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Nous refusons dans La Croix

vendredi 9 mai 2025 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Publié dans La Croix, le 9 mai 2025.

Ce livre du photographe Martin Barzilai est le fruit d’un travail ambitieux mené pendant plusieurs années pour dépeindre la réalité des refuzniks, ces Israéliens qui refusent de servir dans l’armée.

Le livre contient quinze portraits fouillés d’hommes et de femmes israéliens, qui partagent la même décision : dire non au militarisme de leur pays. Chaque récit apporte une nuance différente de la réalité à laquelle ils sont confrontés. Certains ont refusé de faire leur service militaire, d’autres ont quitté l’armée bien plus tard. Il y en a qui ont réussi à éviter la prison, d’autres y sont passés à plusieurs reprises.
Le photographe Martin Barzilai, qui a tiré le portrait de chacun d’entre eux, a également recueilli leur témoignage, livré à la première personne. Pour un moment, le lecteur est plongé dans l’objection de conscience et le raisonnement de ces individus sur l’État d’Israël, le Hamas et leur activisme.
« J’ai quitté Israël pour des raisons politiques en 2018. J’étais enceinte et je ne voulais pas élever un enfant dans cet environnement », explique Elisha Baskin, une Israélienne ayant grandi à Jérusalem. D’autres, en revanche, ont choisi d’y rester pour continuer leur combat sur place.

Prise de conscience

Au-delà des différentes opinions politiques prononcées, on retrouve le vécu partagé face à l’injustice que subissent les Palestiniens. « Nous entrions (l’armée israélienne, NDLR) dans des maisons à 2 heures du matin pour recenser les personnes qui y vivaient ; en menaçant ces familles avec nos armes. C’étaient des maisons prises au hasard, juste pour montrer que nous étions là […]. », raconte Michael Ofer Ziv, 28 ans, qui a fini par rompre avec l’armée israélienne au terme d’une prise de conscience progressive.
En Israël, le service militaire est obligatoire à 18 ans : trois ans pour les hommes, deux pour les femmes. Il est possible d’être exempté pour des raisons religieuses ou de santé mentale. Il est aussi permis de se présenter devant une commission pour défendre une position pacifiste. Tous ces refus, toutefois, comportent des risques — encore plus importants depuis le 7 octobre 2023.
« Jusqu’à il y a peu, un déserteur ne passait pas plus de trente jours en prison. Maintenant, j’ai rencontré des personnes qui y sont restées pendant six mois », témoigne Sofia Or, 19 ans, qui a elle-même été envoyée en prison après avoir refusé de servir.

Durcissement

Les témoignages recueillis dans ce livre après le 7 octobre 2023 montrent un durcissement contre ceux qui s’opposent à la politique israélienne, mais ils apportent aussi une lueur d’espoir. « Je m’étais fixé des lignes rouges en me disant que si quelque chose comme le 7-octobre se produisait, je quitterais le pays. […] Je me disais que s’ils commençaient à armer les civils, je partirais. Toutes ces lignes ont été franchies. Et je ne pars pas. Je ne pense pas que je partirai. Je veux lutter, je crois en ce que je fais. » Ce témoignage, au cœur même d’Israël, montre que des voix s’élèvent encore pour la paix, quoi qu’il arrive, et quoi qu’il en coûte.