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Tout pour tous ! dans La Révolution prolétarienne

mercredi 12 novembre 2014 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —
Tout pour tous ! - illustration de Bruno Bartkowiak.

Tout pour tous ! dans La Révolution prolétarienne (septembre 2014).

Placé sous l’égide de P. Canjuers et G. Debord affirmant que « le mouvement révolutionnaire doit devenir lui-même un mouvement expérimental », ce petit livre a d’abord le mérite de resituer l’expérience zapatiste au Chiapas dans le temps long de cinq cents ans de lutte indigène : la découverte du continent s’accompagna d’une exploitation forcenée des Indiens, puis l’indépendance du pays ne leur profita pas tandis que la révolution de 1911 fut trahie au profit d’un parti qui, adepte de l’oxymore, se qualifia de révolutionnaire et d’institutionnel, confisquant le pouvoir durant des décennies. Il s’attarde ensuite sur les conditions de la naissance, peu connue, de la rébellion à partir de 1983. Il en suit les différentes étapes jusqu’au 1er janvier 1994 qui voit l’EZLN occuper, les armes à la main, plusieurs villes de l’État du Chiapas, puis aux accords de San Andrés (16 février 1996) entre le gouvernement fédéral mexicain et une délégation zapatiste. Ceux-ci reconnaissent de nombreux droits aux peuples indigènes (différence culturelle, habitat, occupation et utilisation du sol, autogestion politique communautaire, etc.), mais, loin de les mettre en œuvre, le gouvernement entame contre eux une guerre de basse intensité au Chiapas. En réaction, l’EZLN se propose de construire l’autonomie des communautés indigènes et de « connecter les territoires rebelles avec le reste du monde ». L’auteur présente enfin les trois niveaux de « gouvernement » dans les zones libérées, établissant une société non seulement sans État, mais contre l’État, avant de détailler ses réalisations dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’économie et de la justice.
Délaissant les aspects spectaculaires de l’expérience zapatiste comme les postures néo-tiers-mondistes où l’on fantasme sur des révolutions exotiques, l’auteur prend l’exacte mesure de l’insurrection du Chiapas. Il insiste à juste titre sur les réalisations concrètes des zapatistes qui constituent des raisons tangibles de ne pas désespérer dans des temps difficiles. Il ne cache pas non plus les insuffisances du processus et les nombreux défis qu’il devra surmonter dans l’avenir. Complété d’une courte bibliographie, ce petit livre constitue une excellente introduction à une expérience qui, vingt ans après l’insurrection du 1er janvier 1994, représente l’un des principaux antidotes à la contre-révolution néolibérale d’un capitalisme toujours plus mortifère.

Louis Sarlin