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> Journal d’un rescapé du Bataclan dans Alternative libertaire
mardi 1er décembre 2020 :: Permalien
Publié dans Alternative libertaire, décembre 2020.
Prof, historien spécialiste de l’islam médévial. Christophe Naudin s’est penché sur les récupérations politiques de l’histoire. Et il est aussi un amateur de rock et de bière. Mais le 13 novembre 2015, c’est l’histoire qui se penche sur lui, armée de kalashnikov. Il est dans la fosse du Bataclan, les corps s’effondrent autour et il trouve refuge dans un cagibi jusqu’à l’intervention de la police.
Malgré le trauma la vie reprend. Mais ce n’est plus la même vie. Il décide d’écrire, en parallèle d’une thérapie, un journal dont il situe d’emblée l’enjeu : comprendre ce qui lui est arrivé, ce qui nous arrive en fait puisque son journal, ironie de l’histoire, est publié quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty et qu’il évoque à plusieurs reprises ses craintes devant les risques et menaces visant les enseignants.
Même après avoir frôlé la mort, Naudin affirme combattre l’islamophobie. Quand d’autres ont basculé lui refuse absolument tout amalgame. Et il récuse le concept d’islamo-gauchisme. Mais certaines postures dans « sa famille politique » qui l’agaçaient avant l’attentat le mettent définitivement en colère. Et il renvoi dos-à-dos, comme deux faces d’une même médaille les islamophobes et ceux qu’il appelle « islamistophiles ».
Le journal raconte au jour le jour sa lente « guérison ». Comment il rompt progressivement avec des amis dont il ne supporte pas les propos. Il tient également une chronique des attentats islamistes à travers le monde (occidental surtout). Mais s’il annonce chercher une voie entre islamophobes et « islamistophiles », c’est surtout à ces derniers qu’il s’en prend. Qui aime bien châtie bien ?
Le journal devient alors un réquisitoire à la Prévert, rejetant pêle-mêle Plenel et le CCIF, Bondy blog et Ramadan, Fassin et Bouteldja… C’est la partie faible car si, en historien, il traque chaque approximation erronée, chaque cécité (en particulier à l’antisémitisme), chaque erreur manifeste et même des guillemets trop précautionneux, la critique théorique est trop souvent lapidaire.
Il faut néanmoins lire ce livre témoignage jusqu’au bout car il pose de vraies questions à celles et ceux qui luttent à juste titre contre l’islamophobie. Et dans sa postface, Naudin revendique d’avoir publié le journal brut de colère en reconnaissant sans doute des excès. Soit. Reste qu’il nous manque toujours une analyse solide et stable pour comprendre comment fonctionne la machine à recruter les tueurs entrecroisant psychologie, sociologie, religion, géopolitique postcoloniale mais aussi rivalités entre régimes autoritaires, dictatures ou théocraties fondées sur l’islam. Peut-être l’objet d’un prochain livre, plus apaisé, alors que Naudin se pense seul au monde à poser la question d’un fascisme islamique ?
Jean-Yves, UCL – Limousin