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mardi 5 novembre 2024 :: Permalien
Publié dans Le Télégramme du 15 octobre 2024.
Cent ans après la grève victorieuse des ouvrières de conserverie à Douarnenez, la journaliste Tiphaine Guéret s’est lancée sur la trace des sardinières d’aujourd’hui. Fruit de ses six mois d’enquête, son livre intitulé Écoutez gronder leur colère sort ce 18 octobre.
C’était le 11 mars 2024 : pour la première fois depuis des lustres, une grève éclatait au sein de la conserverie de poissons Chancerelle, à Douarnenez. Entre 200 et 250 ouvriers et ouvrières des usines de thons et sardines se rassemblaient sur le site de l’entreprise. Ils réclamaient une augmentation des salaires de 3 %, à quelques heures du dernier rendez-vous programmé entre direction et représentants du personnel, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires.
Pour la journaliste Tiphaine Guéret, le mouvement tombait à pic, d’une certaine manière : au même moment, elle menait une enquête sur ceux, et surtout celles qui travaillent dans les conserveries de poissons douarnenistes aujourd’hui. Fruit de son travail, son livre Écoutez gronder leur colère, publié aux éditions Libertalia, sort le 18 octobre. « J’ai commencé à m’intéresser à l’histoire de la grève de 1924 des ouvrières de conserverie de Douarnenez il y a six ans. J’ai été fascinée par cette lutte, et à l’approche du centenaire, j’ai voulu m’intéresser au travail dans les usines douarnenistes aujourd’hui », explique la journaliste.
Une quinzaine de témoins
Habituée à travailler sur des sujets en lien avec le travail des femmes et les mobilisations sociales, elle affirme que travailler sur ce sujet n’a pas été chose aisée. « Je m’attendais à rencontrer rapidement, dans les cafés et les bars, des ouvrières ou des personnes qui en connaîtraient mais ça n’a pas été le cas. C’est aussi lié au fait que les deux principales usines, Chancerelle et Petit Navire, se situent désormais dans les zones industrielles et non plus près du port. Les ouvrières ne viennent plus dans les cafés après le boulot, comme cela pouvait se faire auparavant. »
En plus des visites des conserveries, effectuées au milieu de candidats au travail intérimaire et de son travail de documentation, la journaliste a tout de même pu interroger une quinzaine d’ouvrières de Petit Navire et surtout de Chancerelle pendant six mois environ.
Dynamique communautaire
Au fil des entretiens et des observations, Tiphaine Guéret a pu mesurer la réalité contemporaine du travail en conserveries : une féminisation toujours très prononcée des tâches les plus ardues et répétitives, des conditions de travail difficiles, synonymes de troubles musculo-squelettiques bien plus élevés que la moyenne chez les ouvrières, et une forte proportion de travailleuses étrangères en particulier chez Chancerelle. « On y compte actuellement 26 nationalités », relève la journaliste qui décrit, témoignages à l’appui, un univers où les communautés se mélangent peu et où permanentes et intérimaires déjeunent sur des tables séparées.
Un avant et après-11 mars ?
« J’imagine que c’est assez représentatif de ce que peuvent vivre les ouvrières dans beaucoup d’usines françaises », considère Tiphaine Guéret. Cette dernière assure toutefois avoir constaté un changement de vision après cette grève du 11 mars, conclue par un accord avec la direction sur une hausse des salaires de 2,3%. « Des choses ont changé chez celles avec qui j’ai pu discuter avant et après la grève. Elles étaient contentes de ce qu’elles avaient pu créer en commun à cette occasion. Est-ce que cela va créer un effet levier, je ne sais pas, mais elles avaient l’impression que des choses étaient en train de bouger. »
Dimitri L’hours