Le blog des éditions Libertalia

Power to the people ! Ou la surprenante épopée de la Angry Brigade

jeudi 10 octobre 2013 :: Permalien

Angry Brigade. Contre-culture et luttes explosives en Angleterre (1968-1972)
Servando Rocha.
L’échappée.

Les éditions L’échappée continuent leur cycle de publications concernant les groupes révolutionnaires qui ont marqué l’histoire politique internationale : après les Black Panthers, les illégalistes français, les Weathermen, la RAF…, c’est au tour de la Angry Brigade britannique de passer sur le grill, une cellule certainement moins « connue » que les Brigades rouges ou la RAF. Il n’y a d’ailleurs que peu d’ouvrages en français sur le sujet.

La présente édition de Servando Rocha, traduite de l’espagnol, revient sur le contexte historique qui a vu naître la Angry Brigade, mais aussi, ce qui est plus intéressant, sur ses influences et son mode d’action. La Grande-Bretagne ne connaît alors pas de mouvement de ce genre. Nous sommes en 1967, avant les révoltes de 68 et les attentats de l’IRA. La vague hippie domine le monde, on fume de l’herbe et on prend des acides en dénonçant vaguement la guerre du Vietnam. Le flower power est totalement récupéré par l’industrie culturelle, qui finira par enlever toute crédibilité politique au message véhiculé antérieurement.

À Londres, le quartier de Notting Hill est le berceau de la contre-culture, de la résistance au gouvernement et surtout des gens qui s’organisent pour lutter plus efficacement. Il y a d’abord des associations qui interviennent dans le social ou dans la défense des droits des gays et lesbiennes. Puis il y a surtout une multitude de publications, magazines ou fanzines qui ont une audience qui ferait rêver n’importe quel périodique alternatif d’aujourd’hui !

John Barker, Hilary Clark, Jim Greenfield et Anna Mendelson se rencontrent à l’université. Ils décident de quitter la fac et de s’installer à Londres, au cœur de la contre-culture. Ils sont de toutes les manifs contre la guerre du Vietnam mais ne se retrouvent pas dans l’idéologie pacifiste. Influencés par les situationnistes, Raoul Vaneigem en particulier, ils sont persuadés que la classe ouvrière n’obtiendra rien si elle se cantonne aux modes d’action habituels : grève, manifestation, etc. Ils décident donc de passer à la vitesse supérieure. John Waldron, l’un des hauts responsables de la police londonienne en fera les frais : sa maison est plastiquée le 30 août 1970. L’action est revendiquée dans un communiqué signé Butch Cassidy et le Sundance Kid. La Angry Brigade est née.

La police britannique aura le plus grand mal à arrêter les représentants de la Angry Brigade, parce qu’ils ont fait en sorte que l’appelation « Angry Brigade » fonctionne comme une franchise. Quiconque partage ses idées révolutionnaires et veut réaliser une action contre une représentation du pouvoir peut le faire en se revendiquant de la Angry Brigade. En revanche, une règle ne doit pas être brisée : la Angry Brigade ne s’attaque pas aux hommes, mais à l’État, à l’économie, à l’impérialisme. De nombreux militants d’extrême gauche seront inquiétés, mais la police ne trouve pas la moindre preuve, notamment Stuart Christie, l’un des fondateurs de la Croix noire anarchiste et à l’origine d’un attentat contre Franco.

Le livre de Servando Rocha se lit de bout en bout comme un roman, un road movie. Il a bien réussi à replacer la naissance de la Angry Brigade dans le contexte international. L’histoire déborde donc sur d’autres mouvements, d’autres courants qui étaient à l’œuvre en même temps. La reproduction des communiqués est aussi une très bonne idée, appuyée par une iconographie d’époque importante et riche. Bref, une jolie somme.

Charlotte Dugrand