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Les Spadassins de Midas / The Minions of Midas
Dans ce bref et singulier récit, qui annonce en quelque manière La Ligue des vieux (dans le recueil Les Enfants du froid) et même l’inachevé Bureau des assassinats, Jack London se fait fabuliste pour critiquer l’avidité capitaliste et la manière dont elle rabougrit le sens moral du corps social tout entier. Écrite en 1900 et d’abord refusée par deux magazines littéraires grand public de la côte Est (London n’avait pas encore atteint la notoriété littéraire qu’il connaîtra à partir de 1903, après la publication de The Call of the Wild), la nouvelle The Minions of Midas [Jadis parue en français sous le titre improprement traduit de Les Favoris de Midas, alors que minion est un faux-ami (sans autre rapport avec Henri III que les dagues de ses « mignons ») qui signifie en fait « homme de main »] paraîtra finalement en 1901 dans l’édition américaine de la revue britannique Pearson’s.
Sa première originalité tient à ce qu’elle est en grande partie constituée de lettres de menaces. Ces missives toujours suivies d’effet jalonnent le récit d’une vague croissante d’assassinats dont le cynisme, pour aberrant qu’il soit, a cependant sa logique, axée sur l’efficacité et ressassée tant par les fanatiques que par les jésuites : la fin justifie les moyens et sanctifie toutes les transgressions.
Autre singularité, c’est un groupe mystérieux de prolétaires « refusant de devenir des esclaves salariés » qui commet ces crimes, gratuits en apparence, afin d’extorquer vingt millions de dollars à un magnat des tramways. Ces rebelles d’un nouveau genre semblent se proposer d’en finir avec l’ordre marchand en s’appropriant, par le meurtre et la terreur, les avoirs de la bourgeoisie industrielle. Par une inversion notable des codes de la littérature « socialiste », les pauvres qui se proclament spadassins de Midas sont une force froide, désincarnée, amorale – tandis que leur assaut contre le capital est narré du point de vue des riches, que l’auteur a, quant à eux, pourvus (non sans ironie) de qualités morales et de sensibilité.
Les trusts et les grandes firmes commerciales (parmi lesquelles la vôtre) nous interdisent d’accéder, aux situations pour lesquelles notre intelligence nous qualifie. Pourquoi ? Parce que nous sommes dépourvus de capital. Nous appartenons à la plèbe, mais avec cette différence : nos cerveaux comptent parmi les meilleurs de ce temps et nous ne nourrissons aucun scrupule imbécile, qu’il soit moral ou social. En tant qu’esclaves salariés, peinant de l’aube à la nuit et vivant chichement, nous n’aurions pu, en douze lustres – ni même en vingt fois douze lustres – épargner la somme nécessaire pour nous mesurer avec le capital tel qu’il existe actuellement. Néanmoins, nous entrons en lice et lançons un défi au capital mondial. Qu’il le veuille ou non, il lui faudra combattre.
Jack London (1876-1916) est l’auteur de Martin Eden. C’est la cinquième nouvelle de cet auteur que Libertalia fait retraduire et illustrer.
Édition bilingue.
Illustrations : Thierry Guitard
Traduction : Philippe Mortimer
Postface : Miguel Benasayag
80 pages — 7 €
Parution : 20 octobre 2015
ISBN : 9782918059714