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Éditocrates sous perfusion, dans Courant alternatif

lundi 27 avril 2015 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Recension d’Éditocrates sous perfusion dans Courant alternatif (n° 246, janvier 2015, p. 10).

On ne peut pas les manquer ; vous les avez tous lus ou vus un jour ou l’autre tant leur omniprésence, pour certains depuis des décennies, a quelque chose d’habituel pour les plus résignés d’entre nous, d’obscène pour les autres. Et ils répètent tous en boucle dans tous les lieux et sur tous les supports de la parole dite légitime le même mantra néolibéral ad nauseam : la dette est insupportable ! les budgets sociaux minent notre compétitivité !, etc. Leurs remèdes sont clairs : il faut « réduire la dépense publique » car la « France des assistés » nous entraîne à la faillite et à la ruine… Dernière scie en date : la réduction du coût du travail ; de plus honnêtes diraient tout simplement la baisse des salaires, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit.
On connaît le discours – difficile de faire autrement –, mais qu’en est-il des pratiques de ces bons docteurs ? En une centaine de pages informées et percutantes, Sébastien Fontenelle fait un sort à la crédibilité de ces éditocrates qui prônent des solutions qu’ils se gardent bien d’appliquer aux entreprises de presse où ils travaillent.
En effet, depuis trente ans, la presse écrite, qui fournit quelques-uns des plus beaux spécimens de ces éditocrates et de leurs prestigieux et bienveillants patrons, bénéficie de substantielles aides de l’État, pourtant vilipendé à longueur de colonnes. Le principe de départ partait pourtant d’un bon sentiment : il fallait garantir le pluralisme de la presse et assurer sa pérennité face à la concurrence de nouveaux médias. Mais, au lieu de profiter de ces aides ponctuelles pour améliorer la qualité de l’information tout en en renouvelant le modèle dans un esprit d’éducation démocratique, les groupes de presse concernés les ont intégrées à leurs objectifs financiers sur le long terme tout en se mettant, de plus en plus, au service des puissants et de l’idéologie dominante d’une manière primaire et racoleuse. D’où le cercle vicieux d’une presse de moins en moins critique, de moins en moins bien écrite, passant du grand reportage au publireportage, et qui, par là même, trouve de moins en moins de lecteurs prêts à payer pour une sous-information frelatée et uniformisée !
En dévoilant le long scandale de ces aides inefficaces à l’aide de faits et d’arguments tirés des nombreux rapports parlementaires qui y ont été consacrés, Sébastien Fontenelle soulève un aspect méconnu des problèmes de la presse écrite, tout en soulignant l’hypocrisie des éditocrates et de leurs employeurs qui tiennent un discours exactement à l’opposé de leurs pratiques. Il conclue donc fort justement qu’« il serait surtout temps de réformer enfin, après trente ans d’atermoiements et de renoncements, le système actuel de répartition de ces subsides, où des titres véritablement « citoyens » ne bénéficient d’aucun soutien autre que postal – quand des journaux et des magazines dédiés, in fine, à l’exacerbation des inégalités sociales […] sont littéralement gavés de subsides étatiques ». Reste à savoir comment, mais c’est une autre histoire…

PM