Le blog des éditions Libertalia

Entrer en pédagogie Freinet, dans L’Humanité

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Entrer en pédagogie Freinet dans L’Humanité, 17 avril 2015

Changer l’école pour changer la société

Rédactrice en chef au Nouvel Educateur, revue du mouvement Freinet, blogueuse sur Mediapart, Catherine Chabrun livre dans une récente parution de la collection « N’autre école » un véritable manifeste en faveur de cette pédagogie de l’émancipation. Correspondances, textes libres, journaux scolaires, conseils coopératifs, travail individualisé, temps de parole, créations libres et mathématiques… elle y rappelle par des témoignages et des citations tout ce que ce mouvement peut avoir de subversif pour une politique d’éducation néolibérale qui n’a de cesse de dégrader l’école publique et d’accroître le tri social et les relégations. Cette éducation populaire s’y révèle liée à une éthique coopérative et à un fort engagement politique. C’est à ce titre qu’est rappelé l’itinéraire du fondateur, Célestin Freinet, notamment son engagement syndical. Cet essai bref et percutant devrait intéresser bien plus que les enseignants : c’est la société tout entière qui est invitée à entrer en pédagogie Freinet pour se transformer.

Nicolas Mathey

Comment peut-on être anarchiste ? sur Dissidences

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension de Comment peut-on être anarchiste ? sur Dissidences, avril 2015.

Claude Guillon est un auteur que l’on connaît, sur Dissidences, principalement pour ses travaux sur la Révolution française (Notre patience est à bout. 1792-1793, les écrits des Enragés) et pour ses essais ayant parfois suscité la polémique (Suicide, mode d’emploi en 1982 avec Yves Le Bonniec). Avec ce nouveau livre, il propose une sélection de ses écrits couvrant la période débutant en 2000, faisant de la sorte suite à Pièces à conviction, qui concernait les années 1970-2000. Sont pris en compte aussi bien des articles pour la presse anarchiste que des tracts ou des billets diffusés en ligne, l’ensemble étant classé suivant une dizaine de thématiques. Le titre en aurait tout aussi bien pu être Comment peut-on être un intellectuel anarchiste ?, d’abord parce que c’est ainsi que Claude Guillon se définit, ensuite du fait qu’il propose sa vision personnelle de l’anarchisme, exposée par le biais d’une prose incisive, souvent drôle, parfois très intime.
Bien sûr, on retrouve tout au long de ces textes des caractéristiques fondatrices du mouvement libertaire tel qu’il s’est défini au fil du temps, y compris par la négative : une défense de l’alternative révolutionnaire et communiste, entendue comme société sans hiérarchie, « libre association d’individus libres » (p. 137), contre les « gauchistes » que sont pour lui les trotskistes ; un rejet, à travers l’exemple d’Action directe, de l’assassinat politique tel que le groupe le pratiqua, tout en se déclarant solidaire de leur libération face aux « appareils répressifs d’État » ; une exigence de radicalité enfin, opposé à tout réformisme, qu’il soit « petit-bourgeois » (le cas d’Attac et de ses animateurs, « bouffons du capital » p. 422) ou anarchiste, avec des figures comme celles de Noam Chomsky, en qui il voit le défenseur d’un « anarchisme d’État » (p. 30).
Mais s’il y a bien un axe que Claude Guillon privilégie par-dessus-tout, c’est la réflexion, la critique, y compris de fondamentaux présupposés, comme la position anarchiste sur les élections, qu’il rejette comme excessivement dogmatique au profit d’une analyse de chaque situation, tout en demeurant fidèle à l’analyse d’ensemble. De même, il adopte une position que l’on peut qualifier de nuancée sur les émeutes de 2005 (ni condamnation ni éloge aveugle), refuse dans les manifestations toute autorité sur les cortèges, même anarchistes, préconisant leur appréhension comme assemblée générale en actes et n’hésitant pas à prôner l’autodéfense. De son analyse de l’évolution géopolitique dans le prolongement des événements de septembre 2001, on retiendra, outre des développements sur les motivations économiques profondes des interventions étatsuniennes, la caractérisation de l’antiaméricanisme comme « l’internationalisme des imbéciles » (p. 301) et l’idée d’un état de guerre permanent, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Parmi les sujets abordés en détails, aux côtés d’une défense pleine d’empathie des sans-papiers et de leurs luttes (à travers l’exemple du centre de rétention administrative de Vincennes), ou des écrivains et des intermittents du spectacle eux aussi exploités, il y a celui du féminisme et plus largement la question des supposés besoins sexuels masculins, explication bien commode de certaines situations d’agression ou de viol, que Claude Guillon refuse de confondre avec le désir. Il se réclame d’ailleurs à plusieurs reprises de Fourier et de la construction d’une « nouvelle utopie amoureuse » contre « l’utopie de la rencontre amoureuse / romantique débouchant sur la formation du couple exclusif/hétérosexuel (la variante homosexuelle étant plus ou moins tolérée) » (p. 97) ; rejetant le « terrorisme normatif » imposé aux femmes, il en appelle également à l’élaboration d’une véritable théorie du genre, a contrario de ce qu’il considère comme une position défensive allant dans le sens de ses contempteurs. Les Femen, dans cette optique, sont critiquées en tant qu’elles s’inscrivent pleinement dans la société du spectacle tout en faisant preuve d’une amnésie historique sur les mouvements antérieurs de femmes, probablement une tendance de notre époque, et pas seulement un phénomène générationnel.
Un herbier anarchiste bien représentatif d’un électron libertaire, plutôt méfiant vis-à-vis des organisations, parfois féroce voire rapide (sur Onfray, vilipendé pour sa position au début de l’affaire Tarnac et qualifié d’intellectuel surplombant, mais dont il aurait été utile d’analyser les œuvres) ; un ensemble qui ne peut laisser indifférent, conclu par « Vous faites erreur, je ne suis pas Charlie » (utile mise en perspective rejetant en particulier toute idée d’union nationale), et dont le seul manque réside dans les éventuelles évolutions de Claude Guillon sur l’ensemble de sa vie militante.

