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> Charles Martel et la bataille de Poitiers, dans Le Canard enchaîné
lundi 7 septembre 2015 :: Permalien
Critique de Charles Martel et la bataille de Poitiers publiée dans Le Canard enchaîné du 1er juillet 2015.
« Que s’est-il passé du côté de Poitiers en 732 ? Un choc de civilisation entre islam et chrétienté ? Loin de cette image d’Épinal, deux historiens rebattent les cartes sur le cas Martel. Le lieu du combat est incertain, au point que les historiens étrangers préfèrent parler de la “bataille de Tours”. Le déroulement aussi, tout comme le nombre des combattants en présence… “L’expédition d’Abd al-Rahmân tenait davantage du raid”, estiment les auteurs, qui doutent de la volonté de conquête du chef andalou. Quant à Martel, prince franc, “maire du palais” (son titre officiel), il bataillait tous azimuts contre les Saxons, les Frisons, les Bourguignons, avant que son petit-fils Charlemagne organise d’impériale façon cette Europe en confettis. Martel, héros de la chrétienté ? Pour avoir chouravé des biens de l’Église et raflé la dîme à quelques évêques, il fut longtemps banni des sacristies. Au fil des siècles, sa cote est en sinusoïde : honni, célébré ou simplement oublié quand, à la fin du XIXe siècle, la France avait les yeux fixés non sur la Vienne mais sur le Rhin, craignant peu le cimeterre et beaucoup le casque à pointe.
Minutieux, au plus près des sources, ce livre foisonnant sait butiner à travers les siècles, rappelant que Voltaire admirait le “génie du peuple arabe” et voyait en Charles Martel un champion de l’obscurantisme religieux. Aujourd’hui, l’extrême droite voit des Sarrasins partout et des Martel nulle part. Il fut un temps où Jean-Marie Le Pen adorait pourtant les régimes arabes nationalistes et baisait les babouches des tyrans patentés. Nouveau virage aujourd’hui : “Il aura fallu une quinzaine d’années pour que l’extrême droite fasse sa révolution islamophobe.” En 2004, l’écrivaine italienne Oriana Fallaci frémissait rétrospectivement : “Si en 732 Charles Martel n’avait pas gagné la bataille de Poitiers, aujourd’hui les Français danseraient le flamenco”. On l’a échappé belle. »
Frédéric Pagès