Le blog des éditions Libertalia

Handi-Gang dans L’Est républicain

mardi 5 septembre 2017 :: Permalien

— REVUE de PRESSE —

Handi-Gang dans L’Est républicain, 27 août 2017.

Le nouveau Petit Livre rouge

Le second roman de la Nancéienne Cara Zina aborde la place du handicap dans la société. Explosif.

« Mon fils n’a pas grand-chose à voir avec le héros de mon histoire, lui a une réserve et une discrétion qu’ont beaucoup de handicapés. » L’écrivain Cara Zina est aussi la maman d’Emil, né en 1998 avec un spina-bifida. C’est-à-dire avec un trou dans la colonne vertébrale. « Depuis le début, je le vis avec optimisme, c’est dans ma nature ! » Dans sa nature aussi d’être sensible au sort des minorités. L’ancienne punk née à Nancy en 1968, qui a fait du rap et les 400 coups avec sa meilleure pote Virginie Despentes, devenue d’ailleurs la marraine d’Emil, se souvient que même pendant ses études d’audiovisuel elle bossait sur l’IRA ou sur les Indiens d’Amérique… Et qu’à 16 ans, après le choc du film de Spike Lee, Do the right thing, elle voulait être un Noir… « J’ai toujours été interpellée par le sort des opprimés. » De là à se lancer à corps perdu dans la défense des droits des handicapés, qu’elle constate bafoués à longueur de temps depuis qu’elle est devenue mère célibataire de l’un d’eux, il n’y avait qu’un pas qu’elle n’a évidemment pas hésiter à franchir ! « Je peux comprendre la rage de ceux qu’on n’entend pas, et même, je ne peux pas comprendre pourquoi ils ne s’énervent pas plus… »
Quand Emil se fait virer d’un cinéma, elle, ça la révolte. Quand il ne peut pas accéder à un concert ou qu’une prof de sport lui colle un 3/20 pour une course d’orientation qu’il a dû faire en fauteuil roulant, ça la bouleverse. Mais tomber dans le cliché de la courageuse maman, ça la gonfle. Alors elle ne fait pas forcément dans le politiquement correct, Cara Zina. Et elle imagine une histoire où on pose des bombes pour se faire justice… à une époque où les éditeurs ne risquent pas de se ruer sur le sujet. Il faut dire qu’elle a commencé à l’écrire en 2009, juste après la parution chez Robert Laffont de son premier roman Heureux les simples d’esprit. Dans lequel elle racontait l’immersion d’une punkette féministe dans la vie en société. Punkette donnant naissance à un handicapé.
De la même façon, dans Handi-Gang, « je n’invente pas grand-chose, tout est inspiré du réel », confie l’écrivain. Qui a planté son action à Lyon, là où est né Emil. Mais cette fois, « le sujet de fond est complètement utopique, car il n’existe en réalité pas d’alliance entre les handicapés… ». Alors Handi-Gang, c’est clair, « ça relève du fantastique ». Ces jeunes gens sourds, aveugles, invalides… qui se rassemblent clandestinement pour mener des actions de lutte concrète contre les inégalités, c’est un peu son rêve à Cara Zina. « J’avais envie de porter leurs voix. » Et bien entendu, il y en a de toutes les couleurs de peau. Même l’irrésistible Djenna, qui incarne la mère du jeune meneur Sam, est d’origine algérienne. Comme le père d’Emil. Dont le prénom ne porte pas de « e » parce qu’il signifie « optimiste » en arabe. Ils sont tous terriblement attachants les personnages d’Handi-Gang. Autant que leur créatrice, qui estime que « c’est important que les héros des bouquins ne soient pas toujours bien blancs et bien français ». Et l’on constatera que celui qui fait tout dégénérer n’est pas handicapé, mais bien « très en colère ». On constatera aussi que ce roman, qui se lit comme un polar, n’élargit pas seulement le bout de notre lorgnette sur le quotidien des invalides. Il donne envie d’un monde meilleur. Sans hésiter à questionner l’eugénisme. « Il n’est pas question de juger celles qui ne s’en sont pas senti la force, mais de donner du courage à celles qui se sont vu reprocher d’avoir pris le risque de mettre au monde un enfant “qui en souffrirait sûrement” », dit Djenna dans Handi-Gang. « J’ai vu mon fils dans la détresse. Il m’a toujours inspiré de la fierté, pas de la peine et encore moins envie d’abandonner. » En mettant ces mots dans la bouche de son héroïne de roman, Cara Zina persiste et signe : « Tout en continuant à développer le pronostic prénatal, on devrait quand même mieux s’occuper des handicapés qui sont là ! »

Valérie Susset