Jean-Guillaume Lanuque

Comment peut-on être anarchiste ? dans CQFD

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension parue dans CQFD, avril 2015.

Comment peut-on être anarchiste ?

Né en 1952, Claude Guillon est militant et essayiste libertaire depuis plus de quarante ans. Proche de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) au tout début des années 1970, ami de May Picqueray et de Daniel Guérin, il a rédigé un premier livre important en 1979 : Ni vieux ni maîtres, guide à l’usage des 10-18 ans. Suivront le best-seller Suicide, mode d’emploi (1982) et nombre d’ouvrages sur la Révolution française (il est spécialiste des Enragés). Ces dernières années, Claude Guillon s’est fait plus rare. On a pu lire son analyse de l’arsenal sécuritaire et juridique (La Terrorisation démocratique, 2009) ou un important travail sur le corps et le genre (Je chante le corps critique, 2008). Il a surtout signé quelques articles solidement documentés dans la presse écrite et sur son blog. C’est donc avec ferveur qu’il faut saluer la publication quasi exhaustive de ses écrits des années 2000-2015 par les soutiers de Libertalia. Revus, complétés, agencés par thème (« Anarchisme », « Corps critique », « Déchets », « Droit à la mort », « Guerre sociale »), l’ensemble donne un percutant et volumineux ouvrage (448 pages). Mais attention, chez Guillon, à un moment ou à un autre, tout le monde en prend pour son grade, la moindre erreur de parcours est relevée et implacablement analysée. En revivant certains événements, notamment le Forum social libertaire (2003), on se dit que le bougre avait peut-être le tort d’avoir raison trop tôt. Une mention spéciale aux articles à charge sur les Femen et Michel Onfray. L’ensemble est un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté critique et du droit à jouir pleinement du quotidien. C’est probablement cela « être anarchiste ».

Jacques Collin

Lire la première phrase du Capital, dans Politis

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Lire la première phrase du Capital dans Politis (19 mars 2015)

« La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste apparaît comme une “gigantesque collection de marchandises”, dont la marchandise individuelle serait la forme élémentaire. » De quelle « richesse », de quelle « marchandise » la première phrase du Capital parle-t-elle ? Pourquoi le verbe « apparaître » ? Dans un court essai, le sociologue et politiste d’origine irlandaise John Holloway revient sur l’ouverture de l’œuvre de Marx. Sur notre indifférence à la première lecture, notre « indignation » à la seconde, notre « dégoût contre nous-mêmes » à la troisième. Pour les experts de Marx, une exégèse de plus. Pour les néophytes, une bonne entrée en matière dans la pensée du philosophe…

Trop jeunes pour mourir dans Le Monde libertaire

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Trop jeunes pour mourirdans Le Monde libertaire, n° 1760 (8 janvier 2015)

