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> La Semaine sanglante dans le Bulletin des Ami·es de la Commune
vendredi 7 mai 2021 :: Permalien
Publié dans le Bulletin des Ami·es de la Commune n° 86, 2e trimestre 2021.
Michèle Audin est une mathématicienne, et lorsqu’elle se penche sur un sujet historique, l’exactitude reste son maître mot. Rien n’échappe à son enquête. Archives, journaux, témoignages, essais, visites de terrain, tout est croisé, vérifié, rien n’est pris pour argent comptant. À cela, Michèle Audin ajoute son talent d’écrivaine. Avec elle, la rigueur n’est jamais ennuyeuse. Ceux qui suivent, sur son blog, le récit au jour le jour de la Commune, le savent bien. La passion est toujours là qui affleure, au service de la vérité.
Dans La Semaine sanglante, l’exercice est périlleux. Il s’agit d’entreprendre le décompte macabre des massacrés de mai. Michèle Audin n’omet ni n’ajoute rien, elle rapporte. Avec une sobriété exemplaire qui ne nuit pas au récit, au contraire. La multitude des comptes, des registres, des témoignages, rassemblés, analysés, ordonnés et liés, avec science et intelligence, démontre avant tout et de façon clinique la mécanique du massacre des Communards par les Versaillais, qui s’est enclenchée à partir du 21 mai 1871. Au rythme des exécutions sommaires et des cours martiales immédiates, sans existence légale, on suit la progression de la vague sanglante dans Paris, jusqu’à la chute de la dernière barricade, et au-delà. La fin des combats ne marque pas la fin des massacres.
Au bout des comptes, ce n’est pas le total des morts que l’on retient. Bien plus parlant est le détail de l’addition. La découverte de charniers, comme celui du cimetière de Charonne (800 fédérés) côtoie une multitude d’exhumations, parfois de quelques squelettes. En 1920, on en trouvait encore.
Je conseille en particulier ce livre à tous ceux qui s’apprêtent, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, à évoquer la Semaine sanglante à l’occasion de son 150e anniversaire. Michèle Audin nous rappelle, par son exemplarité, que l’argumentation, plus que les slogans, est la meilleure arme contre les vérités alternatives.
Philippe Mangion