Le blog des éditions Libertalia

Le Deuil de l’innocence

jeudi 19 mars 2009 :: Permalien

De mémoire (2).
Le deuil de l’innocence : un jour de septembre 1973 à Barcelone.
Jann-Marc Rouillan

« Condamné à vie, je survis à l’ombre de murs depuis février 1987. Après plus de vingt ans de prison, les juges me reprochent la “permanence de ma conviction extrémiste et radicale”. Je ne sortirai pas cette année, ni la prochaine. » Ainsi s’achève le deuxième volet des Mémoires de J-M Rouillan, l’ancien leader d’Action directe réincarcéré en novembre 2008 alors qu’il jouissait d’un régime de semi-liberté depuis près d’un an. Dans son récit, il revient plus particulièrement sur les dernières semaines du Mouvement ibérique de libération (MIL) dont il a été l’un des membres. En filigrane, on suit le parcours de son camarade Salvador Puig Antich, qui fut le dernier condamné à mort politique à subir le supplice du garrot dans l’Espagne de Franco. Depuis Je hais les matins (Denoël, 2001), J-M Rouillan a publié huit livres. Dans celui-ci, on retrouve tout ce qui fait la force de cet auteur d’exception : une écriture très imagée, qui mêle expression des sens et souvenirs, apprentissage politique et mémoire militante. J-M Rouillan raconte ses années post-68, celles du « Mai piu senza fucile » (plus jamais sans fusil), celles où tout semblait possible. On a désormais hâte de lire la suite. Libérez-le !

« Derrière un pilier, près de l’entrée, quelques vétérans s’approvisionnent en revues avant de retourner dans la salle ravitailler en douce de vieilles connaissances. Tous en habit du dimanche, ils sont plus vieux les uns que les autres. Ce sont nos compagnons illégalistes, ceux de juillet 1936 de mai 1937, ceux de la collectivisation et du front d’Aragon, ceux de la Retirada et des camps de concentration, ceux des maquis et de la guérilla des années 1950. Ceux que nous appelions encore (malgré les quatre-vingt-dix ans passés de certains) les Juventudes, les « Jeunesses », parce qu’ils resteront affiliés à leurs organisations du temps de la révolution jusqu’à leur dernier souffle. À y regarder de près, ces vieux-là sont plus frais que de nombreux jeunes libertaires de l’après-68. À toute heure du jour et de la nuit, les Juventudes se tiennent prêts à l’aventure. Avec eux, impossible de rester désarmés – au cas où… ; sans faux papiers – au cas où… ; sans appartements clandestins – au cas où… Je suis certain que quelques-uns se sont fait enterrer avec leurs pistolets – au cas où…  »

De mémoire, tome 2 de Jann-Marc Rouillan est publié chez Agone (lien).