L’ouvrage de Guillaume Davranche, bouquin volumineux de plus de 500 pages, relate l’histoire du mouvement ouvrier de 1909 à 1914 et celle du mouvement libertaire de l’époque.
Le lecteur est invité à déambuler dans les espaces militants, en y rencontrant des personnages connus ou ignorés aujourd’hui, à travers leur parcours, leurs combats, leurs qualités et leurs travers : nous découvrons certaines figures sous des aspects nouveaux.
Guillaume Davranche, au cours d’un long récit chronologique, nous imprègne des ambiances des réunions, des congrès, des grèves, des échanges entre militants ; nous approchons ainsi des enjeux politiques de ce temps-là.
L’auteur propose deux manières d’aborder son ouvrage : « On peut le suivre de façon linéaire, chapitre par chapitre, année après année […]. On peut aussi le lire dans le désordre, le pénétrer à un endroit ou un autre, au gré de ses centres d’intérêts : le syndicalisme, le féminisme, l’anticolonialisme, l’anarchisme, les travailleurs migrants… » (p. 8)
Grâce à un long travail de recherche dans des archives et les journaux, une foule de détails est livrée sur les débats, les divergences, les conflits, les passions, les questions qui se posent à tous ces militants. De petites luttes en grandes luttes est croqué un tableau riche en couleurs des personnalités syndicalistes et anarchistes d’alors. De même, sont dessinées les différentes sensibilités des anarchistes impliqués ou non dans le mouvement syndicaliste ; on rapproche les passerelles entre les unes et les autres.
À travers cet ouvrage, nous percevons et cernons mieux la vivacité, l’élan du mouvement ouvrier des années 1909-1914, alors que, pourtant, l’impact de la CGT déclinait. Elle restait malgré tout, pour nombre d’anarchistes, un point d’ancrage pendant qu’ils construisaient leur propre organisation, à la durée de vie bien éphémère, largement du fait de la guerre : la Fédération communiste anarchiste (FCR puis FCA, née en 1913).
Signalons un chapitre important sur les luttes des femmes, qui, parmi les camarades masculins, dans une société très patriarcale, ont du mal à émerger sur le devant de la scène. Il relate leurs mobilisations, telle celle de la grève des midinettes, des couturières de la chaîne de magasins Esders.
L’auteur met en avant l’importance de la presse militante, tant pour la diffusion des idées que pour les débats internes. À ce titre, l’hebdomadaire La Guerre sociale a joué un rôle central, surtout pour les révolutionnaires, pour lesquels il a été une référence, avant d’être rejeté suite à des dérives idéologiques de ses principaux animateurs.
Parler de cette époque, c’est aussi évoquer les anarchistes individualistes et, parmi eux, les illégalistes et les réactions qu’ils suscitent parmi les anarcho-communistes, soulignant que l’anarchisme a du sens quand il a une visée collective.
En fil rouge et noir à l’histoire du mouvement ouvrier et du mouvement libertaire, la lutte des pacifistes qui veulent éviter la guerre, dans un contexte de patriotisme exacerbé, que l’on peine à imaginer aujourd’hui. Parmi les plus engagés, il y a ceux de la Fédération communiste anarchiste, qui, lors de son congrès à l’été 1913, fédère – à l’exception des individualistes – l’ensemble des anarchistes. Ces derniers s’impliquent au prix de la répression qui s’acharne sur les militants syndicalistes et anarchistes. L’auteur décrit celle-ci avec précision : il rend compte du retour des « lois scélérates » anti-anarchistes, du Carnet B, des menaces qui pèsent sur eux, du risque du peloton d’exécution, de la peur du bagne militaire.
Le contexte de l’avant-guerre – rarement relaté – est mis en exergue : les grèves, la campagne antiélectorale des législatives de 1910, les grandes affaires (Ferrer, Aernoult-Rousset, Métivier, Bonnot), la montée d’un climat belliciste. Les réactions des militants, des révolutionnaires aux événements internationaux, en particulier la révolution mexicaine, et, en France, au renouveau de l’antisémitisme, font l’objet de longs développements.
Bien des thèmes, des questions, des divergences font écho à l’actualité de la mouvance libertaire et interrogent, de manière plus ou moins similaire à aujourd’hui, les liens entre syndicalisme et anarchisme : le syndicalisme révolutionnaire se suffit-il à lui-même pour transformer la société, pour initier une révolution ? Faut-il des permanents syndicaux ? Le corporatisme, le « fonctionnarisme », le centralisme, le modérantisme sont remis en question, sur fond de crise à la CGT.
Dans ce livre, Guillaume Davranche a voulu « écrire une histoire à hauteur d’hommes », en essayant de comprendre pourquoi ces militants, qui se sont battus durant quatre ans avec courage et persévérance, qui avaient fait la grève générale en 1912 – contre la guerre qui s’annonçait déjà –, n’arrivent pas à se faire entendre et finissent pas renoncer en juillet 1914. Il s’est agi pour l’auteur de dépasser le jugement hâtif qui définit leur renoncement comme une trahison.

Malgré toutes les qualités de cet ouvrage « à hauteur d’hommes », par son ambition et au risque de l’exhaustivité, il s’adresse à des lecteurs aguerris pouvant naviguer durant 500 pages d’une organisation à une autre, d’une problématique sociale à une autre ce qui en rend la lecture compliquée sauf à choisir de le lire en le réorganisant de manière thématique, ce qui est, avouons-le, n’est pas si simple. Navigation qui rend – et c’est sans doute la part la plus innovante de l’ouvrage – difficile à bien saisir l’importance de cette quasi inconnue que fut la FCA. Première organisation pour un anarchisme social digne de ce nom dont les organisations libertaires sont les héritières directes. Nous pourrions, peut-être, songer à un « tiré à part » de cette belle initiative de nos anciens.

En plus de la richesse des informations, ce livre est graphiquement esthétique. Il est illustré de dessins tirés des journaux La Guerre sociale, L’Humanité, L’Anarchie… En complément du livre, vous trouverez un blog, riche en iconographie, et les dates de la tournée que réalise Guillaume Davranche pour présenter son ouvrage.

Agnès Pavlowsky, Hugues Lenoir