Éditions Libertalia
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« L’euphémisation consiste, étymologiquement, à positiver du négatif. Dans la sphère politique, elle consiste essentiellement à occulter, minimiser, relativiser et justifier une violence. L’armée bombarde toute une population : c’est « une simple incursion », ou « une frappe ». Un policier abat un jeune homme en fuite d’une balle dans le dos : c’est une « bavure ». Une entreprise – souvent bénéficiaire – organise un licenciement collectif : c’est un plan social ou mieux encore un plan de sauvegarde de l’emploi. Le droit du travail, la protection sociale et les services publics sont démantelés : on ne parle que de réforme, de modernisation ou d’assouplissement. À cette occultation de la violence des dominants s’oppose comme en miroir une hyperbolisation de la violence des dominé-e-s, ayant pour effet d’une part de disqualifier leur parole, d’autre part de donner à l’oppression le visage plus acceptable de la légitime défense. »
L’éditorial et le sondage d’opinion ? Des exercices ventriloques. La mixité sociale et la diversité ? Les faux-semblants de la lutte contre la ségrégation. La rhétorique féministe et laïcarde ? Les nouvelles métaphores du racisme républicain. Le sarkozysme ? Un pétainisme light… Telles sont quelques-unes des analyses que proposent Pierre Tevanian et Sylvie Tissot dans ce livre où l’on croise, entre autres, Dominique de Villepin et Ségolène Royal, Fadela Amara et Julien Dray, Dieudonné et Max Gallo, Alain Soral, Éric Zemmour et Philippe Val… Les trente et un textes retenus dans ce recueil résument dix années de critique sociale au sein d’un collectif : Les mots sont importants. Dix années et trente textes de combat contre les mauvaises langues et les mauvais traitements, les grands auteurs et les grandes questions, les gros concepts et les grosses bites qui font l’air du temps. Trente contributions à une contre-culture anticapitaliste, antiraciste et antisexiste.
Pierre Tevanian, professeur de philosophie, a publié notamment Le Ministère de la peur (L’Esprit frappeur, 2004), La République du mépris (La Découverte, 2007) et La Mécanique raciste (Dilecta, 2008). Il a coordonné avec Ismahane Chouder et Malika Latrèche le recueil Les Filles voilées parlent (La Fabrique, 2008).
Sylvie Tissot, enseignante-chercheuse en sociologie et militante féministe, a publié L’État et les quartiers (Seuil, 2007) et coécrit le Dictionnaire de la lepénisation des esprits (L’Esprit frappeur, 2002). Elle anime avec Pierre Tevanian le collectif Les mots sont importants.
Sylvie Tissot et Pierre Tevanian étaient les invités de Daniel Mermet pour l’émission "Là-bas si j’y suis" du jeudi 6 mai 2010 sur France Inter.
– Pour réécouter cet entretien : www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=1927
– Politis, 29 avril 2010.
Les mots ont leur importance ! Et c’est souvent lorsqu’ils sont prétendument prononcés « à la légère » que l’on découvre le fond de la pensée de leur auteur. Il suffit de se remémorer la fameuse « blague » de Brice Hortefeux sur les « Auvergnats » lors d’une discussion « informelle » à la sortie d’une réunion de l’université d’été de l’UMP… Mais il n’y a pas que les propos graveleux. La langue des éditorialistes des principaux médias, d’éminents membres du personnel politique ou de la haute administration est, elle aussi, généralement révélatrice de la pensée de ce qu’il faut bien appeler la « classe dominante ». Olivier Doubre.
– El Watan, 17 mai 2010.
Faire l’opinion n’est possible que si on joue avec les mots comme un trésor de guerre et une arme redoutable. Depuis dix ans, le collectif universitaire « Les mots sont importants » traque la sémantique médiatique qui agit comme un rouleau compresseur sur l’opinion publique. […] À la télé, dans les radios, la langue fait le sens. Le mot doit toucher, englober les idées qu’on veut imposer à la société […]. Les gens les plus démunis ou les moins organisés, comme les immigrés, les musulmans, les jeunes des quartiers, les femmes… en font les frais. WM.
– Mediapart, 20 octobre 2010.
Dans la filiation de George Orwell, l’auteur de 1984 qui avait démasqué la novlangue des dominations modernes, le collectif « Les mots sont importants » met en garde, à juste titre, contre ces lieux communs du langage médiatique où se donne à voir une « euphémisation de la violence des dominants » associée à une « hyperbolisation de la violence des dominé-e-s ». « L’euphémisation consiste, étymologiquement, à positiver du négatif, rappellent ses initiateurs, Sylvie Tissot et Pierre Tevanian. Dans la sphère politique, elle consiste à essentiellement occulter, minimiser, relativiser et justifier une violence. » Ainsi ne parlera-t-on que de réforme, de modernisation, d’assouplissement, etc., quand le droit du travail est affaibli, la protection sociale réduite et tel service public privatisé. À l’inverse, la révolte de ceux qui subissent ces mesures sera qualifiée de conservatisme, de corporatisme et de crispation, voire de provocation. Edwy Plenel.
296 pages - 13 euros
Parution : 15/03/10