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lundi 5 mars 2012 :: Permalien
Pierre Goldman, la vie d’un autre.
Emmanuel Moynot.
Futuropolis, 208 pages, 24 €.
Emmanuel Moynot, scénariste et dessinateur, qui a signé, en 1992, Le Temps des bombes (Dargaud), revient à la BD d’inspiration sociale en livrant cette ambitieuse biographie graphique de Pierre Goldman. Ponctuée de nombreux et passionnants entretiens avec les anciens camarades de Goldman (Tiennot Grumbach, Catherine Levy, Jacques Rémy, Prisca Bachelet, Marc Kravetz, Marianne Merleau-Ponty, Georges Kiejman), cette BD réussit la gageure de rappeler la geste gauchiste des années 1960-1970 (de l’opposition à la guerre d’Algérie à l’élection de Mitterrand) tout en rendant sobrement hommage à l’énigmatique Pierre Goldman, le demi-frère du chanteur… Où il est d’abord question du père, Alter Moïshe Goldman, et de la mère, Janine Sochaczewska, tous deux grands résistants membres des FTP-MOI.
Pierre Goldman, né en juin 1944 (!), a grandi dans la mystique de la Résistance et n’a cessé de combattre physiquement toute résurgence antisémite et toute attitude fasciste. Écorché vif, romantique, ivre d’action, Goldman participe à tous les services d’ordre et à toutes les manifs (aux côtés de l’Union des étudiants communistes, notamment), à l’exception de Mai-68, qu’il ne comprend pas, ayant rejoint dans le même temps ou presque, et durant plus d’un an, les rangs de la guérilla vénézuélienne.
De retour à Paris, ce passionné de salsa écume les boîtes de nuit sud-américaines et antillaises, fréquente des truands et devient braqueur. En 1970, il est arrêté pour le double meurtre des pharmaciennes du boulevard Richard-Lenoir, un meurtre qu’il n’a probablement pas commis, mais qui le conduit en prison le temps d’une procédure retentissante qui dure six ans et dont il ressort acquitté.
Soutenu sans réserve par le quotidien Libération et par les plus célèbres intellectuels et artistes français, il n’a guère le temps de profiter de sa liberté. Il est abattu en pleine rue le 20 septembre 1979. Un commando revendique l’assassinat sous le nom d’« Honneur de la police ». Comme l’ont signalé Hamon et Rotman dans Génération, l’enterrement de Pierre Goldman marque symboliquement la fin du gauchisme français post-68. Pour en savoir davantage, on lira le texte autobiographique rédigé en prison pour assurer sa défense – Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France (Seuil) –, dont voici un extrait : « Je voulais déchirer, briser le cours paisible des relations politiques de ce pays, y introduire la violence, la provoquer. J’étais fasciné, profondément, par l’idée d’une lutte armée qui se déroulerait en France. […] J’avoue que la pensée d’une fusillade dans les rues de Paris me plongeait dans une rêverie émue. »
N.N.