Le blog des éditions Libertalia

Le Grand Soir dans Le Combat syndicaliste

lundi 24 septembre 2018 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Paru dans Le Combat syndicaliste, été 2017.

Mythe, utopie, révolution.

Aurélie Carrier retrace ici l’apparition et les débuts de l’image du Grand Soir – c’est-à-dire l’avènement du bouleversement révolutionnaire. L’idée, vécue comme une rupture soudaine et radicale avec l’ordre établi amenant vers l’avenir radieux du socialisme, avait notamment pour précédent… le Grand Jour biblique. On le retrouve débarrassé des scories religieuses à la fin du XIXe siècle, lors du procès des revendications explosives des mineurs de Montceau-les-Mines – qui eut lieu à Lyon en 1882. Et l’expression va faire florès, dans les rangs ouvriers, mais aussi dans ceux de la presse bourgeoise et autres défenseurs de l’ordre établi. Aurélie Carrier détaille notamment, récit haletant, les mois, semaines et jours qui précèdent le 1er mai 1906 à Paris et la grève générale annoncée comme l’acte clé de la bataille des 8 heures, menée par la CGT, et où la mythologie du Grand Soir est à pied d’œuvre. Malgré ce passif libertaire et syndicaliste révolutionnaire, la prise du Palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg par les bolcheviques en octobre 1917 brouillera les esprits, jusqu’à aujourd’hui : non, le Grand Soir n’est pas synonyme de prise du lieu où s’exerce le pouvoir et n’a pas non plus été créé par les marxistes-léninistes. Au-delà de cette réhabilitation historique de la paternité de l’expression, c’est en somme le rôle de l’imaginaire révolutionnaire qui est ici pointé du doigt. Pourquoi l’homme a-t-il besoin de mythes ? Question anthropologique tout autant que politique… Aujourd’hui, force est de constater que l’imaginaire du capitalisme industriel règne et a conquis la masse des gens et de leurs esprits : Game of Throne, Playstation, Youtube, télé-réalité, grande distribution, Canal +, RMC, Fifa, Uber… et des petites phrases comme celle d’Emmanuel Macron, prononcées alors qu’il était ministre de l’Économie du gouvernement Hollande : « Il faut des success-stories, car elles créent un fort effet d’entraînement. […] Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires. » De fait, bourrer le crâne des gens avec des représentations qui vont dans le sens du système capitaliste, occuper le terrain pour être sûrs qu’ils n’aillent pas voir ailleurs, reste la meilleure façon de perpétuer l’exploitation, l’enrichissement, la compétition, l’individualisme et tutti quanti. Alors, que serait un imaginaire de l’émancipation ? Un Grand Soir d’aujourd’hui ? Loin de toute représentation messianique et millénariste, ne nous manque-t-il pas une projection autonome propre à notre classe ? Quid du communisme libertaire, si nous n’en forgeons aucune image ?

Bastien (SIPMCS)