Le blog des éditions Libertalia

Sur les toits

vendredi 23 mai 2014 :: Permalien

Sur les toits (2014), un film de Nicolas Drolc, produit par les Films Furax et édité par les Mutins de Pangée.
Disponible en DVD ou en VOD (vidéo à la demande).

Sur les toits

« Non ce n’est pas parce qu’il fait chaud / qu’ils sont montés sur les toits. / Non ce n’est pas pour le plaisir / qu’ils se sont fait tabasser. / Non ce n’est pas pour se distraire / qu’ils ont perdu leur remise de peine / ou qu’ils ont pris des jours de mitard / et qu’on les a transférés dans le noir. »

Les paroles des Bérus résonnent dans ma tête quand je lance ce DVD insolite qui relate la mutinerie de janvier 1972 à la maison d’arrêt de Nancy, ainsi que celle de la centrale de Toul qui la précéda d’un mois, en décembre 1971.

Ce qui frappe d’emblée dans ce documentaire réussi, outre les nombreuses images d’archives, c’est la place laissée par le réalisateur (Nicolas Drolc) aux acteurs des mutineries : anciens détenus à la peau bleuie par les tatouages, surveillant à la retraite libéré de son devoir de réserve.

Chez tous les taulards, une même antienne : ils ont été incarcérés à peine sortis de l’adolescence parce qu’ils refusaient de perdre leur vie à la gagner et de rester à leur place de « pauvres parmi les pauvres ». Ils ne discutent guère le bien-fondé de leur incarcération, ils se plaignent des conditions de détention : nourriture infâme, manque d’hygiène, mauvais traitements. C’est pour se faire entendre qu’ils ont pris le contrôle de la prison et sont montés sur les toits quelques heures durant, le temps que la gendarmerie mobile mate la rébellion. Chez le maton, une sincérité déconcertante : il a choisi ce boulot parce qu’il s’y fatiguait moins qu’à la chaîne, par amour de l’ordre et parce qu’ancien de la guerre d’Algérie son parcours inspirait confiance. Mais, confesse-t-il, il y avait un sacré paquet de tordus parmi les membres de l’administration pénitentiaire. C’est d’ailleurs la cruauté notoire du directeur de la centrale de Toul qui mit le feu aux poudres, feu qui se propagea rapidement à Nancy puis dans une trentaine de prisons.

Ce qui frappe aussi, c’est l’important soutien extérieur qui se manifestait grâce aux relais intellectuels et militants du Groupe d’information sur les prisons (GIP) emmené par Michel Foucault et Daniel Defert, travail qui se poursuivra par la constitution du Comité d’action des prisonniers (CAP), qui réclamait l’abolition des prisons. À cet égard, on ne ratera sous aucun prétexte l’entretien avec le vieux combattant Serge Livrozet (et auteur du remarquable De la prison à la révolte, 1973) proposé en supplément. Pour un éclairage contemporain, on peut se reporter au périodique L’Envolée.

N.N.