Pléiade donne l’érudite présentation de Philippe Jaworski (2016). Chacun d’eux redécouvre en son temps à quel point ce livre est visionnaire, et toujours actuel.
A un moment, Ernest Everhard dit à sa femme : « Chante-moi une berceuse. Je viens d’avoir une vision de l’avenir que j’aimerais bien oublier. » Malgré ses défauts, « Le talon de fer » reste inoubliable.

Jean-Luc Porquet

Coup pour coup, dans Télérama

jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Coup pour coup , dans Télérama, 9 novembre 2016.

Son ennemi, la finance

Dans la nouvelle Les Suppôts de Midas (1901), Jack London imagine une société secrète qui exerce un chantage sur de riches industriels, leur ordonnant de verser vingt millions de dollars sous peine de voir se prolonger une série de meurtres. Les « suppôts de Midas » revendiquent une « intelligence supérieure » qui leur permet de défier les « détenteurs du capital mondial ». Une nouvelle énigmatique sous la plume d’un écrivain aux convictions socialistes, qui imagine un concept radical de révolte contre le capitalisme.
À lire dans le volume I des Romans, récits et nouvelles de la Pléiade et, aux éditions Libertalia, sous le titre Coup pour coup, illustré par Thierry Guitard.

Gilles Heuré

Benjamin Péret, dans Presse Océan

jeudi 10 novembre 2016 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Dans Presse Océan, 6 novembre 2016.

Benjamin Péret,
le surréaliste né à Rezé

Signée Barthélémy Schwartz, Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme est un régal de biographie.

Provocateur, Benjamin Péret (né le 4 juillet 1899 à Rezé et mort en 1959) traversa avec fracas le dadaïsme et le surréalisme, dont il fut l’un des piliers. Facilement irascible, « ses colères sont restées fameuses et ses rancunes durables », écrit l’auteur. « À chaque fois qu’il croisera Tristan Tzara il le traitera de “sale flic” car ce dernier avait eu la mauvaise idée d’appeler la police lors d’une soirée. » On suit avec délice la bande de la rue du Château avec Marcel Duhamel (futur créateur de la Série noire) et Yves Tanguy.
Péret invective aussi les curés. En 1928, il écrit Les Rouilles encagées, contrepèterie qui vaudra censure. Au Brésil (duquel il sera arrêté et expulsé), il rejoint les rangs de l’opposition de gauche en 1931 puis il adhère en France à l’Union communiste (1934) et au Parti ouvrier internationaliste. En 1936, âgé de 37 ans, il publie une quinzaine de livres dont Je ne mange pas de ce pain-là.

« En révolte permanente »
Passionné par le passé précolombien, « résolument optimiste par nature » et croyant « à l’amour comme force de vie », écrit encore Schwartz, Péret vivra aussi au Mexique.
« Poète, surréaliste, travailleur précaire en révolte permanente, continuellement malmené par la baisse du pouvoir d’achat et la hausse des prix, c’est aussi cela qui rend Péret si proche des préoccupations de nos jours. »

Stéphane Pajot