Le blog des éditions Libertalia

Carnets d’Iran 6

mardi 21 juillet 2009 :: Permalien

Que reste-t-il de Persépolis ?

Lundi 20 juillet 2009.
Absorbé par la lecture de Moby-Dick, happé par la descente aux enfers du vieil Achab face à l’immense cachalot blanc, je n’ai guère eu le courage de rédiger mes péripéties ces trois derniers jours. Mais je n’ai pas chômé. Ayant quitté Ispahan vendredi, je me suis rendu dans la vieille cité de Yazd, en plein cœur du désert. En dépit d’un hôtel véritablement miteux, j’ai pu visiter quelques beaux édifices religieux et discuter avec des Iraniens qui m’ont semblé plus conservateurs qu’ailleurs. Une huitaine d’heures de bus plus tard (loué soit Melville !), j’arrivais à Shiraz où je compte pour ainsi dire achever mon périple persan. Je dois avouer que je commence à saturer un peu de ce pays où il n’existe aucun bar, où même les salons de thé se font rares, comme s’il fallait réduire au maximum les possibilités de rencontre, donc de débat entre les gens. C’est à Shiraz que je croise le plus de touristes occidentaux, venus comme moi pour visiter Persépolis. Eh bien, j’en reviens ! Suis-je blasé au terme de quinze étés à courir le monde ? Ce site, qui accuse l’âge vénérable de 2 530 ans, est certes majestueux, magnifiquement situé au pied de montagnes arides, mais il m’a moins marqué que Pétra ou Palmyre. Il faut dire qu’il n’en reste plus grand-chose. En mai 330 av. J.-C., Alexandre, ce stratège hors pair, brûla la capitale de l’Empire achéménide avant de s’imposer, de facto, comme l’héritier de Darius le Grand. En venant à Persépolis, je ne peux n’empêcher de penser au film 300, adapté de la bande dessinée éponyme de Frank Miller, un film presque raciste qui chante la bravoure du roi Léonidas et des soldats spartiates tout en donnant une bien piètre image de l’immense souverain « oriental » Xerxès. Réminiscences de l’histoire ethnocentrée écrite par les Grecs de l’âge classique ? Ce sont justement les tombeaux de Darius, Xerxès, Artaxerxès et Darius II, grandioses mausolées bâtis à même la roche des monts, à quelques kilomètres de Persépolis, qui m’auront impressionné ce jour.

Bon, je vous laisse, il est 17 h 30, les boutiques vont rouvrir et la vie - rythmée par les températures - va reprendre.

N.N.