Le blog des éditions Libertalia

Paris, bivouac des révolutions dans Le Monde des Livres

vendredi 11 avril 2014 :: Permalien

Éditorial du Monde des Livres daté du 11/04/14.

Commune is not dead

Non, décidément, comme dit la chanson, la Commune n’est pas morte. La preuve, son histoire et sa mémoire produisent encore des moments inattendus en plein Paris. Récemment, une assemblée de chercheurs et de militants s’est ainsi retrouvée dans une salle de la Sorbonne pour écouter Robert Tombs, professeur au prestigieux St John’s College de Cambridge, gentleman portant cravate, dont le livre sur l’insurrection de 1871 vient d’être traduit par un petit éditeur… libertaire.

L’ambiance était studieuse, l’écoute fervente. Il faut dire que les passionnés de cette période ne pouvaient qu’être comblés : d’abord publié à Londres en 1999, rédigé d’une plume limpide et désormais servi par la belle traduction de José Chatroussat, Paris, bivouac des révolutions constitue une vaste synthèse sur la Commune, ses origines, sa dynamique, ses méthodes, ses conséquences, ses interprétations. Dans le sillage de l’historien Jacques Rougerie, auquel d’ailleurs le livre est dédié, Robert Tombs mène paisiblement son récit, multipliant sources et points de vue, bousculant légendes noires et contes édifiants, citant Marx et Furet avec la même tendresse. Ses phrases, pourtant brèves, tissent une grande diversité d’enjeux – sociaux, militaires, urbains… Et tout en inscrivant ces événements dans la continuité des révolutions, il rompt avec une vision lisse et linéaire de l’Histoire pour montrer que « la plus grande insurrection véritablement populaire » de l’Europe moderne se déploya sous le signe de l’imprévisible, entre pluralité des rythmes et discordance des temps.

Aurore ou crépuscule ? Fête ou chaos ? Ces vieilles questions, Tombs refuse de les trancher. À le lire comme à l’écouter, on est frappé par l’élégante sérénité qui assure l’ampleur de son propos. Aux premiers jours de la Commune, en mars 1871, des observateurs étrangers, notamment anglais, posaient sur le soulèvement un regard plutôt flegmatique. Près de cent cinquante ans plus tard, c’est encore un Britannique qui trouve la juste distance pour raconter ces journées cruciales, au rayonnement intact, de façon à la fois sensible et apaisée.

Jean Birnbaum